Le Lac Gelé

Chapitre 3 : Baptême de l'air

Dans la salle d'embarcation, je me trouve une place, sur un banc désert, un peu à l'écart, pas difficile à trouver vu qu'il est à peine 6h. Les gens normaux dorment à cette heure, ce n'est donc pas les trois passagers présents qui prennent beaucoup de place. J'ai encore plus mal au ventre que quelques minutes plus tôt et comme si ce n'était pas suffisant maintenant j'ai envie de pleurer. Ce n'est pas la solitude que j'appréhende mais l'inconnu et je suis aussi terrifiée à l'idée de prendre l'avion. C'est peut-être le moyen de transport le plus sur qui existe sur terre mais j'ai cette petite voix dans ma tête qui me rappelle les crashs mortels de ses dernières années et je ne peux m'empêcher de flipper...

Pour essayer de me changer les idées en attendant l'embarcation, j'allume mon portable qui était resté éteint tout ce temps et je ne peux retenir un sourire en découvrant un message de ma meilleure amie, Charlotte, qui s'est réveillée exprès pour me dire aurevoir. Son message me réchauffe le cœur. Elle me connait si bien, elle sait que je suis terrifiée à l'idée de quitter mes petites habitudes et mes parents pour ce si long voyage. J'échange quelques messages avec elle ce qui au moins le don de me calmer un peu.

Les hauts parleurs annoncent l'embarquement pour l'avion Finnair à destination de Helsinki. Je me lève et me dirige vers le quai d'embarquement. Un hôtesse vérifie mon billet puis me souhaite bon voyage. Une fois dehors, c'est un bus qui m'attend. Je suis surprise et me cale dans un coin. Le petit voyage dure une petite dizaine de minutes et nous arrivons devant l'avion. Je serre les mâchoires en sentant une nouvelle vague de larmes monter lorsque je rentre dans l'avion. Le staff nous accueille avec un grand sourire, le pilote me dit bonjour en anglais et une hôtesse m'aide à trouver ma place. Je dois surement avoir la tête d'une étudiante paumée qui inspire la pitié mais je m'en fiche puisque c'est le cas. L'hôtesse me sourit, me montre ma place et m'aide même à déposer ma valise au-dessus de mon siège. L'avion est loin d'être plein mais bien évidement je me retrouve à côté de quelqu'un. Moi qui espérais être seule c'est raté. J'adresse un vague bonjour à mon voisin déjà installé contre la fenêtre et je m'installe à mon tour.

Au bout de quelques minutes, les haut-parleurs s'activent dans une langue que je ne connais pas et j'ai un rire nerveux. J'ai envie de mourir, mais qu'est-ce que je fais là putain... J'envoie un dernier message à ma mère et à Charlotte puis j'éteins mon portable. On peut surement le laisser en marche mais je suis tellement angoissée à l'idée qu'on puisse se cracher que je ne veux prendre aucun risque. Je ne peux même pas regarder dehors, la tête contre la vitre pour me calmer vu que je suis dans l'allée. Je vais avoir une crise cardiaque avant même qu'on décolle si je n'arrive pas à calmer les battements frénétiques de mon cœur... J'attache ma ceinture et j'écoute les directives des hôtesses de l'air. C'est censé me rassurer ? Savoir qu'il y a un masque à oxygène au-dessus de ma tête en cas de soucis ? Savoir où sont les sorties de secours ? Savoir comment enfiler le gilet de sauvetage situé sous mon siège ? C'est une caméra caché non ? Charlotte va sortir du cockpit et éclater de rire face à ma tête, c'est obligé. Je dois être blanche comme un linge et lorsque l'avion comment à bouger, je tourne la tête et regarde dehors, on s'approche de la piste de décollage. Pour le moment je vais « bien ».

L'avion prend de la vitesse et j'ai envie de sortir d'ici. La blague a assez duré. Je veux rentrer chez moi... L'avion ne cesse de gagner en vitesse et je sens qu'il ne va pas tarder à prendre son envol. Crispée je m'accroche à mon siège et ferme les yeux. Mon voisin doit certainement me prendre pour une folle ou se moquer de moi, je dois avoir l'air ridicule mais je suis flippée. Lorsque l'avion quitte le sol dans un soubresaut, non seulement j'ai l'impression désagréable que mon cœur se balade en roue libre dans mon corps mais en plus, toutes les images des journaux télévisé retraçant des crashs défilent dans ma tête et je sens les traitresses couler sur mes joues. En essayant d'être discrète, j'essaye de les effacer mais elles reviennent alors je laisse tomber et prie pour que ce gros tas de métal tienne la route.

A peine quelques minutes plus tard, l'impression désagréable de ma mort imminente à disparue. Je me risque à rouvrir les yeux et desserrer mon siège pour pouvoir essuyer mes joues. C'est à ce moment que je me jure de ne plus jamais prendre l'avion de mon existence entière.

Le reste du vol se passe plutôt calmement et les hôtesses viennent même nous proposer gratuitement à boire au bout de deux heures. J'ai peut être l'air stupide de penser cela mais pour moi chaque service est payant. La gentille blonde me propose de goûter une boisson typiquement finlandaise et je me laisse tenter par sa sorte de jus de fruit composé de... myrtilles ? Je n'en suis pas certaine mais ça sent vaguement la myrtille. Cette boisson mystère est mon premier aperçu de la Finlande et je ne peux m'empêcher d'esquisser un sourire. En vérité, même si j'ai toujours cette petite boule dans le ventre, j'ai hâte de découvrir le pays.

La dernière heure de vol passe à la vitesse de l'éclair et lorsque le pilote annonce qu'on va bientôt atterrir, je regarde dehors, les nuages autour de nous sont traversés par les rayons du soleil levant, teintant le ciel de ses couleurs orangés que j'aime tant et qui me coupent le souffle. Cette vision a pour effet de me distraire d'une grande partie de l'atterrissage mais mon habituelle angoisse me reprend lorsque l'avion est proche du sol et je me crispe une nouvelle fois sur mon siège en priant pour que l'avion reste entier et que le pilote n'ait pas besoin de tenter une second atterrissage. Tout se passe bien et quelques minutes après l'atterrissage je sors de l'avion en un seul morceau. Et c'est à ce moment-là que je réalise enfin que je ne rêve pas. Je suis en Finlande !