Chapitre 4

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Pluvigner, 6 juillet 2050

Contre toute attente, les deux jeunes femmes n'avaient pas été conduites à l'hôpital ni soumises à un examen médical. L'officier de police judiciaire considéra qu'elles allaient pour le mieux et qu'au vu des éléments dont il disposait, elles ne méritaient pas qu'on s'inquiète de leur sort.

Il les avait donc menottées, à l'aide de liens de plastique à usage unique et jetées à l'arrière de son véhicule, déjà encerclé par les curieux en mal de sensations fortes et avides de vindicte populaire. Par chance, le commissariat n'était situé qu'à quelques kilomètres, si bien qu'Anwen fut libérée de ses liens avant que ses mains blanchies ne se détachent d'elles-mêmes de ses poignets.

Immédiatement séparées, la barmaid et la victime ne s'étaient plus revues, chacune soumise à interrogatoire dans des salles séparées. Tandis qu'elles subissaient insultes et menaces de la part des agents de police, leurs agresseurs sirotaient un café en racontant une version larmoyante – de leur invention – de ce qui leur était arrivé.

Avant même qu'Anwen n'ait eu l'opportunité de s'exprimer, elle était déjà considérée coupable, et tout ce qu'elle aurait pu dire n'aurait fait qu'empirer la situation. Comprenant qu'elle ne serait pas entendue, elle se mura dans le silence et attendit qu'on l'autorise à consulter un avocat.

Après plus de trente heures à moisir dans une cellule répugnante, le conseil d'Anwen se présenta enfin. Il s'agissait d'un avocat commis d'office, fraîchement diplômé, qui transpirait le doute et l'inexpérience.

— Bonjour, Mademoiselle. D'après les éléments portés à ma connaissance, vous auriez été prise en flagrant délit d'agression, à l'aide d'une arme prohibée, à l'encontre d'un jeune homme vulnérable. Pour le moment, il est encore en vie, mais son pronostic vital est engagé.

— Je n'ai agressé personne. Il y avait cette jeune fille...

— Vous n'étiez pas seule ?

— Non, elle allait se faire agresser sexuellement par trois types, dans la ruelle, derrière le bar où je travaille. Je n'ai fait que lui venir en aide...

— Avec une arbalète ?

— Ils m'ont fait peur, c'était de la légitime défense !

— Vous disposiez d'une arme, et ces personnes que vous avez agressées et blessées non. Votre acte n'a rien de proportionnel. La présence de cette arme dans votre sac laisse présager qu'en plus, tout ceci était prémédité.

— Mais c'est faux, je ne sais même pas qui sont ces hommes !

— Vraiment ?

— Oui, vraiment !

— Celui que vous avez manqué de tuer est le fils du président Franch, magistrat à la Cour d'Appel de Bretagne. Ça ne vous revient pas ?

— Puisque je vous dis que je ne le connais pas ! Vous êtes mon avocat ou vous bossez pour le procureur ? C'est quoi votre rôle, au juste ?

— Excusez-moi. Vous avez raison, mes propos ne sont pas très encourageants en ce qui vous concerne, mais vous devez savoir dans quoi vous vous êtes embarquée. Malheureusement pour vous, il aurait été plus sage de tourner les talons et de laisser cette pauvre fille à son triste sort. Vu le dossier à charge contre vous, vous n'avez aucune chance d'échapper à l'incarcération, malheureusement...

Saisissant à peine le sens des mots que son avocat venait de lui balancer sans ménagement, Anwen ne sut que répondre. Allait-elle véritablement être emprisonnée pour avoir porté secours à la future victime d'un viol en réunion ? Était-ce ainsi qu'on rendait la justice désormais ?

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⏰ Dernière mise à jour : Dec 17, 2020 ⏰

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