Chapitre 5

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Chapitre 5 Etranges manifestations

Bien calée dans un coin de la bibliothèque du collège, Lila laisse courir son stylo sur les pages blanches de son cahier. Captivée par sa lecture, elle note, stabylote, souligne et s'évade en costume du XVI siècle pour rejoindre les mots et les verbes de l'époque. Depuis que leur professeur d'histoire leur a fait découvrir Léonard de Vinci, elle ne cesse de se documenter. Il est pour elle une énigme. Comment est-il possible qu'un seul homme puisse réunir une telle créativité dans autant de domaines ? Peintre, architecte, poète, philosophe, écrivain, botaniste, etc...Tout en lui ne cesse de l'intriguer au point qu'elle ne remarque même pas la moiteur de l'atmosphère qui règne dans la pièce, la sueur de ses mains qui collent aux pages du livre qu'elle dévore.

- On dirait Charles, pense-t-elle, en dévisageant le portrait d'un gentilhomme sur un tableau. Ca lui irait pas mal des collants bien moulants. Après tout avec ses cheveux longs...

Mais elle a beau ironiser, elle doit se l'avouer, elle le trouve plutôt beau gosse et elle n'est pas la seule. Seulement voilà, c'est un 3ème et comment une petite brunette de 4ème, surtout avec un an d'avance, peut-elle intéresser un 3ème de 14 ans qui ne voit que par ses potes.

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Quelques couacs, des si, des do, des la et la pipeaux-machine à vomir des sons se met en marche. Charles déteste vertement ces cours de musique qui ne servent, d'après lui, qu'à dégouter d'en faire et même d'envisager l'apprendre. Parfois, il plaint ce pauvre jeune professeur qui n'arrive pas à motiver le moindre élève sauf quelques fayots ou premiers de la classe qui ne souhaitent pas alourdir leur carnet d'une mauvaise note. Pourtant, aujourd'hui, une drôle de sensation lui fait tendre l'oreille. Il lui semble entendre une mélodie dans le souffle du vent qui se lève au dehors.

- Belle nature pense-t-il, le temps est joliment symphonique aujourd'hui. Il manque quelques percussions à Doudou et ça frôle l'harmonie.

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Le menton posé sur ses bras croisés, accoudé au rebord du bassin, Edouard reprend tranquillement son souffle après plusieurs traversées. Au dehors, des bourrasques de vent de plus en plus intenses projettent la pluie en rythmes saccadés contre les baies vitrées. Une espèce de musique lancinante le transporte vers de lointaines contrées. Mais soudain, le son strident du sifflet de Madame Tille l'agresse violemment. Agitant son bras à l'autre bout de la piscine, elle l'interpelle vivement.

- Edouard bon sang, tu m'entends ? Ça fait dix fois que je t'appelle. On t'attend pour le relais. Viens te mettre en place.

- Putain, je ne suis pas une bête de concours. Y'en a marre, marmonne-t-il entre ses dents. Lâchez-moi les palmes.

Quand on a un pouls qui bat comme le sien et qu'on accomplit de telles performances, pense Madame Till, comment peut-on refuser à ce point d'envisager la compétition ? Cette aisance, ces chronos, cette fluidité dans l'eau, toutes ces facilités non engagées au service du sport l'irritent. Elle ne peut s'empêcher de ruminer et ses yeux bleus « à se noyer dedans » s'assombrissent.

- Un gros coefficient en vue, prévoient ses élèves, « Label Bleu » a la marée qui monte.

La couleur, la profondeur de son regard et la qualité de son enseignement ont fait naître ce joli surnom qu'elle apprécie à sa juste valeur.

Plus épuisé que d'habitude par cet intense relais, Edouard se traîne dès la fin vers les douches pour apaiser son corps bouillant. Avachi le long du mur faïencé, il laisse couler l'eau fraiche. Quand soudain tout s'assombrit. Il est 15 h et on dirait la nuit. L'eau sur ses lèvres devient salée puis des algues sortant du pommeau viennent glisser sur ses épaules. De petits poissons atterrissent sur ses pieds. Il hurle. Les murs se rapprochent lentement, l'espace se rétrécit, les carreaux du carrelage se soulèvent en cubes et s'amassent en gratte-ciel qui s'effondrent et se reconstruisent indéfiniment, lui barrant le passage à chaque pas. Des portes et des fenêtres s'ouvrent et se referment. Il entre par l'une, ressort par l'autre, se retrouve coincé entre quatre murs sans toit. Il tente vainement de se hisser mais une crampe soudaine lui arrache un cri de douleur et son bras gauche se tétanise empêchant tout mouvement. Des vagues fouettent les parois et éclaboussent au dessus. Il réussit malgré la violence des éléments et ses poignets devenus soudainement très douloureux, à franchir la cloison glissante lorsqu'elle s'écroule sous son poids. Une lame de fond le repousse et le projette sous la douche. Il glisse et s'enfonce dans la vague. Il suffoque et semble se noyer.

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⏰ Dernière mise à jour : Jan 07, 2021 ⏰

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