Jamais de ma vie je n'aurais cru qu'un cours de sciences pouvait me marquer. Pourtant, c'était dans ce contexte que je croisais son regard pour la première fois. Le cours avait commencé assez normalement, les regards avaient convergé vers moi à l'appel de mon nom en début de classe, mais n'étant plus à mon premier cours dans cette école, beaucoup se détournèrent, peu convaincus et guère intrigués. J'attachai le plus grand soin à fixer les rayures sur ma table, sans pourtant m'y attarder réellement.
Une fois que Prehent eut commencé son cours, je me concentrai sur ce que j'avais pris pour de simples rayures. En déplaçant mes cahiers, je me rendis compte, qu'elles étaient au nombre de dix. Cinq à droite et cinq à gauche parfaitement symétriques. Je déposai mes doigts dessus, et suivais lentement sa progression d'un bout à l'autre de la moitié de table. J'entendais même le crissement d'ongles sur cette table de bois et relevai la tête, étonné d'être le seul à l'entendre. Le crissement se poursuivait me faisant grincer des dents mais je tachai de ne rien laisser paraitre. Des regards s'étaient déjà tournés dans ma direction au couinement ridicule qui m'avait échappé. Des griffures. Mais qui se serait infligé ça, nom d'un chien ? Je n'avais jamais essayé mais cela m'étonnerait que des ongles puissent s'enfoncer aussi profondément.
Le bruit continuait, me lacérant les oreilles.
Plus personne ne semblait prêter attention ni à mon halètement ni à mon malaise grandissant. Tous fixaient le tableau, l'air concentré. Non, pas tous. Un jeune homme avait le regard tourné vers ma direction. J'aurais pu me sentir flattée si ses sourcils n'étaient pas froncés. Je suivis son regard et tombai sur ma main encore enfoncée sur ce que j'avais identifié comme des griffures. En relevant la tête, je croisais son regard et le temps s'arrêta. Je ne suis pas de celles qui vous serviront du romantique et des papillons dans le ventre à tout bout de champ. Pourtant, lorsque nos yeux s'accrochèrent, j'eus l'impression qu'ils ne se décrocheraient jamais. Je sentais même l'électricité remonter dans mon échine et hérisser le moindre de mes poils. Le bruit avait disparu. A vrai dire, je n'entendais plus rien. Ses yeux gris presque blancs m'enrobèrent et je les sentais caresser ma peau. Je voulais m'y perdre. Plus rien n'avait d'importance en cet instant. Ni les griffures ni même toutes les anomalies qui rythmaient mon séjour ici. Un nom claqua violemment dans mon esprit : Agate. Cela ne pouvait pas être son prénom mais je ne parvenais à me concentrer bien trop hypnotisée par ses grands yeux clairs.
Aussi soudainement, il détourna la tête. Je n'arrivai pas à distinguer ses traits mais j'y cru lire de l'indifférence ce qui me poussa à reconsidérer ce qu'il venait de se produire. Premièrement, cet échange était tout bonnement stupéfiant, et y repenser agita quelque chose au fond de mon ventre. Je n'avais jamais rien connu de semblable. Mais, et c'était mon deuxièmement, je n'arrivais pas à m'expliquer le nom qui s'était imposé à moi. Agate. Il ne pouvait pas s'appeler comme ça et, quand bien même ce fut le cas, je n'avais aucun moyen de le deviner.
VOUS LISEZ
Précieuse - Tome 1
FantasíaA la mort de sa mère, Coraline est placée en famille d'accueil bien loin de ses amis et son ancienne vie. Elle doit apprendre, seule, à trouver sa place dans un établissement où les évènements étranges et inexplicables s'enchaînent. Trouver sa place...