Une histoire à dormir debout

Jour 1

À minuit pile, les candidats sont entrés dans la chambre, puis dans le cube, accompagnés du personnel en combinaison anti-gaz. Au moment où la porte a été barrée, le décompte a commencé. Le gigantesque chronomètre numérique derrière nous est parti.

Je prends le micro entre mes deux mains et commence à m'adresser aux personnes dans le cube:

- Ceci est votre dernière chance de reculer, et si vous le faites, vous retournerez directement derrière les barreaux pour terminer les deux années qu'il vous reste.

Après une minute de silence, je reprend:

- Bien. Je répéterai à nouveau les conditions de cette expérience. Vous serez enfermés là-dedans pendant précisément dix jours et ne pourrez sortir avant que cette durée ne se soit écoulée. Il n'y aura aucune exception. Et sachez que ce que vous allez entreprendre ne sera pas sans risques. Il y aura certainement des conséquences à court et à long termes. Vous ne pourriez peut-être plus jamais fermer l'œil de votre vie. Mais vous savez tous sûrement cela puisque vous avez lu le contrat et avez tout de même accepté. Nous avons mis à votre disposition de nombreux jeux de société, des bouquins, de la nourriture sèche et de l'eau dans des quantités grandioses. Vous êtes donc sûrs de ne pas mourir de faim, ni d'ennui.

Je ris un peu avant de continuer.

- Nous allons également diffuser des chansons comme ça vous chante. Vous n'avez qu'à annoncer les noms de l'artiste et de la chanson, et elle sera émise via le haut-parleur. Je vous invite aussi à nous faire part de vos malaises corporels et psychologiques autant que vous le pouvez. Malheureusement, la communication se fera à un strict minimum dorénavant, sauf si je suis dans l'obligation de répondre ou si je dois vous poser des questions. Merci à tous et bonne chance.

Je m'assois confortablement sur la chaise devant le gigantesque ordinateur et commence déjà à observer les signes vitaux des quatre cobayes. Nous sauvegardons les données toutes les dix minutes pour pouvoir faire des comparaisons plus tard, au cas où on aurait manqué quelque chose. Je n'ai pas grand espoir pour cette première journée, ni celle qui s'en vient. Je suis à peu près certain que tout sera normal pour l'instant, si on exclut la lassitude qui devrait frapper très bientôt les camarades de cellule.

Pour l'instant, ils ne font que jouer aux cartes, et on remarque assez souvent une augmentation du rythme cardiaque d'un des joueurs, ce qui est dû à l'excitation.

- Pourrais-je vous demander ce que vous pariez?

Je n'ai pas pu m'empêcher de leur poser la question.

- On a divisé les vivres en quatre, me répond le premier candidat.

Jack Jaeger. Il a été emprisonné pour avoir participé à des combats de boxe à paris illégaux. Malgré sa stature costaud et son passé sombre, c'est un homme honnête qui se résigne dorénavant à ne faire du mal à qui que ce soit. Jaeger a eu un comportement exemplaire tout au long de son long séjour en prison, c'est pourquoi il est parmi nous aujourd'hui.

- Hah! Je vais tous vous massacrer, s'écrit le deuxième cobaye, Gabriel Valentine.

Ancien revendeur de drogue et accro aux jeux de hasard. C'est un homme sans pitié qui adore les enfants. Il n'a tout de même jamais recours à la violence, même s'il n'a pas le choix. C'est un pacifiste qui aime se remplir les poches et s'entourer de belles femmes.

Il y a ensuite Esteban Saluja, incarcéré pour évasion fiscale, le crime le moins important parmi les quatres. C'est un citoyen normal qui pouvait à peine nourrir sa famille. Il avait d'abord une sentence de trois ans seulement, mais il a maintenant la chance d'en sortir après un an.

Finalement, Armin Sloan. Avec le crime le plus grave et avec trente ans de prison. C'est le seul qui devra tout de même retourner dans sa cellule après l'expérimentation. À 16 ans, il avait pratiquement monopolisé le marché noir en vendant des informations de la plus haute importance. Extrêmement doué en informatique, tout en étant encore adolescent, il n'a parlé pas une seule fois durant ses deux années en détention juvénile et ses trois ans en prison.

Après seulement 15 heures en captivité, j'entends déjà des plaintes par rapport à la fatigue et à l'ennui. C'est inévitable et, même si le gaz empêche le sommeil, la fatigue persiste toujours. Ces dix jours vont être extrêmement longs, non seulement pour ceux dans la cabine, mais pour mon équipe et moi également.