Diplômé

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Elle était là, assise, face à son bureau. Elle écrivait avec frénésie des mots sur sa feuille vierge, les lèvres pincées signalant sa profonde réflexion. Il n'osa tout d'abord pas bouger, captivé par son image. Il ne savait pas vraiment comment il en était arrivé là. Vous savez, l'amour ça vient, comme là, puis parfois, ça part, comme ça. Au fond, il se fichait de savoir comment et pourquoi. C'était arrivé, c'est tout. Ça l'avait frappé de plein fouet, inattendu, surprenant. Il avait fini par l'accepter, après de longues, longues réflexions. Après des mois à se demander pourquoi, comment, quand et où. Puis il s'était rendu à l'évidence et l'avait accepté.

Ils ne se connaissaient pas plus que ça, pourtant, à l'époque. Personne, même pas lui-même, n'aurait prédit qu'ils finiraient ensemble. Après tout, ils ne s'étaient jamais réellement adressés la parole. Ou du moins, aux yeux des autres. Ils avaient souvent discuté, lorsqu'ils étaient seuls. Ils s'entendaient plutôt bien tous les deux. Il se souvient, qu'en première année, il l'avait trouvée niaise, innocente et beaucoup trop naïve. Elle n'était clairement pas le genre de personne qu'il aimait côtoyer.

Ils s'étaient rencontrés à leur rentrée au lycée. Ils étaient dans la même classe et, étant une classe spéciale, n'avaient cessé de l'être jusqu'à récemment, lorsqu'ils eurent enfin été diplômés. Cela faisait donc trois ans qu'ils se connaissaient. A leur rentrée ici, au lycée Charles Perrault, ils s'étaient royalement et totalement ignorés. Mutuellement, ne trouvant en l'autre aucun intérêt urgent. Ils avaient fonctionné ainsi pendant de longs mois, s'ignorant, se saluant parfois, mais ne dépassant jamais cette limite de camarades étrangers. Mais étant la seule classe spéciale du lycée inchangeable, il avait bien fallu qu'ils commencent à se côtoyer réellement. On ne restait jamais très indifférent aux personnes étrangères mais proches au quotidien. Et c'était exactement ce qu'il s'était passé dans leur cas.

Leur classe, la 1-A, se spécialisait dans les sciences et plus principalement dans la médecine. C'était la seule classe de tout le département à ne jamais changer d'élèves. C'était la fameuse classe qui regroupait principalement les plus doués en science du département entier. Ils étaient environ une trentaine-quarantaine dans la classe.

A l'époque, il ne se souciait pas réellement de ses camarades de classe. Il aimait la solitude, était d'un genre froid, taciturne. Il ne se souciait pas des autres, de leurs problèmes, était plutôt renfermé et ne faisait attention qu'aux cours, qu'à ses notes. Parfois, on l'appelait le punk, ou encore le bicolor, par son adorable camarade Mathis McCarey, dû à sa teinture étrange de noir et de bleu nuit. Il pensait bien vivre à cette époque. Il n'avait à se soucier de personne en particulier. Et surtout, il ne pensait pas vraiment attirer l'attention. Mais il était l'élève le plus doué du lycée, en plus d'être le fils d'un très célèbre chirurgien, le second meilleur de tout le pays. Alors d'un côté, il aurait dû se douter de l'attention et de l'effervescence qu'il attirait autour de lui.

Ce n'était que quelques mois après le début des cours, en début de février, lors du grand examen départemental semestriel, qu'il avait fini par se rendre compte de sa non transparence aux yeux de ses camarades. En ces temps-là, sa famille étant en pleine crise, et il n'avait pas eu la tête à se plonger totalement dans ses cours et ses révisions. Il avait été ailleurs, penseur, pendant deux longues semaines. Il était alors arrivé second à l'examen, derrière son camarade blond colérique qui avait piqué une crise d'être arrivé premier dans ces conditions. Il avait alors remarqué que ses camarades, même s'ils semblaient indifférents face à lui, ne l'était pas entièrement. Après tout, Mathis lui avait fait une longue réflexion et ses autres compagnons n'avaient de cesse de s'inquiéter pour lui.

Après cet évènement, il s'était un peu plus intéressé aux personnes de sa classe et était devenu ami avec certains d'eux. Un en particulier, qui était devenu un ami très cher pour lui : Christian Proudy. Un gentil garçon, généraux et au grand cœur qui avait su le comprendre dans sa période la plus sombre. Il était devenu un ami, un frère sur qui il pouvait toujours compter. C'était par ailleurs par son biais qu'il l'avait rencontrée, elle.

Ordinaire et Insipide [recueil de nouvelles]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant