4- Spysos

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J'ai senti sa présence dans mon dos. Je n'étais pas sûr que c'était elle, mais qui cela aurait-il pu être d'autre ?

Honnêtement, quand je lui avait dit que j'étais là tout les soirs, je ne me doutais pas qu'elle reviendrait, surtout pas ce soir. Elle avait encore les traces de mes mains sur sa gorge, des égratignures à cause du cheval qui l'avait renversé, et son épaule semblait bandée.

Sans son déguisement de mendiante, et à la lueur de l'aurore, elle était encore plus belle. Aphrodite jouait avec mes nerfs. Je sentais naître des émotions qui ne devait pas exister. Rien que ce début d'affection était une grave erreur. C'était sans doute pour cela qu'il était là, prenant toujours plus de place. Je voulais la connaître, lui parler sans essayer de la défaire.

-Aspasie ! Je ne pensais pas que tu viendrais.

Elle a rangé en vitesse son épée. Elle n'était pas venue pour faire connaissance. J'ai cependant décidé de faire comme si je n'avais rien vu. Elle était là, et visiblement pacifiste. Autant en profiter.

-Je ne pensais pas venir non plus, m'a-t-elle répondu.

Elle a retiré son casque. Ses cheveux bruns volaient dans le vent. J'ai pris ça pour une marque de confiance et en ai fait autant, libérant ma chevelure blonde.

-Assied-toi, lui ai-je proposé.

Elle s'est assise maladroitement, se demandant sans doute ce qu'elle faisait là.

-Comment cela c'est passé hier, pour toi ?m'a-t-elle demandé.

-Ils m'ont retrouvé inconscient dans les saillies, peu après l'extinction du feu. Ils disent que je ne dois ma survie qu'au cheval qui les a prévenu à temps qu'il y avait un problème, en rentrant seul. Ils pensent que tu m'as attaqué derrière, me faisant tomber de cheval, et que tu es allée au campement par la suite.

-Ils sont plutôt loin de la vérité, a-t-elle remarqué.

-Oui, lui ai-je accordé. Certains racontent même que c'est Pâris qui a mis le feu, avec l'aide de Briséis* peut-être, sous la protection des jumeaux archers.

-Briséis n'a pas eu de problème, j'espère ?

Aspasie m'a semblé vraiment inquiète.

-Non. Achille ne laisse personne de mal intentionnés l'approcher.

Elle a soufflé, visiblement soulagée. Il faut croire que sous tout cet attirail, elle avait un cœur.

-Les myrmidons ne se battent toujours pas, a-t-elle ajouté.

-Tu es venu me souttirer des informations ?me suis-je exclamé.

-Désolée Spysos. L'habitude je pense.

Elle a baissé la tête et fixé ses mains, quelque chose la tracassait

-Tu peux me dire ce que tu veux. Il paraît que ce confier à des inconnus, cela peut faire du bien et apporter un regard neuf.

Elle a gloussé de façon sarcastique, puis a plongé son regard dans le mien.

-Je dois être honnête avec toi. J'étais venue te défaire. J'étais sur le point de le faire. Je devrais partir.

-Mais tu ne l'as pas fait, ai-je souligné. Je ne suis pas un idiot, tu sais. Je me doute bien que tu avais une arrière pensée en venant ici. Je voulais sans doute moi aussi te prendre des informations qui pourrait me servir. Mais en gage de ma bonne foi, je vais te répondre: les myrmidons ne se battront pas tant qu'Agamemnon ne se sera pas excuser pour avoir offenser Achille.

-En gage de ta bonne foi...a-t-elle répété. Mais, tu ne m'en veux pas un peu ?

J'ai souri.

-Bien sûr que non. J'aurais agis pareil en de telle circonstance, je ne peux pas te blâmer.

-Très bien. Alors en gage de ma bonne foi, je pourrais te dire que... que c'est Hector qui m'a formé. Et si un jour il lui arrivait malheur, je réagirais très mal.

J'ai levé les sourcils, étonné. Elle avait été formée par Hector personnellement !

J'ai tout de suite voulu en savoir plus. Elle m'a raconté son enfance joyeuse avant le siège de sa ville. Sa douleur et sa solitude quand son père était parti se battre pour ne jamais revenir, tandis que sa mère a sombré dans l'alcool, pour finir par mourir à son tour et la laissé. Puis elle m'a raconté comment Hector l'avait recueilli et élévée, entraînée parmis d'autre jeune de son âge dont elle tairai le nom.

Son histoire faisant un peu écho à la mienne, je lui ai raconté mon enfance heureuse jusqu'à la mort de ma mère suite à une maladie intraitable, Achille recrutant mon père, et moi par la même occasion, à mes dix ans. Puis mon arrivée ici et mon enfance sur les plages grecques. Mon cas n'était pas isolé, les troupes grecques avaient besoin de nouveaux soldats après dix ans de guerre.

-La guerre de Troie nous gâché la vie, pas vrai ?a-t-elle soufflé.

-Tout ça pour Hélène et Pâris...

-Agamemnon attendait la moindre excuse pour nous attaquer, et nous la lui avons offert.

-Bien !ai-je déclaré. Parlons d'autre chose.

Le soleil était totalement couché, et la Lune approchait rapidement de son zénith. On allait bientôt venir prendre la relève.

Nous avons donc parlé de tout et de rien, de la pluie et du beau temps. Nous avons beaucoup rit.

-Tu devrais y aller, mon tour de garde est presque fini.

-Merci pour ce bon moment en ta compagnie, a-t-elle dit en se relevant, époustant le sable de ses vêtements.

Je me suis levé à mon tour.

-Merci à toi d'être venue.

Elle a souri et a replacé une mèche indisciplinée derrière son oreille.

-Tu avais raison, se confier à un inconnu, ça fait du bien.

-Retient une chose Aspasie, j'ai toujours raison.

Nou avons rit de bon cœur. Puis elle s'est rapproché de moi et m'a serré dans ses bras. Totalement pris au dépourvu, je lui ai rendu son étreinte.

Elle s'est légèrement écarté et m'a embrassé. Sous la lune, face à la mer, un cadre idyllique pour une relation impossible. J'imaginais sans peine l'air moqueur d'Artémis sur son char lunaire. Même les biches qui tirait son char devait se moquer.

Quand on s'est écarté, elle m'a souri, joyeuse.

-Ne prend pas cela pour de la romance. C'est au cas où on ne se reverrai pas.

J'ai gloussé. Des pas se sont fait entendre en aval du chemin, brisant ce si beau moment.

Je l'ai embrassé une dernière fois, lui soufflant "au cas où ne se reverrai pas" puis l'ai incité à partir en toute discrétion.

Elle a décanillé en vitesse, et au moment où je ne la voyais plus, une voix s'est faite entendre derrière moi.

-Avec qui parlais-tu, Spysos ? Je t'ai entendu.

-Athos* ! Je ne faisais que parler à mon cheval. On passe le temps comme on veut.

Il ne m'a pas paru convaincu et a fixé l'animal comme si celui-ci pouvait lui répondre.

-Athos, tu es au courant que cette brave bête ne te confirmera pas mes dires ?me suis-je moqué.

Il a esquissé un rictus qui se voulait aimable mais qui ne l'était pas.

-Je t'aime bien Spysos. Fais en sorte que cela ne change pas. Un accident est si vite arrivé.

-À qui le dis-tu !ai-je répliqué, comme s'il ne venait pas de me menacer. Après l'accident d'hier.

J'ai sourit de façon sarcastique, lui ai souhaité la bonne nuit et suis parti. Athos allait me poser problème au cas où on se reverrai.

Meilleurs ennemisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant