Je l'aime quand même

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On n'était pas spécialement proches, tous les deux. On ne pensait même pas s'aimer ne serait-ce qu'un peu. Elle était ce genre de fille enquiquinante qui faisait chier tout le monde. Une vraie chieuse, quoi. Elle était vraiment chiante parfois. Quand je m'installe sur le canapé et m'apprête à allumer la télé, elle arrive et m'arrache la télécommande des mains pour pouvoir choisir l'émission. Du coup je m'énerve. Et ça part loin. Très loin.

Ok, elle ne sera jamais aussi chiante que Lucille, mais c'est quand même une chieuse. Déjà, petite, elle n'arrêtait pas de venir m'embêter pour que je fasse attention à elle. Une vraie pimbêche. Même maintenant, elle ne pouvait s'empêcher de me faire chier. Et puis, avec cette histoire de divorce, elle s'était un peu calmée. Elle s'était renfermée et elle ne m'avait plus adressé la parole pendant une semaine avant de se reprendre et de continuer ses conneries.

On part à l'école, ensemble, le matin. Elle a l'habitude de me faire chier le matin, dans le bus. Elle m'emmerde, puis quand on arrive au lycée, elle part rejoindre ses potes et m'ignore toute la journée. Puis le soir, elle revient me faire chier. Ok, parfois elle vient me voir, mais juste pour m'humilier devant ses copines.

Ok, j'avoue que je ne suis pas un ange non plus. Mais bon. Je ne suis pas un démon quand même. Je ne suis pas pire qu'elle en tout cas. Elle, c'est un démon.

On était en plein dîner, quand tout a commencé. On mangeait un bon rôti de bœuf, ce soir-là, et quelques cousins à nous étaient à la maison.

-Eh, Josh, tu te souviens quand on était gamins, les parties de cache-cache qu'on faisait avec Audrey ? me demande soudainement Xavier avec un regard amusé.

Ouais, je m'en souvenais. Quand on était gosses, on avait l'habitude d'aller chez mes grands-parents pendant que Papa et Maman partaient travailler. Et la maison de mamie et papy, et bah, c'était un truc de malade ! Jardin, véranda, deux étages, grenier et tout... Tout le monde n'a pas d'aussi grande maison que ça, merde ! Et on trouvait ça trop cool à l'époque. Bref, on aimait jouer à cache-cache à l'époque. Et comme elle avait à peine quatre ans, ou vers là, et qu'elle venait avec nous chez eux, elle était facilement apeurée. Alors à l'époque, on s'amusait à la faire flipper.

-Ouais, répondis-je en riant. T'étais une vraie tapette, Audrey !

-J'avais seulement trois ans !

Excuse de tapette. On avait continué à manger dans la bonne humeur, en riant et se remémorant parfois nos plus beaux -mais surtout hilarants- souvenirs. Tout se passait super bien jusqu'à ce qu'Audrey ne se lève de sa chaise et ne se ru vers les toilettes. Je la regarde partir, interloqué, en fixant ma mère du regard. Elle hausse les épaules. Elle et Audrey n'ont jamais été très proches. Elles se parlaient si nécessiter, mais c'est tout. Du coup, je m'inquiète et je me lève pour aller la voir.

-Audrey ?

Elle me répond, la voix vaseuse, depuis les toilettes. Quand je me rapprochai assez pour la voir, elle était penchée sur la cuvette des toilettes et recrachait ses tripes. Je me pinçai le nez en me plaignant de l'odeur.

-Putain, Audrey ! Fallait dire si t'avais la gastro !

-Ta gueule, connard !

La conne. Vu que j'ai été vexée, je l'ai laissé dans sa merde en retournant manger avec ma mère et mes cousins. Sara m'a fait la morale. En même temps, Sara et Audrey étaient toutes les deux aussi proches que les cinq doigts de la main. Elles avaient toujours eu une bonne complicité, comme Xavier et moi. De bons duos. Alors quand l'un des deux duos emmerdait l'autre, la vengeance était souvent terrible et redoutée.

Par exemple, je me souviens qu'on les avait fait chier. On avait empêché leur soirée pyjama de bien se passer. Du coup, le lendemain, on a retrouvé tous nos sous-vêtements pleins de boue, avec nos précieux magazines. Vous savez de quels magazines je parle.

Ordinaire et Insipide [recueil de nouvelles]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant