3- Aspasie

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J'entendais encore sa voix me dire Je suis là tous les soirs, si tu veux.

Ce guerrier là, Spysos, qui prétendait que nous ne soyons pas si différents. Nous étions discordants par nature. Mais plus j'y réfléchissais, plus je me disais que j'avais tort.

Assise à l'écart de la bataille à laquelle je ne pouvais participer, je distinguais mal les troupes troyennes des troupes ennemies. Les grecs n'avaient pas tous les mêmes boucliers. Généralement, ils n'avaient pas les mêmes formes.

Les hommes d'Ulysse en possédaient des rectangulaires, tandis que les myrmidons, aux abonnés absents, en avaient des ronds avec des fentes sur le côté.

Je ne risquait pas de voir Spysos. Tout bien rélfléchis, je ne l'avais pas bien distingués cette nuit. Il était blond, les yeux bleux, le visage anguleux.

Aurai-je au moins pu le reconnaître ? D'aussi loin, reconnaître Hector et Cyriacus était déjà un exploit.

La bataille était gagnée d'avance pour Troie, aujourd'hui. Les troupes ennemies ont commencées à reculer. Ce furent les combattants d'Ithaque, sous le commandement d'Ulysse, qui ont battu en retrait les premiers.

Bientôt il n'est resté devant les murailles de Troie seulement nos guerriers et des cadavres.

Mon expédition avait été un succès. Les grecs n'avaient aucune chance avec l'incendie qu'ils avaient subis cette nuit.

Je suis retournée dans l'enceinte de la cité, à la recherche d'Eusèbe. Peut-être pourrais-je l'empêcher de boire plus qu'à son habitude ?

En rentrant dans la taverne, je me suis rendue compte que non, je ne pourrai pas l'en empêcher. Mais il était tellement saoule qu'il n'aurait aucun souvenir de notre conversation quand il serait à nouveau sobre.

-Eusèbe !l'ai-je appelé.

-Ah ! Mon adorée Aspasie ! Quelles sont les nouvelles du jour ?

-Nous avons gagné la bataille d'aujourd'hui. Nous les avons humiliés, ai-je raconté, toute fière.

Il m'a sourit, mais il gardait une certaine tristesse en lui. Il a tendu sa main, fripée et plein de tache de vieillesse, et a effleuré ma joue.

-Ils viendront se vanger alors.

-Eh bien, nous les attendons de pied ferme. Les dieux sont avec nous, mon cher Eusèbe.

Il y avait une complicité entre lui et moi semblable à un grand-père avec sa petite fille certains jours, et semblable à deux vieux amis en désaccord les autres jours. Mais je l'adorais. Il figurait parmis les doyens. Ses cheveux grisonnants, ses mains noueuses, ses tâches brunes qui pigmentaient sa peau... Tous ses détails indiquait chez lui une vieillesse qui forçait le respect. Un âge autant avancé n'était pas courent.

-La fougue de la jeunesse... (il s'est tourné sur vers la serveuse, se rendant compte qu'il avait fini son verre) Clytia ! Sers m'en un autre ! Et à la demoiselle aussi.

J'ai esquissée un sourire gênée en faisant signe à la serveuse de ne pas m'apporter d'alcool.

Quelques instants plus tard, elle m'a tout de même servis un verre de lait, tandis qu'Eusèbe louait son vin. S'il y avait un dieu qu'il veillait à ne pas contrarier, c'était bien Dionysos !

J'ai laissé Eusèbe boire encore un peu tandis que Clytia s'éloignait.

-Supposons que je me sois battue avec un soldat grec l'autre soir, ai-je dit à voix basse quand le champs fût libre. Qu'est-ce que je risque de l'avoir laissé en vie en partant ? D'avoir discuté avec lui ?

Meilleurs ennemisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant