Chapitre 2

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1er septembre — 7 h 45
La campagne autour de Rouen est si grande, beaucoup d'étudiants ont besoin de marcher une trotte avant d'atteindre une ligne de bus ou de métro. Sur ce coup-là je suis plutôt chanceuse, l'arrêt est à une rue de chez moi.
Le chauffeur est déjà là, je rentre donc et pars m'installer. Peu de monde affluent à cet arrêt et ce n'est pas très dérangeant, j'aime le calme le matin. Je sors mes écouteurs, lance une playlist en lecture aléatoire, pose ma tête contre la vitre et me laisse transporter le temps des vingt minutes de trajet. Mais je crois m'être assoupi un instant quand je me rends compte que le bus s'est rempli d'une dizaine de personne de plus qu'à mon entrée et constate que je suis arrivée quand je lis « lycée la Providence Miséricorde ».
Je sors en dernier du bus et en descendant la dernière marche je trébuche tout en faisant tomber les livres de mon sac. Génial, la journée de rêve peut commencer ! Quelqu'un m'aide à me relever en ramassant mes livres et commence à se présenter.
- Bonjour, je m'appelle Sa... oh ! Salut Romane, finit-elle par lâcher quand je relève la tête.
- Salut Samantha... Je réponds en gardant le visage fermé.
- Tu es ... enfin tu as beaucoup ... comment tu vas ?
- C'est maintenant que ça t'inquiète ? Je réplique en récupérant mes livres et essayant de fuir la conversation.

Je garde ce goût amer du sentiment d'avoir été abandonné par quelqu'un en qui j'avais confiance. Le climat est irritant, je ne sais pas quelle attitude adopter face à Sam qui se confond en excuses. S'il ne pleuvait pas à cet instant, je jurerais même apercevoir des larmes commencer à se former dans les creux de ses yeux noisette.

- Je n'ai pas eu de tes nouvelles de tout l'été ! Pas de messages, aucun appel et encore moins de visite dans ce fichu hôpital ! Sam ... tu m'as complètement viré de ta vie dès l'instant où tu as pris connaissance de ma maladie !

Sans lui laisser le temps de répondre ou de s'expliquer, je ferme les yeux pour prendre une grande inspiration, décide finalement de garder le silence et puis sans vraiment savoir pourquoi, je prends la main de Sam et l'approche au plus près de moi.
- Tu as honte que quelqu'un te vois en ma présence ?
- Non, me répond-elle en me serrant ma main plus fort
- Tu as honte de ce que je suis devenue ?
- Non ! Insiste-elle horrifiée par ma question.
- Pourtant cet été t'as rien fait pour me montrer que t'étais présente et que tu me soutenais dans mon combat.
Sur ces mots, Sam se détache de mon étreinte. Je vois son visage se remplir d'émotions, elle me regarde droit dans les yeux et d'une voix que je décèle des plus sincères me dit simplement : je suis désolée.
Je remets mon sac sur mon épaule et tente par un regard maladroit de lui faire comprendre que j'entend ses excuses mais ne suis pas encore prête à les accepter.
Je marche vers le hall d'entrée du lycée où se trouve un attroupement entier d'élèves cherchant sa classe. Le bâtiment est très grand, après quelques minutes j'arrive enfin à me frayer un chemin entre les autres étudiants jusqu'à atteindre le fameux panneau d'affichage.
« Romane Humbert, Charlotte Marais : Terminale A ; Samantha Tobago : Terminale B »
Il y a quelques mois nous avions fait Charlotte et moi le vœu d'intégrer pour notre dernière année la classe des Métiers de la Mode et du Vêtement. Et nous avons été acceptées. Samantha ne sachant pas encore quoi faire à la sortie du lycée, avait décidé de rester dans une filière plus générale.
J'ai toujours aimé dessiner, concevoir, inventer. Cette section est l'opportunité pour moi de montrer de quoi je suis capable et de mettre en application mes acquis sur le plan manuel. Mais suis-je encore  à même de réussir ?
C'est en patientant devant la salle de classe que je remarque quelques personnes déjà assises. Je décide donc d'aller m'asseoir sur l'une des deux places au fond collées à la fenêtre. La pièce se remplit au fur et à mesure et après cinq minutes le professeur entre dans la classe.
- Bonjour à tous, commence-t-il. Je suis Matthieu Delange, je vous aurais en cours de français tout au long de cette nouvelle année et je suis par ailleurs votre professeur principal. Si vous avez des questions c'est maintenant car ensuite ce sera à vous de répondre aux miennes.
- C'est quand les prochaines vacances Monsieur Delange ? La question provient d'un garçon brun au fond de la classe qui esquisse un large sourire.
- Laissez-moi deviner ... Monsieur Tom Gélin c'est bien ça ? Réplique le professeur.
- C'est bien ça. L'année vient juste de commencer et je suis déjà fiché on dirait, continue Tom.
- J'ai eu votre grand frère pendant trois ans, il adorait faire rire la classe. J'espère que vous saurez faire preuve de plus grande maturité Monsieur Gélin. Le large sourire du garçon se range aussi vite qu'il est apparu. Fin de la trêve, je vais vous demander de remplir les questionnaires qui vont vous être distribués afin d'en savoir plus sur vous. Une fois terminé, vous déposerez les fiches sur mon bureau et vous pourrez sortir après avoir récupéré l'agenda obligatoire et votre carnet de correspondance au niveau du secrétariat dans le hall d'entrée.
Tout le monde se met alors à remplir le questionnaire rapidement, le dépose sur le bureau comme demandé et trouve la sortie presque tous en même temps. Je rejoins encore une fois le hall d'entrée afin de récupérer ce fichu carnet accompagné de Charlotte qui est arrivée en retard.
- Vraiment aucun intérêt ce premier jour. Venir une heure pour choper un carnet et répondre à trois questions.
- Dis-toi qu'au moins on peut profiter du reste de la journée me répond-t-elle.
- Aucune envie de profiter, je veux juste rentrer.
- Tu t'es levée du mauvais pied ou quoi ?
- Pas envie d'en parler. Je repense alors à ma courte discussion avec Samantha devant le lycée.
- Ok ... Je dois filer mais si ton humeur change et que tu veux discuter avec une jolie brune, appelle moi !
Je souris et nous partons chacune de notre côté.     Entre-temps je reçois un sms de ma mère m'informant qu'elle irait chercher Arthur à sa sortie de l'école, qu'elle ne mangerait pas à la maison ce midi et que mon père allait rentrer tard dans la soirée. Je profite du vide de la maison pour me reposer et sans m'en rendre compte, épuisée par les événements des derniers mois et encore prise de milles questions concernant ma dernière année scolaire, mon avenir et la maladie, je m'endors dans le canapé.

1er septembre — 17 h 00
La fâcheuse manie de mon petit frère est de sonner à la porte même quand il sait qu'il n'y a personne à la maison, allez savoir pourquoi cela l'amuse. Sauf que je suis là et le bruit strident de la sonnette me sort de ma sieste d'une sensation peu agréable.
- Arthur !
- Romane ? me répond la petite tête blonde cendrée qui se tient devant moi arborant des yeux de défi.
- Arrrgh non rien laisse tomber, t'as passé une bonne rentrée ? Je n'ai pas envie de me chamailler avec lui.
- Super, le maître est gentil et j'ai retrouvé mes copains.
- Nickel beau gosse, je suis contente pour toi
Arthur me répond d'un sourire et part dans sa chambre. Je fais un bref résumé de ma matinée à la demande de ma mère et à ma grande joie le reste de la journée se passe dans le plus grand des calmes.

8013 KMOù les histoires vivent. Découvrez maintenant