5- Aspasie

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Au cas où on ne se reverrait pas. Comme si j'avais réellement envisagé cette option !

Voilà où m'avait menée les conseils d'Eusèbe. Mon plan avait totalement échoué. Il n'était pas si compliqué pourtant ! Au lieu de le défaire de sang-froid, quand je lui avais avouer le motif de ma venue, on aurait pu se battre, et là il serai mort ! (Ou moi, mais cela n'était pas dans le plan.)

Une nouvelle bataille allait avoir lieu aujourd'hui. Comme la veille, je me suis postée en hauteur du champs de bataille. Nos troupes étaient de sortie, proche des murailles. Nos archers étaient postés, prêt à tirer.

Au loin, les bataillons ennemis arrivaient, soulevant des nuages de poussière. Ils avaient meilleures mines que la veille. J'ai aperçu Cyriacus dans les premières lignes, non loin d'Hector. Un mauvais pressentiment m'a envahi. D'habitude, il était plus en retrait. Je sais ce qu'il me dirait si je le lui faisais remarqué. Il me dirait que se serai lâche de toujours se mettre à l'arrière pour espérer avoir la vie sauve. Je dirais la même chose à sa place. 

Les chefs de armées, arrivés à cheval, se sont toisés et ont échangé quelques mots. Pâris et Hector de notre côté. En face, je pouvais reconnaître des visages devenus familier. Il y avait Ulysse, qui savait bien où je me trouvais. J'avais déjà eu l'occasion d'échanger quelques mots avec lui cette fois où il était venu en paix, chercher une solution pacifique, dans l'espoir de ramener Hélène à Sparte. Cette rencontre avec lui avait été très enrichissante.  

Tout près d'Ulysse se tenait Agamemnon, accompagné par son devin Calchas, dont les cheveux blanchis indiquait son âge avancé. En comparaison, Agamemnon semblait frais comme un gardon. Contrairement à ses hommes, il ne paraissait pas avoir souffert de l'incendie.

La bataille a finalement commencé. Au bout de près d'une heure, la victoire semblait nôtre. Niké* avait l'air d'être en faveur de Troie. Puis une masse indistincte s'est profilée au loin, tandis que nos archers envoyaient de nouvelles volées de flèches enflammées sur les Achéens. Cette masse c'est peu à peu transformée en un groupe d'hommes arrivant en courant. Les casques au panaches noirs, les boucliers sombres avec des fentes sur les côtés... Les myrmidons ! Et cet homme en avant, dont la chevelure blonde vénitienne dépassait du casque, les muscles saillants et bronzés... Achille ! 

Alors Agamemnon lui aurait présenté ses excuses ? J'en doutais. Quelque chose n'allait pas. J'avais déjà vu Achille se battre maintes fois, avant que les myrmidons ne refusent de venir. Il y avait quelque chose d'étrange chez lui. Peut-être était-il rouillé à force de rester en observateur. Ou manquait-il de conviction face à la cause qu'il défendait ?

J'ai repéré Spysos qui fendait les lignes troyennes tel un lion. C'était ainsi que se surnommaient les myrmidons: les lions. Cyriacus s'est alors retrouvé -et je suis sûre qu'un certain dieu ou une certaine déesse n'y était pas pour rien- à combattre Spysos. Cela  n'a duré que quelques secondes. Et puis Spysos a planté son épée dans le ventre de Cyriacus et l'a retiré d'un coup sec. Hector, non loin, a aperçu la scène. Prêt à venger son apprenti tombé, le prince s'est dirigé vers Spysos. Mon cœur s'est serré: cette attitude vengeresse ne pouvait signifié que la mort de Cyriacus. J'ai failli en tomber de mon perchoir. Puis Achille est intervenu, se plaçant entre son myrmidon et Hector. 

Un duel s'est engagé entre les deux héros. Achille était vraiment bon, Hector n'était pas certains de gagner. Le duel m'a semblé vraiment long. Autour, les soldats s'amassait pour voir qui gagnerait. J'ai repéré Ulysse non loin d'Achille. Il paraissait soucieux. 

Hector a finalement eu l'ascendant sur Achille. D'un coup circulaire, il lui a tranché la gorge. Achille est tombé a agonisé au sol, se noyant dans son propre sang. J'avais pourtant entendu cette légende racontant qu'Achille n'avait qu'un point faible, son talon, parce que sa mère, la néréide Thétis, l'avait trempé dans le Styx.

Hector s'est penché au dessus de lui pour retiré son casque. Ce n'était pas Achille. Les myrmidons ont eu un ébahit. Le visage de mon prince s'est décomposé. Le guerrier au sol, agonisant encore, était jeune. Quelques années de plus que moi. 

Le prince troyens, déconfit, pris de pitié et de charité, achève l'imposteur en lui plantant son épée dans le ventre. Les gémissement du malheureux cessent enfin.

Dans le silence pesant de la surprise générale, la voix d'Ulysse a résonné:

-C'était son cousin, Patrôcle.

***

Je me suis réfugiée dans la taverne où Eusèbe passait sa vie. La situation était au plus mal. Spysos venait de défaire mon meilleur ami. Je ne reverrai plus jamais Cyriacus, dont la guerre avait déjà enlevé les parents. J'avais mis de côté deux drachme pour les rites funéraires.

Ce jour là, l'envie de boire a failli l'emporter. Mais après ce qui était arrivé à ma mère, je me refusais à trouver refuge dans l'alcool.

Hector est entré dans la taverne peu après j'ai fini mon premier verre de lait. Lui a pris quelque chose de plus fort. Avoir défait un gamin lui minait le moral. Nous croyions tous voir Achille et finalement, c'était son cousin. Patrôcle savait très bien se battre, et pour cause, il avait été formé par l'un des meilleurs. Mais jamais il n'aurait dû s'en prendre à Hector.

Maintenant, Achille réclamerait vengeance. Et Hector ne refuserait jamais ce duel.

-Je suis désolé pour Cyriacus, m'a-t-il dit.

Sans doute voulait-il un moment loin de la foule. Notre prince avait un sens de la morale. Tuer un jeune le bouleversait, et c'est ce qui en faisait un héros.

-La mort au combat est la plus belle mort pour un guerrier, ai-je fait, sans aucune émotion.

Hector a esquissé un rictus moqueur. Les belles morts, ça ne valait pas pour les proches du défunts.

Nous n'avons plus beaucoup parlé. Après deux verres, il est partit, et Eusèbe a pris sa place. Lui et moi avons parlé de Cyriacus jusqu'à l'heure des rites funéraires. 

J'ai posé sur ses yeux les drachmes qui lui permettraient de payer Charon et d'aller aux Champs Elysées comme tout les héros. Le bucher a été allumé et nous avons observé les corps partirent en fumée, et la fumée rejoindre les étoiles.

***

Des cris au pied des murailles m'ont réveillés. Quelqu'un hurlait:

-Hector !

La voix résonnait devant les murailles. Je me suis habillée en vitesse et ai couru jusqu'à mon perchoir, pour observé le guerrier assez fou venir seul au rempart de Troie et provoquer Hector. Nos archers aurait pu le défaire en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire.

Cependant, ils n'en ont rien fait. Quelques minutes plus tard, les portes ont laissés sortir Hector en armure. Le vent soufflait de façon a éloigné leurs paroles de moi. J'ai tout de même entendu, avant le duel mortel, les dernières paroles de leur conversations.

-Je ne voulais pas défaire ton cousin. Je croyais te combattre.

-Et tu resteras connu comme le fou qui croyait avoir tuer Achille.

Leur duel a été le plus long et le plus majestueux qu'il m'ait été donné de voir. Les coups d'épée fusaient, les boucliers ont été envoyé au loin. Jusqu'au bout, j'ai cru Hector capable de s'en sortir. Jusqu'au bout. Mais Achille a finis par planté son épée dans le torse d'Hector au dernier moment. 

S'il a eu des dernières paroles, alors seul Achille l'a entendu. Ses pensées allait sans doute vers son enfant et sa femme. Achille a alors attaché la dépouille du prince à son char, a fait trois le tour des murailles devant notre peuple endeuillé puis il est rentré à son campement.

J'ai lutté contre l'envie de les suivre. Je suis descendue de mon perchoir puis me suis rendu à la taverne d'Eusèbe, demandant la boisson la plus forte qu'il avait, pour y noyer mon deuil. 

*Voir la partie "Lexique et plus"

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