Le Dramaturge sur la Scène

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Le rideau s'ouvre.

Sur la scène, le décor est un tableau en monochrome blanc. L'œil se perd entre les lignes d'un canevas bizarre, où les visages sont lisses et les voix sont muettes. Et sur cette toile s'écrivent les histoires qui ne se connaissent pas encore.

Quelqu'un entre.

C'est une souillure sur l'immaculé - la pureté a fui, l'œil s'arrête ! Soudain, tout se met en mouvement.
Tu es le point de fuite. L'Architecte.
La perspective s'articule autour de toi, ondule et se cambre pour te plaire, comme le tissu souple d'une corde se noue autour du cou blafard du condamné à Mort.

Côté cour, l'analepse.
Impression de déjà-vu.

Côté jardin, l'anticipation.
Pression du jamais-vu.

Et toi, tu vacilles sur la rampe, lorsque le public tend vers toi les ongles impatients d'assister à ta perte.
Alors, tu improvises - qu'importe !
Le métronome donne à tes pas le rythme effréné de la vie qui naît, grandit et meurt sans reprendre son souffle.

Puis, quelque chose est tombé.

Un bruit sourd sur le sol. Rythme cassé. Pâlir, puis remettre son masque. Se relever, et recommencer.

Mais la mélopée a changé - vite, cours ! Tu trébuches, et le retard creuse sur ton masque une fissure de Vérité.

Tu ne veux pas voir l'odieux public qui fera de tes péchés sa catharsis - mais il n'existe pas de Deus Ex Machina à cette fatale tragi-comédie.

Tu ne peux saisir l'intrigue, elle t'échappe, t'étouffe - car une amante versatile épuise pour mieux dévorer. Aussi, tu t'effondres en alexandrins et allitérations qui - si elles ne te sauvent pas - graveront ta mort en un affreux spectacle. L'or sur ton corps s'épanche encore car l'ichor jamais ne s'évapore.
Le Dramaturge est Démiurge.

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Crédits : TokyoStreetPhoto - Dark Matrix, Oimachi

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