Un peu d'Histoire avant l'histoire...

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Belle-Île...

De sa beauté, les humains n'en ont vu que la praticité : une île autonome encerclée par la houle.

L'attrait particulier de ce lieu lui valut d'abriter différents centres pénitentiaires qui, en dépit des apparences évidentes, n'en portaient jamais le nom.

D'abord la Citadelle, construite en 1848, destinée à la détention de prisonniers politiques, puis la colonie pénitentiaire agricole et maritime de Belle-Île-en-Mer, installée en mai 1880 dans les bâtiments de Haute-Boulogne. Comme la plupart des prisons, les bâtiments de Haute-Boulogne comprenaient une administration, des réfectoires, une buanderie, des ateliers, une chapelle, un quartier disciplinaire et des dortoirs suspendus, accessibles par des échelles (qui deviendront des compartiments grillagés d'un mètre cinquante sur deux mètres).

Durant plus d'un siècle, de jeunes détenus – de jeunes enfants, en fait – furent entassés dans cette geôle inhumaine, pour des peines variant de six mois à deux ans.


Tentant vainement de légitimer cette prison et d'en vanter les bénéfices, les autorités prétendirent un moment qu'elle permettait aux jeunes délinquants (ou souffrant de pathologies mentales trop onéreuses à soigner) de se former aux emplois maritimes. Il s'agissait en fait d'exploiter ces enfants pour la pêche – la prison étoffant sa flotte jusqu'à détenir quatre embarcations – et, dans le prolongement, dans un atelier de sardinerie.

Vint par la suite s'ajouter une section agricole de cent dix-sept hectares, installée au centre de l'île, à trois kilomètres de Haute-Boulogne.

À son apogée, ce bagne pour enfants pouvait en accueillir pas moins de trois cents, dans des conditions aussi humiliantes que dégradantes, sous couvert d'autorité et de discipline. Le quotidien des détenus y était effroyable ; les corvées, brimades, humiliations et violences y étaient récurrentes et les soins inexistants.

De nombreux enfants y laissèrent la vie, comme en témoigne le petit cimetière installé à la hâte dans l'établissement.

En août 1934, une célèbre révolte éclata: un détenu avait eu le culot de goûter à son fromage avant de finir sa soupe.


La lourde sanction ne se fit pas attendre, il fut roué de coups sous les yeux médusés de ses codétenus qui, ne supportant plus cette oppression, se rebellèrent. Cinquante-cinq d'entre eux parvinrent à s'échapper. Mais ce fut peine perdue. Les responsables organisèrent une battue et offrirent aux touristes et aux habitants de Belle-Île la somme de vingt francs par enfant capturé: une véritable chasse à l'Homme s'engagea alors sur l'île, révélant le pire de la société bien-pensante qui y séjournait...

En 1940, il fut mis un terme aux bagnes d'enfants, pour mieux les remplacer, en 1945, par un autre type de prison, l'Institut Public d'Éducation surveillée. Les décennies qui suivirent, les jeunes détenus à Haute-Boulogne avoisinaient les cent.

Ce n'est qu'en septembre 1977 que l'établissement ferma définitivement ses portes...

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En 2045, lors de sa réhabilitation sommaire, elle devint le premier centre pénitentiaire pour enfants. On l'appelait familièrement, le Centre...


Un navire de vingt-cinq mètres, le Sirena et trois canots, le Bangor, le Sauzon et le Locmaria. Les détenus disposent en outre d'un trois-mâts ensablé dans la cour de l'établissement pénitentiaire, le Ville.

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