Les croisés du Plasma, livre 1 : Les quatre frères

#1 Vert et bleu

« Bonjour. Tu es enfin réveillé ? »
« Hein ? Que... Quoi... Où... Qui... »
« Chuuuut... Chuuuut... Nous comprenons. Nous aussi, nous avons ressenti ça. La vie soudaine est quelque chose de foudroyant, il faut le reconnaître. Ne t'en fais pas, tu t'y feras très vite, tu verras. »
« M... Mais... Tu es seul. Pourquoi parles-tu au pluriel ? »
« Hein ? Oh, bien vu, en effet. Je me demande pourquoi je faisais ça. Mais, en soit, je ne suis plus seul, maintenant. Et toi, tu ne le seras jamais, petit veinard ! »
« Mais... Qui es-tu ? Et qui suis-je, moi aussi ? J'ai l'impression qu'il y a encore un instant, je... Je... »
« N'existais pas ? »
« Oui. C'est ça. »
« D'abord, sache que je suis ton frère. Et que toi, tu es aussi mon frère. »
« Mon... Frère ? »
« Oui. Nous sommes nés de la même source, le même ventre. Les petites parts de création de ce qui ne pouvait que détruire. »
« Que détruire...? Mais alors, où sommes-nous, exactement ? Mon frère. »
« Pour le moment, nous sommes nulle part. Ce monde, ou plutôt, ce vestige noyé dans la fumée, est la seule autre chose à avoir survécu. »
« Donc, ça veut dire qu'il n'y a que toi et moi ? Nous sommes seuls ? Qu'à part nous, il n'existe rien ? »
« Pour le moment, oui. Mais ça ne durera pas éternellement. Maintenant que le chaos est parti, l'univers va pouvoir recommencer à se former comme avant. Bientôt, tout ce néant autour de nous deviendra une magnifique esquisse colorée d'une infinité de merveilles. Et encore après, des êtres vivants y apparaîtront, et dupliqueront ces merveilles par leurs rêves et leurs actions. »
« Et qu'est-ce que nous ferons dans un univers aussi vaste ? »
« Nous y vivrons, mon frère. Et nous veillerons sur son développement et sa prospérité, comme nous veillerons l'un sur l'autre... Toi et moi, à jamais ensemble. »
« Ça m'intéresse, mon frère. J'admets que je préférerais qu'on y soit seuls, mais ce que tu dis me plaît. Je veux voir cette beauté que tu me décris. Je... Je te fais confiance, mon frère. »
« Toi et moi, à jamais dans cet univers infini, mon frère. »
« A jamais ? Donc nous sommes éternels ? »
« Hélas, non, rien n'est éternel. Par contre, tout est infini. »

Les éons passent les uns après les autres, mettant fin à l'âge sombre de l'univers.
Étoiles naissantes après étoiles naissantes, les premières galaxies se forment et commencent à illuminer le néant de leur danse incessante.
En leur sein, de la poussière cosmique s'agglomère et des planètes prennent forme par milliards, mais seules quelques élues regroupent les conditions nécessaires pour accueillir la vie.
Plus le temps passe, plus il y en a, la matière prend des proportions infinies au détriment du vide, au détriment du chaos, au détriment du Plasma.

Ce n'est pas la première fois qu'il est évincé, et quoi qu'il arrive, ce ne sera pas la dernière non plus.
Cette notion, cet état de l'univers, quand tout se sera à nouveau éteint, remplacera tout ce qui lui est opposé : l'ordre, le temps et la matière tangible.
Alors plus rien ne sera si ce n'est lui, le Plasma, notion de vide de vie, de chaos, la stagnation qui sera ironiquement la cause d'une nouvelle vague de création infinie.
Car quoi qu'il arrive, une chose ne s'arrête jamais : l'existence.
L'univers existe, le Plasma existe aussi, finalement, peut-être que le vide total n'existe pas réellement.

Rien n'est éternel, tout est infini.

Des milliards d'années se sont écoulées, deux yeux verts et deux yeux bleus s'ouvrent tandis que la foudre retentit bruyamment.
Ainsi, ils peuvent voir toute la majesté de ce monde qui les a vu naître.

En gravitation autour de son soleil, la planète Bylial est méconnaissable.
Cet astre, coloré il y a encore peu, a perdu toutes ses couleurs et n'est maintenant plus qu'une boule de roches et de flammes.
Forets, champs, montagnes, villes et villages ne sont maintenant plus que de vastes étendues infernales, vides et sans âmes.
Dans le ciel, les nuages ont pris la forme de spirales crachant de grands éclairs vert et bleu sans discontinu sur ce qu'il reste au sol.
Des piles de cendres et d'ossements noircis sont les seules traces de la vie diversifiée qui s'épanouissait il y a encore peu.
Maintenant, il n'y a plus rien.
Ou presque.