LE PAS....

Chapitre 4

Chapitre 4 Le cours d'Histoire

Quelques semaines auparavant

Etrange en ce début novembre que ce manteau orageux, lourd et pesant, chargé d'électricité. Il frappe de ses gouttes de pluie les vitres de la classe de 3ème B derrière lesquelles se tient Joshua. Ce dernier, les yeux dans le vague, ses cheveux châtain clair en pétard, regarde les dernières feuilles de marronnier dans leurs couleurs d'automne tomber sur le sol. Elles forment, au pied de l'arbre, un tapis que bientôt des dizaines de souliers viendront piétiner. Malgré la noirceur des nuages, un arc en ciel, poussé par un soleil engourdi, tente de terminer sa voûte. Tout en continuant son exposé, Monsieur Emone professeur d'histoire, observe Joshua du coin de l'œil. Bien que le reconnaissant réceptif, il ne peut s'empêcher de le tester régulièrement et au risque de le sortir brutalement de sa torpeur, il s'approche lentement et lui murmure à l'oreille.

- Et toi Joshua, peux-tu nous dire dans quelles circonstances Léonard de Vinci est arrivé en France ?

- Hein que ... quoi balbutie Joshua en sursautant. De qui qu'à fait quoi ? Puis reprenant ses esprits. Euh ... alors Léo, enfin je veux dire Léonard de Vinci, en fait, décide de venir en France parce que François 1er le demande comme récompense au Pape.

- Oui, jusque-là ça va mais...je ne sais ni pourquoi François 1er a droit à une récompense, ni pourquoi le Pape accepte.

Alors, comme à son accoutumée, Joshua pour captiver son auditoire dans son vocabulaire bien particulier, commence la narration de l'épopée transpyrénéenne de Léonard de Vinci. Et là, tout le monde se délecte déjà y compris Monsieur Emone.

- Bon, tout d'abord, commence Joshua, François 1er gagne la guerre contre l'Italie, ensuite il va voir le pape Léon X et lui fait du chantage au pillage en échange du maître Léonard de Vinci. Il le baratine en lui faisant croire qu'il souhaite avoir le peintre pour quelques tableaux. Mais que nenni, non point ! Il a bien l'intention de lui faire rejouer son rôle de fêtard qu'il avait vu à Lyon avec le lion automate qui lançait des fleurs de Lys et non pas des tomates comme on pourrait le laisser entendre.

- Festivalier Joshua, reprend le professeur, festivalier, pas fêtard.

- Un peu quand même le gars qu'il était fêtard insiste Joshua.

- N'oublie pas qu'il a soixante ans passés lorsqu'il arrive en France, alors organiser oui, participer c'est autre chose. Je dirais plutôt apprécier les fêtes.

- Ouais, bon d'accord. Donc apprenant la mort de son pote protecteur, De Médicis, je ne me rappelle plus son prénom y'en a tellement et vu qu'il a la loose à Rome. Léonard décide de déguerpir. Ah ! il n'est pas au bout de ses peines l'artiste, parce que son gigolo de Salaï ne veut pas venir et lui réclame sa part d'héritage avant sa mort. Le salaud ! accentue Joshua faisant traîner sa voix.

- Vautour peut-être, ne peut s'empêcher de corriger le professeur un sourire aux lèvres.

- Bref, laissant tous ces crétins en Italie, Salaï, Papy et tutti quanti, il charge ses plus belles toiles sur des mules et tchao amigos.

- Je t'écoute pour les toiles ?

- Ben déjà « La Joconde » évidemment, St Jean Baptiste et puis Ste Anne, la Vierge et l'enfant Jésus »

- Tu l'as dans le désordre le dernier, remets le moi dans l'ordre s'il te plait.

- La vierge peut-être ?

- Oui

- L'enfant Jésus ?

- Oui, alors le trio gagnant c'est comment ?

- La Vierge, l'enfant Jésus et Ste Anne. Jackpot, s'extasie-t-il. Ah oui, et puis sans oublier aussi ses fameux carnets de notes dits codex et les voilà partis pour trois longs mois d'aventures à cheval à travers l'Italie et une bonne partie de la France. Ils ont dû avoir les arrière-trains en choucroute.

Et là, sans retenue, toute la classe part dans un grand éclat de rire.

- Jovial Joshua ajoute...Ah j'oubliai, tout ça à la fin de l'été 1516. Arrivé à Amboise, Léonard a un peu les boules de ne pas être accueilli par François 1er, mais la casbah orangée/rose lui plaît bien, elle est balaise, elle sent bon la cuisine et...

- C'est bon, c'est bon, ça va aller comme çà, l'interrompt Monsieur Emone. Je constate que l'essentiel et plus encore est enregistré. T'as bien fait rire tes petits camarades qui auront à leur tour, je l'espère, retenu la leçon.

Bluffé à chaque fois, le professeur ne peut s'empêcher de solliciter, sans trop abuser, l'interprétation humoristique de Joshua, dans laquelle sa bienveillante nonchalance fait mouche à tous les coups et captive les élèves.

Pourquoi a-t-il ce besoin vital de parler et préparer aussi intensément ses élèves à la visite, prévue à la fin du mois, du château du Clos Lucé dans lequel vécut et mourut Léonard de Vinci ? Il ne le sait pas lui-même. Une force indéfinissable le pousse à aller là-bas. Il a dû, pour réussir à organiser cette sortie, lever bien des barrières hiérarchiques car cette période de la Renaissance ne fait absolument pas parti du programme. Mais le génie ne laisse pas indifférent et il a souvent remarqué dans plusieurs classes l'admiration, la stupéfaction, l'émerveillement dans les yeux de ses collégiens. Notamment la petite Lila de 4ème C.