CHAPITRE 1

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Rose n'aime pas les fleurs. Elle est catégorique. Elle n'aime pas DU TOUT les fleurs. Dès qu'on lui en offre, elle les jette, avec un regard de dégoût. Pourtant, elle a le prénom d'une fleur. Mais elle les déteste. Les pivoines, les camélias, les tulipes. Elle n'aime pas ces couleurs vives au printemps. Elle n'aime pas les glycines, les rosiers en été. Et encore moins les roses de Noël. Comme tous les ans, elle fuit l'ambiance festive que le printemps amène pour rejoindre la tristesse Londonienne. Le château d'été de ses parents lui rappellent trop de souvenirs. Notamment sa mère disparue. Alors fuir est sûrement la meilleure des solutions pour éviter d'avoir autant de bouquets et de fleurs qui pourrissent son environnement.

Si Rose n'aime pas vraiment la campagne, la ville est son élément. Elle aime marcher dans les rues pavées, rejoindre des clubs très privés pour y rencontrer du monde où discuter. C'est avec une grande joie qu'elle plie donc toutes ses affaires pour rejoindre les salons de Londres. Et là-bas, il n'y pas des champs de fleurs, des montagnes immenses. Quelques heures avant son départ, tout le monde vient la saluer.

— N'oublie pas de passer le bonjour à ta tante. Lui recommande son père.

— Comme d'habitude.

— Et envoie quelques lettres.

— Je n'y manquerai pas.

Sans un mot de plus, Rose monte dans la voiture qui l'attend. Les embrassades et les adieux enflammés, elle ne les aiment pas non plus. C'est comme dire au revoir et ne plus jamais revenir. Cependant, elle a eu quand même un geste tendre envers ses deux jeunes sœurs. Sur leurs oreillers, elle a déposé deux paires de boucles d'oreilles. Elles les avaient remarquées dans une boutique à Interlaken. Alors discrètement, elle est revenue pour les acheter. Elles vont bientôt avoir 15 ans toutes les deux et le bal des débutantes approche à grands pas, alors pourquoi pas leur faire ce cadeau.

Quand Rose arrive à la gare de Zurich, elle sait tout de suite où aller. Sur le quai, une gouvernante habillée de gris l'attend. Elle est assez petite et frêle. Ses cheveux tirés en arrière par un chignon lui donnent un air encore plus jeune. Elle ne la connaît pas et pourtant, elle a l'impression de l'avoir déjà vue.

— C'est vous ma dame de compagnie ?

— Oui, c'est moi. Je suis envoyée de Londres par Lady Ascott.

— Votre nom ?

— Anne, Madame.

— Très bien. Mes valises sont déjà dans le train, venez-nous allons être en retard.

Anne monte en compagnie de Rose. Les deux jeunes femmes trouvent très vite leurs places dans un wagon un peu plus grand que la moyenne, mais aussi beaucoup plus confortable. Une table est disposée au milieu avec des fauteuils en velours rouges et verts. Le bois est sombre et vernis. Pendant de longues minutes, le paysage montagneux défilent devant leurs yeux. Anne a l'air émerveillée à chaque paysage, comme si c'était la plus chose jamais vue.

— On s'habitue à ce genre de paysages. C'est grandiose au départ et puis, on s'y fait. Lui fait remarquer Rose.

— Vraiment ? J'ai du mal à y croire.

— On voit que vous ne vivez pas souvent ici.

Les réponses assez expéditives et blasées de Rose font taire Anne. Le reste du trajet jusqu'à Calais se fait en silence. Rose est songeuse. Ce voyage à Londres à un goût un peu spécial. Depuis quelques temps, elle a bien vu que les échanges de lettres entre son père et sa tante avaient augmenté. Mais elle ne sait pas le contenu de ces nombreuses lettres même si elle a de gros doutes. Sûrement un mariage arrangé. De toute façon, elle s'y attend. À presque 20 ans, elle a déjà fait du rab. Son père est un homme très gentil et a toujours voulu laisser le choix à Rose de trouver un mari dans la noblesse. Les occasions se sont déjà présentées, elle a déjà fait d'agréables rencontres mais rien ne la pousse à se marier. Les hommes sont tous les mêmes. Égoïstes, prétentieux et cupides. Dès qu'une femme est un peu plus riche qu'eux, ils se vexent et s'en vont. Dépendre d'une femme ne leur plaît pas. Alors Rose préfère rester seule pour l'instant.

Rose n'aime pas les fleursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant