Un amour dévastateur

Partie 2

Le matin, je me réveille. La première question qui apparait dans mon esprit, avant même de me souvenir de mon prénom c'est : « Sera-t-il là ? » et puis : « Vais-je réussir, aujourd'hui, à lui parler ? ». Je me lève et sors manger. Je retrouve Fifi, Fredo, Fichette, Pois-pois et Poulet, mes meilleurs amis. J'attrape un bout qui traine et les invites dans ma chambre. Ils me suivent sans hésitation. C'est notre petit rituel, chaque jour, c'est un de nous qui invite les autres chez lui, dans son petit coin de paradis. Enfin... paradis pour ceux qui décorent leur chambre. Moi, c'est une pièce vide, et mes amis ne se gênent pas pour le dire. « Kracotte, faut vraiment que tu changes la déco » se plaint Fichette en entrant dans ma chambre. « Tu pourrais... » commence Poulet, mais je l'interromps « Il est hors de question que je décore ma chambre comme les vôtres. Je l'aime mieux comme ça ! ». Ils soufflent tous ensemble et s'installent en arc de cercle. Je m'assieds par terre, en m'effondrant presque, et commence à manger ce que j'ai trouvé. « Bon, qu'est-ce qu'on fait aujourd'hui ? » demande Fifi. J'ouvre la bouche mais Fredo me devance « Non Kracotte, on ne va pas aller le chercher dans la forêt. La fois où on l'a fait, on s'est fait remonter les bretelles ». Je leur jette un regard mauvais : « C'est parce que vous ne savez pas vous y prendre. Regardez, moi j'y vais, et je n'ai pas eu de problème ». Poulet lève les yeux au ciel « Oui, et ça cache quelque chose de suspect, à moins que..., ne me dis pas que tu crois encore que c'est ton âme sœur ». Je me mords la lèvre pour répondre positivement. Alors Fifi pousse un soupir excédé. Je réponds en murmurant « Ce n'est pas ma faute, j'ai bien le droit de vouloir aimer quelqu'un ». « Bien sûr, mais tu es obsédée par ça en ce moment, tu ne nous parles plus, sauf pour les repas » réplique vivement Fredo en voyant que je m'apprêtais à répondre. Je me tourne vers Pois-pois qui n'a pas prononcé un seul mot depuis le début de la discussion. Elle me renvoie mon regard et interpelle tout le monde : « C'est normal que Kracotte ait envie de rencontrer son âme sœur, et vous devriez l'encourager » puis elle se retourne vers moi et me dit « Mais Kracotte voyons, Poulet, Fifi, Fredo, Fichette et moi, sommes tes amis et tu nous délaisses assez souvent. Pour arriver à une fin qui plait à tout le monde, il faut parfois faire des sacrifices des deux côtés, mais aussi faire des compromis ». Je souris, ce que j'aime chez mon amie c'est qu'elle est plus sage que nous tous réunis, et elle donne de bons conseils quand on sait l'écouter et comprendre ses messages. Je la remercie du regard et me lève en disant « Puisque personne ne veut venir avec moi, j'irai une fois de plus toute seule ». Je m'apprête à sortir de la chambre quand une voix me retient « Pourquoi lui ? Pourquoi le voir ? Pourquoi essayer de percer son secret ? ». Evidement c'est Fredo qui pose cette question. Je prends quand même le temps d'y réfléchir. C'est vrai que je n'y avais jamais vraiment pensé, je ne sais pas pourquoi, je me sens attirée par lui, je veux percer son secret, le sien, et pas celui d'un autre. Alors, je dis « Je ne sais pas, mais je sais, j'ai le sentiment qu'aujourd'hui il va me parler ». Je vois Fichette hausser les épaules. « Tu le dis tous les jours, mais tu ne lui as jamais parlé » répond Poulet. « Cela va changer aujourd'hui » répondis-je en sortant de la pièce et en rejoignant les autres ouvriers.
Je suis dans la forêt verte. Je le vois. Il poursuit sa route. Je le suis. Il s'arrête. Je me fige. Il reprend sa route. J'en fais de même. Je porte mon regard vers ce ciel bleu, qui parait loin, très loin. Je me sens si petite. Quand je reporte mon attention sur lui je ne peux retenir un cri de frayeur. Il se tient devant moi. Ses yeux foncés me scrutent. Il est plus grand que la moyenne. « Qui es-tu ? Pourquoi me suis-tu depuis un moment, déjà ? ». Je suis trop stupéfaite pour répondre, ma bouche s'entrouvre et se referme sans que je puisse proférer un son. Je ne m'attendais pas à ce que ce soit aujourd'hui qu'il me parle. Certes, je l'avais assuré à mes amis mais je ne l'avais pas cru un instant ! Finalement je retrouve l'usage de la parole mais il me coupe et recommence « Je ne t'ai pas demandé ton nom ». Je penche la tête d'un côté, puis de l'autre et fini par répondre « Je m'appelle Kracotte et toi ? ». Il recule comme s'il était dégouté mais je vois l'ombre d'un sourire effleurer son visage : « Mon nom est Plouf ». Je m'avance, car je n'ai plus peur et lui demande, sûre de moi, sans l'ombre d'un doute « Pourquoi viens-tu ici Plouf ? Pourquoi tous les jours, à la même heure ? ». Il me regarde mais ne répond pas. Je laisse le silence s'installer mais ne le brise pas. Longtemps nous restons comme ça, à s'observer dans une parfaite harmonie mais c'est lui, finalement, qui reprend « Je ne peux rien te dire, seulement à tes ainés... ». Je le coupe : « Nous n'avons pas d'ainés, mais je pense que tu veux dire nos dirigeants ? ». Il recule d'un pas puis lance « Oui, surement. Cela fait un moment déjà que je vous surveille mais je ne vois jamais vos..., dirigeants ». Je penche la tête, perplexe « Bien sûr qu'ils ne viennent jamais dans la forêt c'est un travail d'ouvrier, pas de dirigeants » dis-je doucement « peut-être que chez toi ils viennent vous voir mais pas chez moi, pas chez nous ». Il me scrute et puis me demande « Pourrais-tu m'emmener chez vous, voir tes dirigeants car je dois leur parler ? ». Je recule d'un pas et dit « Pourquoi ne pas me le dire et je le leur confirai ton message ? ». Il secoue la tête « C'est impossible, ce sera moi et personne d'autre ». Je continue à le fixer et finalement j'obtempère sous son regard sombre. Tête basse, je le conduis jusqu'aux autres qui le regarde de biais avec un regard désapprobateur. Il feint de ne pas remarquer le regard de mes compagnons et continue de me suivre.