E D E N
Un énorme craquement retentit dans la demeure. Alerté, je me redresse et essaie d'apercevoir quelque chose à travers l'obscurité qui assombrit ma chambre. Le silence étant revenu dans la grande maison, je repose ma tête sur l'oreiller en dictant à voix basse à mon cœur de calmer le rythme effréné de ses battements. En vain, un mauvais sentiment grandit dans mon esprit, m'empêchant ne cesserai-ce que de fermer les paupières. L'étau qui se referme autour de ma poitrine ne me laisse même pas envisager de me rendormir. Encore une foutue insomnie de plus.
Alors que ma respiration recommence à se régulariser, un nouveau bruit assourdissant fait trembler les murs du bâtiment, renforçant mon mauvais pressentiment. Je sors mes jambes nues, qui sont entortillées dans les draps blancs, et les pose sur le sol froid avant de me relever. Les mains tremblantes, j'appuie sur la poignée de la porte et me déplace le plus discrètement possible dans le couloir de peur que se ne soit des gens qui se soit introduit dans la riche demeure. La peur vicieuse se met à couler dans mes veines et une sueur glacée coule le long de ma colonne vertébrale. La gorgée nouée, je grimpe au deuxième étage pour me diriger vers la chambre de mes parents. Et c'est là que je les vois. Les flammes rouges sang et rose orangées, qui crépitent dans le grand couloir. Une brusque quinte de toux me tord les poumons, avant que les premiers hurlements ne résonnent. Je ne sais pas si se sont les miens ou ceux de mes parents. Je n'en ai aucune idée.
Je vois seulement le feu qui est en train de ravager la maison, et ma vie par la même occasion. Avec les poings, je me frotte les yeux comme si ça pouvait en extraire la poussière qui m'empêche de voir clair. Malheureusement ce n'est pas le cas.
Et c'est là que je la vois, ou plutôt que j'aperçois ses grands yeux de biche dans l'encadrement de la porte. « Ne m'abandonne pas, Eden ».
Les yeux écarquillés, mon souffle se coupe violemment dans ma gorge. Tétanisé par la peur, j'accroche instinctivement le tissu de mon tee-shirt, juste au-dessus de mon cœur. Mon rêve flotte dans mon esprit. Les cauchemars avaient fini par cesser et j'avais oublié. Oublié combien, ils font mal, donnent la nausée et semblent briser un cœur en mille morceaux. Les bribes du passé hantent mes pensées, tournant et virevoltant entre les parois de mon cerveau. Cette impression d'éclipse solaire, à cause de laquelle on observera plus jamais la lumière, ne m'a pas manqué. Tout parait couler et m'étouffer, alors que les hurlements de Ella résonnent toujours autour de moi.
Ne m'abandonne pas, Eden.
Ne m'abandonne pas, Eden.
Ne m'abandonne pas, Eden.
Les mains contre mes oreilles, je prie pour que le silence remplace les cris et la douleur et la peur. Sa voix me hèle, me supplie, m'implore ; et mon cœur se brise, dégringole, s'écrase. Ella me rappelle auprès d'elle. Alors que je croyais avoir réussi à aimer la vie, la mort semble me convier dans son royaume de façon brusque et bestiale. Mes bras resserrés autour de mon propre torse, je sens que je m'encloisonne dans ma propre âme. Ça me fait peur. Tout s'emmêle et s'enroule et étouffe mon cœur épuisé. Les images pèsent lourds contre mon corps affaibli, endolori. Recroquevillé sur moi-même, ma couette contre mon torse frissonnant, mes muscles se tendent à l'extrême. Chacun des souvenirs qui affluent dans mon esprit éraflent mon palpitant. La nuit écrase l'once de légèreté qui régnait encore en moi. Mes doigts accrochés aux draps blancs, je perds contre les démons de la peur. Me noyer ou tenter de respirer mon anxiété ?
Ne m'abandonne pas, Eden.
Les doigts pressés contre mes cuisses frissonnantes, je tente de retrouver de l'oxygène dans l'air qui m'entoure. Dans un geste automatique, je porte mon index et mon pouce à la cicatrice de brûlure qui parcoure ma clavicule et mon omoplate droite. Elle est rêche contre la pulpe de mes doigts. Le souvenir de la sensation des flammes mortelles, contre la peau fraiche de mon dos, me donne la nausée. Me rappeler que c'est la sensation qu'à du ressentir Ella pendant de longues minutes, sur toutes les parcelles de son enveloppe charnelle, me paralyse. Ça me donne le vertige, de penser.
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Le Fracas de nos Cœurs
Romance"De la lumière, je suis devenu les ténèbres." Eden est une âme errante. Noyé dans sa culpabilité et sa douleur, sa vie n'est plus qu'une immense nuance de gris. Son cœur brisé semble nager dans un océan de désespoir. Son palpitant bat au rythme d...