J'attends Ariane.
Je vais beaucoup mieux. Grâce aux bons soins de Linnie, mon énergie est revenue. Je suis prête à me lancer dans l'action et à me rendre utile à la communauté en lui proposant mes services.
Cette idée me rend fébrile car je sais que ce soir, je devrai arrêter mon choix. Ne me connaissant aucun talent particulier, je doute fort que quelques heures suffiront à m'éclairer sur ma vocation. Selon Linnie, Ariane, fine psychologue, sera la plus experte pour me conseiller. En tout cas, je constate que ce n'est pas la plus ponctuelle. Sa venue se faisant désirer, j'ai le temps d'imaginer sa silhouette élancée habitée d'un tempérament calme et réfléchi quand soudain, déboule chez moi, une tornade trapue et essoufflée suant à grandes eaux. Le cube, surmonté d'une tête sans cou, garni de membres courts et épais gigotant dans tous les sens, m'adresse la parole :
- Bonjour Ysia, on se dépêche, je suis en retard, allez hop, on y va.
J'ai à peine le temps de la dévisager et de remarquer que ses bajoues tombantes, son nez épaté et ses yeux globuleux lui donnent un air de bouledogue, que nous voilà parties !
Toute la journée, j'aurai du mal à suivre cette boule d'énergie. Une seule question me taraude, comment de si petites jambes parviennent-elles à marcher aussi vite ? Je découvre rapidement que cette femme d'aspect austère, sans aucun signe extérieur de fantaisie ou de féminité, est la plus drôle et la plus percutante des personnes que j'ai rencontrées jusque-là. Elle manie l'art du sarcasme et du second degré comme personne. Je tombe très rapidement sous le charme de sa finesse d'esprit et de la justesse de ses analyses, parfois acides.
Son efficacité est redoutable. Sa vie est pensée et organisée de telle sorte qu'elle perde le moins de temps possible. Foin des fioritures chronophages. Sa coupe de cheveux très courte lui évite bien des minutes de démêlage et de coiffure, ses vêtements sans bouton, s'enfilent et se retirent en un clin d'œil, aucun accessoire superflu du genre boucle d'oreille ou autre « trompe-couillon », selon son expression.
Mon guide d'un jour connait le village par cœur, et en ambassadrice zélée, ne se lasse pas de me le faire découvrir. Au détour des chemins, elle m'en explique les fondements :
- Tu vois, Ysia, le village c'est comme un castel, tu sais, ces tours humaines que les villageois réalisaient dans le passé. L'équilibre de la tour repose sur chaque individu, sur son courage à tenir bon, le plus longtemps possible. La solidité de la tour et sa hauteur sont déterminées par la force et la ténacité de chaque personne. Rien ne tient sans le bon sens de chacun pour le bien de tous. Il faut toujours avoir ça en tête. La seule chose qui compte, c'est que la tour reste debout. Tu comprends ? C'est pourquoi les fainéants ou les rebelles ne peuvent pas rester ici. La vie y est trop dure, on ne peut pas se permettre de nourrir des bouches inutiles ou de laisser des individualistes tout remettre en question.
- Que se passe-t-il alors pour eux ?
- On leur demande de partir... Certains s'en vont d'eux-mêmes d'ailleurs, sans qu'on leur demande quoi que ce soit, car ils étouffent ici. Ils quittent le village et s'enfoncent dans la forêt pour vivre pleinement leur liberté retrouvée.
Elle rajoute, anticipant ma question :
- Ils s'imaginent souvent plus forts que tout le monde. Seulement, voilà, c'est très difficile de survivre seul, en pleine nature. Alors au bout de quelques temps, on aperçoit les vautours tournoyer dans le ciel, plus ou moins loin... On finit toujours par retrouver leurs traces. Un collier, un couteau, un arc ... Quant aux corps, que tchi, nada. Dans la nature rien ne se perd !
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YSIA 3063
Science FictionLa vie d'Ysia s'écoule douce et sereine, dans un confort parfaitement réglé et paramétré. Ce bonheur la comble et la rassure. Mais un beau jour, et à son grand étonnement, tout bascule, brutalement, irrémédiablement ... Son destin se met alors en ma...