Vampire.

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Junhui entendit les lourdes portes se refermer derrière lui, tandis qu'il entamait son avancée dans le hall d'entrée.
En un éclair, le majordome revint à ses côtés, le devançant de quelques pas pour lui indiquer silencieusement le chemin.

Le chemin jusqu'à la salle de réception, probablement.
Le chemin jusqu'à son hôte, certainement.
Le détective ne pensait qu'à cela.
Qu'à cette rencontre, qui confirmerait ses suspicions, ou au contraire les briserait.

Qu'importe, il voulait simplement le rencontrer.
Le... Et si c'était une femme ?
La rumeur du vampire s'était répandue à une vitesse folle, mais personne n'avait jamais précisé son genre. Peut-être même n'en avait-il pas.

Il balaya ses réflexions, qu'il jugeait futiles, pour se reconcentrer sur l'essentiel.
Et l'essentiel lui brûlait la rétine, justement.
Il mangea tout le décor qui l'entourait des yeux, et n'en manqua pas une miette.

Il commença par ses pieds, qui marchaient, non, flottaient sur un tapis de velours rouge. Comme s'en allant vers une récompense pour un achèvement quelconque, dans ce monde où les gens importants étaient félicités.
Un tapis de cérémonie, songea le brun, où le trophée à son extrémité était son hôte.

La salle faisait sans doute dix mètres de large, et probablement vingt de long, à en juger par le nombre de pas qu'il fallait faire pour la traverser. Démesuré pour une simple entrée, vide qui plus est.

Vide à l'exception de grands miroirs sur sa longueur, ainsi que d'armures de chevaliers, fraîchement lustrées et entretenues avec le plus grand des soins. Pas une marque de poussière sur les miroirs non plus, malgré leur hauteur, qui représentait au moins deux hommes de bonne taille.

Pourquoi tant de miroirs, tant de reflets ?
Le propriétaire aimait à ce point s'y contempler ? Serait-il ce genre de personnage vaniteux, qui perd son regard dans ses richesses, aveugle de la pauvreté du monde ?

Non, ça ne correspondait pas au personnage.
Junhui l'imaginait déjà d'une certaine manière, et il avait la certitude qu'il n'était pas imbu de sa personne. Ça ne collait pas.
Et pourquoi se regarderait-il dans le hall ?
Il ne devait pas beaucoup s'y rendre, puisqu'il ne sortait jamais de son antre.
Cet espace était dédié aux invités.

Un éclair de lucidité frappa Junhui.
Les voleurs.
Les voleurs, voyant leur reflet sur tout l'espace.
Contemplant avec effroi l'acte qu'ils allaient commettre.
Comprenant soudain qu'ils étaient observés depuis le départ... Avant de disparaître.

Les miroirs ne représentaient pas l'amour de soi, mais le dégoût de sa personnalité.
Ils ne visaient pas l'extérieur, ils piquaient directement le cœur, l'âme de ceux qui osaient y poser leurs pupilles.

Les armures appuyaient alors le fait que l'endroit était protégé, loin d'être inhabité.
L'entretien qui les rendait si authentiques pourrait même laisser croire que des hommes se trouvaient encore coincés dans le métal.

L'entièreté du hall était une mise en garde.
Pourtant, le détective voulait avancer.
Il se savait pris au piège, mais ce n'était pas sa préoccupation.
Malgré ce sentiment, il s'agissait de sa mission, de son devoir. Son enquête.
Il se devait de continuer, qu'importe le prix de son aventure.

Il n'avait pas le choix.
Et quand bien même il l'aurait eu, il y serait allé.

Après s'être arrêté sans le vouloir devant le second reflet, il se souvint de la présence du majordome.
Les deux hommes s'observèrent en silence, les regards croisés dans le verre.

Puis Junhui parla :

- Qui êtes-vous ?

Un silence lui répondit, glacial.

Le Manoir - TS JunhaoOù les histoires vivent. Découvrez maintenant