CHAPITRE 5

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Les jours passent et Rose rumine. Elle n'en revient toujours pas qu'elle s'est ridiculisée l'autre soir devant Ama. Comme à son habitude, elle a manqué de tact. Néanmoins, la réponse sur la défensive d'Ama l'a surprise. Pourquoi avoir eu cette réaction si cette affaire n'avait aucun rapport avec son couple ? Et elle n'a pas pu s'excuser car la jeune femme est partie passer une journée à Londres. Elle a vu sa voiture partir à l'aube. Léopold pense que c'est parce que Lord Pemberton revient des Indes pour quelques jours avant de repartir pour Paris. Secrètement, elle espère qu'Ama ne partira pas avec lui.

Pour se changer les idées, elle accompagne Sophie dans le village le plus proche pour acheter des chapeaux. Elle a égaré le sien en se baladant avec Haurace et elle aimerait beaucoup en retrouver un. Pour se dégourdir les jambes, les deux jeunes femmes décident d'y aller à pied. Le village n'est pas très loin et les routes ne sont pas très fréquentées. Mais elles ont pris quand même leurs précautions, on ne sait jamais. Un petit couteau est glissé dans le panier de Sophie. Elle saura s'en servir en cas de besoin.

Le village n'est pas très grand. Perdu au milieu des prés, il contient quelques cottages, une église, une épicerie et une chapellerie. La boutique est étroite et sombre mais l'ambiance qui y règne est très agréable.

— Tu devrais t'en prendre un aussi, Rose. Ils ont de très jolis modèles. Et je connais la vendeuse, elle pourra me faire un prix.

— Je n'ai pas une tête à chapeau. Ils sont toujours trop grands pour moi.

— Dommage que j'aie laissé le reste de mes affaires de tressage à Londres, j'aurais pu t'en confectionner un.

Le regard de Rose se porte quand même sur un chapeau au nœud mauve avec quelques petites fleurs en tissu jaune. Assez grande, elle se dit qu'il aurait sûrement plu à Ama. Sophie jette finalement son dévolu sur un chapeau très simple avec deux petites perles sur le côté et un ruban rouge. De plus, elle achète de quoi coudre et quelques perles. Au passage, elles s'arrêtent devant l'épicerie pour prendre un gâteau et faire quelques courses. Discrètement, elles achètent en plus deux friandises qu'elles partageront sur le chemin du retour.

— Quand est-ce que le mariage aura lieu ? Demande Rose quand elles quittent le village.

— Je ne sais pas encore. J'espère le plus vite possible. soupire Sophie. Père est sans cesse en discussion avec Horace. Il aimerait beaucoup qu'il rejoigne l'armée de sa Majesté pour aller en Indes. Ce que Haurace refuse. Il ne veut pas devenir gouverneur et tient à garder un maximum sa neutralité politique. Mais Père ne l'entend pas de cette oreille alors il insiste et menace de retarder le mariage.

— Tout ça m'a l'air bien compliqué.

— Haurace n'est pas pour lui le gendre idéal. C'est un homme indépendant qui bâtit petit à petit sa fortune en dehors des sentiers battus et qui se refuse à avoir un rapport avec sa Majesté ou l'armée. Même si ce qui se trame en ce moment nous dépasse.

— Pourquoi ne pas vous marier avec ses parents ? Les Jenkins seront tatillons

— Impossible. C'est un mariage ici ou il n'y aura pas de dote.

La fameuse dote. Cette maudite somme d'argent qui est un fardeau autant pour la mariée que la famille de la mariée. Une épée de Damoclès qui pèsent au-dessus des têtes. Et les finances des Jenkins ont quelques soucis depuis plusieurs années. Même si Haurace et Léopold font tourner l'entreprise familiale, une dote de presque un million n'est pas négligeable. Sophie est une aubaine financière pour sa belle-famille et Lord Ascott sait très bien comment faire pression pour que le mariage se réalise dans les conditions prévues. Plus le temps passe, plus la déception de Rose envers les hommes grandit. Trouver un mari qui ne sera pas un goujat, sera plus compliqué que prévu.

Rose n'aime pas les fleursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant