Chapitre I

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Le monde des songes est un monde surprenant. On y voit des souvenirs que l'on pensait perdus à jamais, des futurs qui nous semblaient jusque-là inimaginable, des visages, auxquels il est impossible d'y donner un nom, un sentiment, un souvenir... Dans ce monde, s'y perdre est monnaie courante. S'il arrive que l'on veuille en sortir, il est plus logique de vouloir y rester. Notre esprit y divague en toute liberté, nous accordant une pause avec notre monde. Mais il y a des songes dont on ne se réveille jamais. Des songes qui ne sont pas tant le fruit de notre imagination que ce que l'on pourrait penser. Comme un monde, un paysage si beau que l'on ne peut accepter qu'il soit autre chose qu'une simple invention de notre esprit. C'était en tout cas les pensées d'un jeune homme, qui scrutait un immense lac de ses yeux aussi vert qu'une émeraude. Il s'était réveillé il y a peu, pour tomber sur cette étendue d'eau qui ne semblait pas posséder de limite. Il n'avait depuis pas bougé, persuadé qu'il était encore endormi. Une légère brise soulevait ses cheveux, normalement aussi brun que le charbon, mais qu'il voyait dorénavant bien plus clairs qu'ils ne devraient l'être. Il ne s'était pas non plus posé de question, après tout, il se pensait encore dans un rêve. Rien ne semblait impossible dans ce monde, alors il acceptait tout. Mais il se sentait lourd. Malgré la plénitude de son esprit, son corps ne se détendait pas. Il avait comme l'impression d'avoir couru pendant des heures, rendant ses poumons secs et douloureux, tendant ses muscles à l'extrême. Il avait l'impression d'avoir fui quelque chose, ou bien quelqu'un. Il se demandait alors s'il n'avait pas simplement fait un cauchemar. Il ne semblait tout simplement pas vouloir se réveiller, accepter ce qui l'entourait, accepter qu'il n'était plus dans son monde, ce monde de songe.

"- Est ce que quelqu'un peut m'expliquer ou va ce bus ?"

Il l'avait entendu, il avait bien compris le sens de ces mots, mais il n'avait daigné bouger. Son esprit trop apaisé pour réfléchir ne lui permettait pas de répondre à cette voix féminine, qui avait retenti un peu plus loin de lui. Un bus, elle avait dit. Il était donc dans un bus. Il regardait donc par une fenêtre. Aussitôt en fut-il conscient, qu'une ombre lui cacha la vue. Il espérait revoir le lac, mais il ne se redressa pas pour regarder en arrière. Ça ira, se disait-il. Même si je suis conscient de mon rêve, c'est normal que je n'arrive pas à bouger, pensait-il. Mais ses membres étaient toujours douloureux. Et plus le temps passait, plus il reprenait conscience. Plus il reprenait conscience, plus il s'inquiétait.

"Ou-suis-je ? Pourquoi je n'arrive pas à me réveiller ? Je veux bouger, je veux voir ce qui se passe."

Des paysages défilèrent devant lui, sans qu'il ne revoit ce lac. Tout lui semblait familier, mais si inconnu à la fois. Et il ne parvenait toujours pas à bouger.

"- Eh, toi... T'es réveillé, pourquoi tu ne me réponds pas ?"

La voix du début, encore une fois. Il tenta cette fois encore d'articuler quelques mots, mais il n'y parvint pas. Sa mâchoire ne se détendait pas, et plus il essayait, plus ses poumons le brûlaient. Il ne parvenait plus à inspirer, ni même expirer. Il devait se réveiller, il le savait. Son rêve virait au cauchemar, mais il avait mal. Ça n'avait rien de normal, mais il ne bougeait pas. Ni même ses yeux, ni même un muscle, aussi infime soit-il. Sa vue se brouillait, lui enlevant le peu de conscience du monde alentour qu'il avait. Son seul sens restant, c'était l'ouïe. La voix qui lui parlait, mais qui s'éloignait à son tour. Le son autour de lui s'étouffait, comme s'il avait été sous l'eau. Et c'est ce qui se passa. Pas moins d'une seconde après cette constatation, il se sentit chuter. Son corps rencontra un mur glacial, qui n'hésita pas à l'engloutir. S'il avait eu la sensation de se noyer plus tôt, cette fois-ci, ce n'était plus une illusion. Il ne distinguait rien autour de lui, rien à part le silence pesant des fonds marins. Il hurlait de toute son âme, mais rien ni personne ne pouvait l'entendre. Et plus il hurlait, plus l'eau s'engouffrait en lui. Sa puissance était telle qu'il la sentait parcourir ses veines, détruire tout son intérieur pour venir se loger au plus profond de ses entrailles. Il brûlait de l'intérieur, et rien ne semblait pouvoir le changer. Il allait mourir noyer, sans pouvoir se réveiller.

Jusqu'à que ses yeux s'ouvrent à nouveau.

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