Douce nuit d'Aubane.

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Junhui releva le col de son long manteau brun, frissonnant lorsqu'un flocon gelé toucha la peau sensible de sa nuque.
Ce qu'il haïssait l'hiver.
L'hiver et son temps morne, son verglas qui faisait glisser ses pieds, ses températures qui secouaient son corps de soubresauts.

Il préférait de loin l'été.
Ses tenues légères volant à la brise du crépuscule, la chaleur confortable des journées ensoleillées, ce fameux soleil qui se dressait fièrement dans le ciel bien plus longtemps que durant cette maudite saison glacée.

En poussant la porte de l'établissement qui lui faisait de l'œil depuis sa descente du train, il soupira de soulagement, laissant s'échapper un souffle blanc de ses lèvres rosées.

Un petit homme empâté au visage rougit par la chaleur ambiante du restaurant vint l'accueillir.
En un rapide coup d'œil, Junhui constata qu'il était le premier à passer cette entrée depuis un bon moment.
Vu l'heure et la fraîcheur extérieure, ce n'était guère surprenant.

- Bien le bonsoir, monsieur. Laissez-moi vous débarrasser et allez donc vous installer près du feu, je m'occupe de vous.

Le nouvel arrivant retira son haut-de-forme aux coutures neuves et frotta vivement sa chevelure brune, sur laquelle avaient réussi à se déposer quelques flocons de la tempête.
Il défit ensuite son trench et son écharpe, eux aussi pleins des larmes de neige, qu'il déposa dans les bras tendus du gérant.
Il préféra en revanche garder le sac contenant ses affaires avec lui, par sûreté.
Avec un geste de remerciement de la tête, il partit dans la direction de la cheminée, devant laquelle trônait un fauteuil qui lui sembla fort confortable.

Le feu de cette dernière brûlait si fort que si on le fixait trop longtemps, on pouvait sans doute voir un incendie se déclarer dans nos yeux.
Les lumières orangées qu'il dispersait se répandaient dans l'ensemble de l'espace, plutôt petit et confiné.
Tout était de briques et de bois, en passant de la structure même du restaurant jusqu'au mobilier, brut et sombre.
Seule la cuisine avait un peu plus d'éclairage que le reste du lieu, on le voyait au travers du hublot de la porte qui y menait, derrière le grand bar latéral à la gauche du client.

L'ambiance pouvait même paraître oppressante, vu le manque de luminosité et de couleurs de la salle, mais c'était tout juste au goût de Junhui, qui n'appréciait rien de plus que le calme et l'obscurité.

Le fait qu'il soit seul avec le second homme allait par ailleurs lui être profitable, il pourrait le questionner plus aisément.
En y pensant, il vit ce dernier le rejoindre.

- Mais dites-moi, mon bon monsieur, qu'est-ce qui vous amène dans notre chère ville par ce temps ?

- Le célèbre Manoir d'Aubane, voyons. répondit instantanément le brun, un sourire équivoque aux lèvres.

Le visage heureux du gérant se ternit, comme si l'entente de ce nom le refroidissait plus encore que l'hiver cognant à sa porte.

- Vous désirez ?

Le client nota le changement soudain de sujet de l'homme, et sa bouche ne fit que s'étirer davantage.
La conversation promettait d'être intéressante.

- Un thé à la camomille, s'il-vous-plaît.

Il n'avait pas vraiment faim, ayant avalé un sandwich assez consistant dans le train auparavant. Seulement, le temps l'avait plus ou moins forcé à s'arrêter dans le premier établissement sur son chemin avant de rejoindre son hôtel, bien plus loin dans la ville.
À vingt-deux heures passées, ce fut une aubaine d'en trouver un encore ouvert.

Le serveur s'empressa de rejoindre la cuisine, soudain impatient de fausser compagnie à sa nouvelle rencontre.

Sa curiosité le rattrapa néanmoins bien vite, puisqu'il ne put retenir la question de sortir lorsqu'il déposa sa commande à l'étranger.

Le Manoir - TS JunhaoOù les histoires vivent. Découvrez maintenant