Divergence - Le Premier Chemin

Prologue

Ben s'était senti sombrer pour toujours, son dernier souvenir, celui de Rey lui tenant la main, le regard alarmé alors qu'il basculait en arrière.

Il ne regrettait pas de lui avoir donné ce qui lui restait de vie. Elle était si jeune encore, toute une vie à construire et des amis qui l'attendaient. Elle méritait de découvrir la galaxie, de connaître enfin une existence paisible, d'aimer et peut-être de fonder une famille un jour.

Lui devait s'arrêter là. Rien de bon n'aurait pu advenir de son existence prolongée, surtout pour elle. Il aurait probablement souffert un tourment sans fin, son jugement débouchant au mieux sur son exécution, au pire sur un exil à vie, le laissant plus seul qu'il ne l'aurait jamais été.

Peut-être était-ce lâche de sa part de penser cela. Après tout, il n'aurait pas mérité moins après toutes les exactions qu'il avait commis. Mais peu importait, cette fin lui convenait. Son seul regret était de ne pas avoir rejoint Rey plus tôt. Si seulement... Peut-être aurait-il eu une chance ?

Juste avant que le néant ne l'engloutisse, il propulsa une dernière pensée à l'attention de Rey dont il sentait lointainement la profonde tristesse.

« Je serai toujours à tes côtés »

Ben Solo, après une vie jalonnée de tant d'épreuves, de trahison et d'agonie, aurait du rejoindre les siens dans la Force – si ce n'est en paix – avec au moins l'assurance que la deuxième partie de sa dyade était en vie. Il lui avait offert le sacrifice ultime, son dernier souffle, son dernier battement de cœur, tout ce qu'il restait de lui.

*******

Dans la multiplicité des univers, dans l'immensité de l'espace-temps, la Force est tout. Nommée différemment selon les âges, selon les peuples, Elle les impacte et les influence de mille et une façon. Les Midi-chloriens ne sont qu'un de Ses multiples catalyseurs.

Elle n'est ni le bien, ni le mal. Elle n'est que ce qu'il en est fait. Elle n'a pas de créateur, Elle est.

Les êtres prenant conscience en Son sein après leur trépas ne sont qu'un détail, qu'une des possibilités de formes qu'Elle peut revêtir, leur feu d'existence propre à leur refus profond et souvent inconscient de disparaître à tout jamais.

Il en allait pourtant en être autrement pour Ben Solo. La Force qui l'avait animée était de la même teneur que celle de tous les autres avant lui, à la différence que ses vrilles étaient intrinsèquement liées à celles d'un autre au-delà de l'imaginable.

En ce jour à la fois funeste et victorieux dans cette lointaine galaxie, les vrilles avaient été arrachées les unes des autres. Avec douceur, avec raison, avec un abandon sans regret. Les pointes des vivantes sectionnées à l'endroit de leur rencontre des mourantes et ligaturées avec attention.

Sans le savoir, Ben Solo avait accepté de disparaître sans espoir de retour.

La Force, si Elle avait eu une voix, aurait hurlé Son horreur du vide.

Il n'existe ni Créateur, ni Dieu dans cet univers. Seule la Force. La beauté de ce qui la concevait, son intrinsèque vitalité physique et mathématique calculaient en cet endroit précis de l'univers, prenant en compte les forces et les matières, les espaces et les temps, martelait, sublimait et condensait à vitesse lumière la forme nouvelle qui formerait de nouveau un tout avec Elle.

Rien ne se perd.

Tout se transforme.

*******

Ben Solo resta tétanisé, glacé par ce que renvoyaient ses nerfs optiques à son cerveau.

Il ne savait pas à quoi il s'était attendu dans l'au-delà – outre d'y retrouver peut-être sa mère et son oncle - mais il doutait fortement que ce fût ce qui se présentait sous yeux.

Ou peut-être était-ce un purgatoire ? Si tant est qu'il ait jamais crû à ce genre d'ineptie.

Les fantômes Jedi rêvaient-ils ? Car il ne voyait pas d'autre explication.

Les fantômes Jedi sentaient-ils l'odeur de cuir et de sueur ? Sentaient-ils la douceur du chandail de coton contre leur peau, la chaleur du tissu raide, mais renforcé de leur pantalon, la constriction ferme de leurs bottes ?

Si ce n'était pas le cas, alors cet endroit paraissait effroyablement réel.

La goutte de sueur qu'il sentit perler sous son aisselle ne fut qu'une confirmation supplémentaire à l'incontestable vérité.

Ben Solo était vivant.