Pour Natsu.

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Natsu,

Je pense que si nous nous étions dis tout ça depuis le début, tout se serait passé autrement. C'est vrai quoi, on s'est tous les deux fait souffrir pour des conneries. On imaginait juste des choses qui n'existaient pas.

Revenir ? Non je ne pense pas. En tout cas pas tout de suite. Sinon je reverrais tous nos souvenirs, tout ce qu'on a vécu. Ça détruirait tout ce que je suis en train de construire.

Aujourd'hui je faillis rien qu'à voir ton prénom écrit. Rien qu'à entendre une chanson qu'on aimait tous les deux, rien qu'à voir une affiche de film qu'on a vu... Tout me rappelle toi, mais j'essaye de ne pas y penser. De pas penser à toi.

Tu crois que si on se revoit un jour on sera les mêmes personnes ? On ressentira les mêmes choses ?

Tu n'as jamais profité de moi à proprement parler, ce n'était qu'une impression après coup, le lendemain, quand je croyais encore aux pires choses, que tu étais partis.

Encore une fois, on aurait dû parler. On aurait dû dire ce que l'on ressentait par rapport à nos parents, à nos pertes. Ça me fait mal de lire ta lettre, tes mots me brisent. Je ressens tout ce que tu ressens à travers eux. Ça ne te ressemble pas. Je n'ai pas l'impression de parler à mon ami de toujours. Je n'ai pas l'impression d'écrire à la bonne personne. J'ai l'impression de ne plus te connaître. Je ne t'aurais pas vu évoluer ? Je ne t'aurais pas vu changer ? Avancer ? Ça me rend triste de penser ça. Je suis horrible.

Je n'ai donc pas été présente pour toi ?

Je t'ai fait souffrir ? Quelle honte. Je me lamente sur mon sort, alors que tu es aussi à plaindre.

Je n'ai plus le courage d'écrire aujourd'hui, je reprendrais la suite demain.

Arrêtes de me dire que des choses gentilles, elles ne sont pas vraies. Puis je ne peux pas y répondre, tu le sais bien. Je dois t'oublier, pas te complimenter ou ressasser les bons moments qu'on a passé ensemble.

Malgré le fait que tu as été blessé aussi, je vais continuer à écrire ce que je ressens.

Peut-être que tout aurait été différents en effet si tu t'en étais rappelé, on aurait sûrement pas souffert autant. Mais peut-être qu'on était pas assez matures ? On ne sait pas ce qu'il se serait passé si tu t'en étais souvenu. Et c'est peut-être mieux ainsi. Après tout on ne peut pas retourner en arrière. On ne peut pas changer ce qui est déjà arrivé.

J'ai toujours eu besoin de toi, et ça n'a jamais changé. Je crois que j'aurais toute ma vie besoin de toi tant que je ne t'oublie pas. Par contre, t'oublier ne veut pas dire te remplacer, tu es irremplaçable, jamais personne ne prendra la place que tu as pris dans ma vie. Pour moi, c'était pareil, je ne pensais qu'à toi, je ne voulais que toi, et je n'avais que d'autres personnes que toi. Tout ce que je veux toujours,  je ne l'ai jamais.

Ce qui est arrivé avec ta mère n'a certainement pas dû te réjouir. Je n'ai jamais eu la bonne surprise de revoir mon père, heureusement. Je conçois le fait que ça n'ai pas dû t'aider, nos adolescences n'ont pas été toutes roses après tout.

Si tu veux savoir quelque chose, vu que tu m'as parlé de ton père, c'est que ma mère me manque. Elle me manque tellement. C'était un peu la dernière famille qui me restait. Je n'ai pas la chance d'avoir de frère ou sœur, je n'ai pas de famille proche. Enfin je n'avais pas, quand je suis partie vivre chez mon grand-père, je ne le connaissais pas très bien, j'avais dû le voir deux fois dans ma vie quand j'étais jeune. Aujourd'hui je l'adore, mais il arrive en fin de vie, il se fait très vieux. Je suis triste bien sûr, mais je commence à être habituée à perdre des gens.

C'est faux, on ne s'y habitue jamais.

Tu aurais dû t'y prendre autrement. Je sais que tu étais énervé, je sais que tu avais pleins de problèmes, avec ta mère, ton frère... Mais ce n'était pas une raison pour tout rejeter sur moi. Ce n'était pas une raison pour me faire subir ça. Je sais que ce que je faisais te répugnais, mais je ne pouvais rien n'y faire. Putain c'était une addiction, tu ne règles pas ça comme ça. Tu n'abandonnes pas les gens dans la merde dans laquelle tu les a foutu. Surtout quand tu les aimes. Surtout quand ils comptent sur toi.

J'étais totalement désespérée. Ça a été, et restera, une des pires périodes de ma vie. Je crois que tu t'en rends pas compte. Je n'ai pas mangé pendant toute une semaine. Au début, j'arrivais à peine à bouger. Tout ce que j'essayais d'avaler, je le régurgitais deux heures après. Je tremblais tout le temps, j'étais tout le temps gelée, mais j'avais tellement chaud en même temps. J'avais des grosses plaques rouges aux bras et sur ma nuque à force de me gratter. Ça pendant deux semaines. Puis la troisième, j'ai commencé à reprendre ma vie d'avant, avec tous mes souvenirs qui jaillissaient en même temps. Je suis revenue sans aucune cicatrices apparentes de cette expérience. Mais je pourrissais de l'intérieur. Je n'avais plus que des pensées sombres, il fallait tout le temps qu'on me rassure. Ce que tu n'as absolument pas fait.

À cette soirées je t'avais vu avec une autre fille. Je croyais que vous vous embrassiez, alors j'ai vrillée, et j'en ai repris. Je ne voulais pas mais c'était plus fort que moi. Je n'arrivais pas effacer cette image de mon esprit. Et tout c'est accumulé, nous, toutes les fois où je t'ai vu avec d'autres filles, nous entrain de coucher ensemble, puis elle...
Je n'ai pas su me retenir. Je croyais que tu ne me prêtais aucune attention.
Alors j'ai juste voulu oublier.
Je n'en ai pas repris depuis, je n'ai pas replongée.
Nous avons couché ensemble, et puis le lendemain, j'ai eu le contre coup de la soirée. Je savais se que nous avions fait, et comme je t'ai dit, tu n'étais plus là. J'ai cru que tu étais partis parce que tu regrettais, et que tu n'avais jamais voulu le faire. Je n'avais que des pensées négatives. Je n'ai même pas entendu le bruit de la douche. Je ne faisais que broyer du noir, et je ne voyais rien d'autre. Je ne voulais rien voir d'autre. Je voulais me punir. Je me sentais minable. Finalement, ce mot me définis bien. Le nombre de fois où tu as pensé ça de moi, et où j'ai pensé ça de moi... Je finis par penser que je le suis vraiment, et que rien ne pourra y changer.

Alors tu comprends, me réveiller seule le lendemain dans ce lit. Avec l'alcool, la drogue que j'avais pris la veille. Mes pensées qui ne voulaient cesser. Je ne savais plus qui j'étais. J'avais juste l'impression de sombrer, de tomber sans m'arrêter. Je voulais oublier, mais je voulais pas que tu m'oublies. J'avais le sentiment que tu n'aurais plus jamais besoin de moi.

Avec tout ça en tête, je suis partie. Et dans un élan, de folie peut-être, je suis partie loin de toi. Loin de cette ville qui renfermait trop de souvenirs. Trop de souvenirs de toi, de nous.

Tu comprends mieux ma vision des choses ? Après tout si tu ne comprends pas, ce n'est pas grave, je fais ça pour moi, pas pour toi.

Lucy.

Une lettre d'adieu Où les histoires vivent. Découvrez maintenant