L'Amante Insatiable

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𝐈.

D'abord, tu t'assois au bord du vide, au commencement et à la fin d'un Tout incommensurable que tu tiens au creux de tes mains.

Les murmures des étoiles s'étiolent dans la nuit aux relents de pétrichor. Ils s'élancent et fleurissent en bouquets ineffables - fleurs éphémères aux énigmes éternelles. Tu cueilles les pétales et, d'humeur vénéneuse tu déchires la soie de leurs idylles meurtries. Les landes des amours déçus t'accueillent à bras ouverts tandis que les bourrasques gémissantes te murmurent la complainte languide de leurs désirs. Elles imprègnent au creux de tes reins les fièvres volages qui chassent le froid et les mélancolies.

Mais, le cœur au bord des lèvres, tu profères les insanités qui ruissellent sur ta peau. Tu es une force dévastatrice - es-tu si fragile ? Comme se brisent les vagues sur la grève, tu te mutiles et éclates en gerbe d'écume pour atteindre les étoiles une fois de plus. La sensation fraîche d'une promesse oubliée caresse ton épine dorsale ; les sueurs froides perlent à tes crevasses glacées. Tes écueils déchirent la toile céleste mais les astres se rient de ton océan de larmes.

- Quels secrets enferment-ils ?

𝐈𝐈.

Puis, tu danses dans l'œil du cyclone - prunelle cristalline où se fige l'espace le temps d'une valse.

Tu vacilles et virevoltes en arabesques vulnérables ; ton corps subjugue - dans une torsion de tous les muscles- et attise les feux ardents de désirs divins. Tu n'es pas. Tu étais et seras mais le présent s'échoue à la courbe de tes hanches sans parvenir à s'insinuer en ton sein. Indomptable et folle, la flamme est à la fois fidèle et frivole.

Alors ton brasier incendie cette lande rougeoyante des désirs perdus que les vents embrasent. Tu brûles et détruis. Tu es une force dévastatrice - es-tu si docile ? Ta furie se répand en langues fourchues, assoiffée d'horizon et d'éther. Les cendres portent l'empreinte damnée de ton cœur débordant d'amours calcinés ; le soleil d'ivoire se voile, son éclat pâlit et tu le dévores. Cela confine au chaos, mais un ordre règne en maître sur le feu : les portes d'Or.

- Le Savoir est la clef.

𝐈𝐈𝐈.

Enfin, tu t'étends à la faveur d'une inertie fougueuse qui voit poindre celui qu'elle attend. Le sursis est insoutenable, tu es trop avide.

Alors tu embrasses le Ciel et lui ravis sa pureté millénaire sous tes torrides baisers. Tu l'enlaces, tu l'étreins et t'abreuve à sa source intarissable avec l'ardeur enflammée d'un crépuscule incandescent. Puis, tu gémis. Tu implores car tu sais, et toute connaissance exige un châtiment - liens inaltérables et charnels. Le Ciel pénètre ton être : ton dos se cambre, tes os vibrent, tes muscles se tendent, ta peau brûle et brûle encore. Tu en veux plus et l'envie devient l'essentiel ; alors tu l'effleures, sillonnes l'infinité de son corps et y trouves ce que tu cherches. Tes ongles s'accrochent dans une vaine tentative de ralentir la chute, tes doigts le tourmentent jusqu'à ce que les frontières se brisent. Ton corps entier s'arque-boute tandis que se déverse en toi la puissance d'une éternité.
L'avidité. L'extase. L'Absolu.

S'engage alors l'orgie lascive d'une débauche dévorante qui ne se suffit plus. Tu es une force dévastatrice - es-tu si fébrile ? Le va-et-vient des astres s'émeut de ta délicatesse et submerge ton âme au sein de leur abîme de désir et d'euphorie où tu menaces de te perdre. Ta flamme chancelle, et s'éteint sous les assauts de l'Amant d'azur. Tu te noies en lui, hurlant Son Nom. A présent, tu connais le tribut de la connaissance : corps et âmes lui appartiennent.

- Et les portes se referment.

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Crédits : TokyoStreetPhoto - Red, Ikebukuro

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