MEMORIES

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Australie, Canberra, 11 novembre 2020

Un quarantenaire et son fils âgé de 10 ans sont en train de marcher tranquillement, l'un à côté de l'autre. L'enfant se rapprocha de son père et lui prit timidement la main, la sienne s'y faisant engloutir. Le plus grand baissa alors son regard vers son fils.

— Oui Sean?

— Je t'aime papa..., lui dit-il les yeux brillants.

— Moi aussi je t'aime Sean, lui répond l'homme.

Jake regarde son fils d'un œil attristé et continua de marcher en direction de leur destination. Le silence régnait durant le trajet, aucun des deux n'osait le briser.

Arrivés à destination le mari fit quelques pas en avant et déposa le bouquet de roses contre la pierre où était gravé le nom complet de sa défunte femme : Hope. Ses doigts glissèrent sur le nom et il sentit l'émotion l'envahir. C'est la voix faussement calme qu'il prit la parole.

— Coucou ma chérie, comment tu vas aujourd'hui ? demanda-t-il à l'intention de la pierre tombale.

— Sean est avec moi. Il est si grand désormais, il a dix ans et te ressemble de plus en plus au fil du temps. Hope... Tu nous manque. Ça fait deux ans que tu n'es plus là, et c'est dur. Sara est passée à la maison hier, elle a apporté un plat de ratatouille pour nous. Notre spécialité, tu t'en souviens ? Tu manques à ta mère, même si elle tient le coup de façade, je vois bien qu'elle est brisée, comme nous tous mon amour. Elle fait cet effort pour nous, pour son petit-fils. Je le sais. Edward m'a parlé des nuits qu'elle a passé à te pleurer, à crier à l'injustice qui t'a frappé, leur fille, et je ne peux que la comprendre. Lui aussi ne supporte pas cette douleur, il voit sa femme rongée par le chagrin et la douleur, il est tout autant brisé qu'elle. Mais ils se gardent bien de le dire, pour ne pas nous ajouter cette souffrance. Tu avais tellement de choses à voir encore, à découvrir, à goûter, à partager avec moi, avec Sean, avec tes parents. Mais malgré le manque, je tiens ma parole au mieux et je vais de l'avant. Je ne me morfonds pas sur mon sort et je tiens ma tête hors de l'eau parce qu'on a besoin de moi, notre fils a besoin de son père plus que tout. Hope, même si ton corps n'est plus présent dans la maison, tu es dans notre cœur à chacun. Ton souvenir ne cessera de vivre en nous, dans notre mémoire. Ces moments que tu as partagé avec chacun d'entre nous, reste à jamais gravé en nous.

Sean avait de nouveau prit la main de son père dans la sienne, cette fois-ci pour lui apporter du soutien, du courage et lui montrer qu'il était à ses côtés. Il sentit ses yeux remplis d'une immense tristesse être inondé par les larmes. Mais celles-ci restèrent dedans. Le bel homme à la chevelure brune ferma ses yeux un instant, serrant sa prise autour de la frêle petite main de leur enfant.

— Je suis probablement fou, mais j'ai toujours notre discussion dans ma messagerie et ton contact est resté intact dans mon cellulaire. Je relis nos discussions parfois, c'est vrai. En les lisant j'entends ta voix. Ta voix si douce, mielleuse, si mélodieuse à mes oreilles. Si je le pouvais je retournerai dans le temps et ferai encore plus que ce que j'ai pu faire pour te sauver, te sauver de cette maladie, cette leucémie, qui t'a ôté la vie si violemment, si subitement alors que nous avions besoin de toi. Tu portes bien ton surnom d'ange désormais... Hope, l'espoir, l'espoir d'une vie meilleure, d'un avenir radieux...

Il prit une profonde inspiration, prenant conscience du fait qu'il allait évoquer des souvenirs qui étaient encore douloureux pour son cœur mais à la fois si beaux et tendres.

— On s'est connus au lycée. Tu étais la fille discrète avec un petit cercle d'amis, quatre, elles viennent d'ailleurs nous rendre visite parfois, et moi, j'étais le garçon populaire après qui toutes les filles, ou presque, couraient après. Toutes étaient après moi, sauf toi. Tu ne me voyais pas comme elle. Pour toi, j'avais le sentiment d'être un simple mec de terminale qui avaient des fans, telle une célébrité. Et j'ai tellement aimé ça. J'ai aimé le fait que tu ne sois pas après mon physique. Un jour, avec la bande, nous sommes venus vous voir pour savoir si cela vous tentait de faire une sortie ensemble le weekend. Vous avez tranquillement accepté. Cela m'a même surpris parce que je pensais que tu nous recalerai en nous disant que vous n'étiez pas intéressé. Mais je ne m'en suis pas plains et j'en ai même profité pour tenter de me rapprocher de toi. Mais tu mettais sans cesse des barrières pour m'empêcher de t'approcher, d'approcher ton cœur. Tu avais peur, je l'ai vu lors de notre dixième sortie, tes yeux brillaient d'une façon étrange, de la peur y résidait et, j'ai cru un instant en être la cause, mais j'ai compris un peu plus tard que ce sentiment était bien plus profond. Que tu n'avais pas peur de moi mais de ce que je pouvais causer si tu me laissais entrer, pas vrai ? Et suite à ce jour, j'ai pris encore plus conscience de l'être si particulier que tu étais. Tu m'as encore plus attiré. Ton caractère m'a charmé, ton sourire et ton rire m'ont envoûté. Et c'est ainsi que je suis petit à petit tombé... Tombé sous ton charme, tombé amoureux de toi, Hope. J'ai eu si peur, peur de ne pas être capable de t'aimer à ta juste valeur, de ne pas être capable de te rendre heureuse comme tu le méritais, j'étais rongé de toutes parts par tous types de peur. Tous mes sentiments, je les ai gardé en moi pendant plusieurs mois, parce que nous commencions à devenir des amis, des amis proches, et que je ne voulais absolument pas prendre le risque de tout foirer comme j'avais l'habitude de le faire. L'amour m'a changé, je suis devenu une meilleure version de moi-même, je suis devenu un homme que je ne pensais pas capable d'être. Au bout d'un an d'amitié, j'ai décidé de sauter le pas. Je me suis décidé à te faire part de ce que je retenais dans mon cœur depuis bien des mois. Je n'ai pas fait comme dans les films, en te faisant toute une mise en scène, costume et dîner aux chandelles sur la plage, mais, je t'ai emmené dans une libraire, ta préférée, la nôtre, et, assis en tailleur dans le couloir des contemporains, je t'ai regardé droit dans les yeux. Je t'ai tout déballé, calmement, mes yeux bleus ne lâchant pas les tiens, couleur miel. Tes cheveux de jais avaient quelques reflets acajou sous la lumière du soleil couchant de ce jour de printemps. Tu as souri à la fin de mon monologue et tu t'es approchée de moi, passant tes bras délicats autour de mon cou et déposant ta tête sur le haut de mon torse, cachée au creux de mon cou. Tu m'as dit ceci : "Moi aussi je t'aime Jake, mais j'ai eu peur de te laisser entrer dans ma vie.". J'étais si heureux ma chérie... Si heureux.

L'émotion le prenait à la gorge, la serrant et lui faisant monter les larmes aux yeux.

— Puis, au fil des années, notre amour s'est renforcé, déployé, décuplé. Nous nous sommes mariés, et quelques mois plus tard, Sean est arrivé dans ce monde. Notre premier bébé, notre prince. Le fruit d'un amour pur et sincère entre nous. On a eu nos premières nuits blanches, nos premières paniques, nos premiers faux-pas, nos premières victoires, nos premières fiertés. Avec Sean on a découvert la vie de famille.

Le papa passa désormais son bras autour des épaules de leur enfant et l'attira tout contre lui, le serrant. Sentant le chagrin et la douleur de son père, Sean passa ses petits bras autour de sa taille et l'étreignit contre lui, du mieux qu'il le put.

— Je suis là papa... Tout va bien..., déclara l'enfant avec sa voix teintée de douleur, de chagrin et de tristesse profonde de voir son père ainsi et ne plus sentir sa mère le serrer contre lui, comme elle avait l'habitude de le faire de son vivant.

Jake se baissa alors au niveau de son fils et le pris correctement dans ses bras, lui offrant une forte étreinte, rempli d'amour, de soutien, de tristesse, de chagrin.

— Je t'aime fort mon petit prince, tu le sais ?

Le petit de dix ans à la chevelure couleur châtain hocha de la tête et serra tout aussi fort son parent.

— Maman aussi t'aime de là où elle est. Elle t'a aimé depuis le début, depuis qu'elle a su qu'elle attendait un bébé. On t'a aimé depuis le moment où tu as commencé à te développer dans son ventre et, on continuera de t'aimer, où qu'on soit mon ange. N'en doute jamais..., d'accord Sean ? lui demande son père d'une voix enrouée par le chagrin mais affreusement douce.

— D'accord papa..., lui répond son enfant, sur le point de pleurer.

Sean tourna la tête vers la photo de sa mère qui reposait contre la pierre tombale et dit.

— Maman tu me manques tellement... Tes câlins, tes petits bisous sur le front le matin pour me réveiller... Le sourire que tu me faisais chaque matin quand tu me déposais à l'école... Maman... Reviens... S'il te plaît... Papa est triste...

Le châtain pleurait à chaudes larmes dans les bras du brun. Ce dernier allait protester mais ce que son fils dit après le rendit muet.

— Je l'entends pleurer le soir parfois... Alors... Alors pour qu'il soit moins seul... Je le rejoins en lui disant que j'ai fais un cauchemar... J'aide papa comme ça... Pour qu'il se sente moins seul maman... Et j'aime dormir dans les bras de papa... Je me sens en sécurité...

Le papa et son fils pleuraient dans les bras l'un de l'autre, en face de la tombe de la femme la plus importante de leur vie.

Sa mère. Sa femme.

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