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Un silence. Un instant, une plainte de ciel.

Les mouettes étaient toutes parties rejoindre le soleil. Ses rayons brûlaient le sable et nos peaux d'un feu nouveau; et je me demandais si Maman n'avait pas allumé plus que l'allumette, plus que son corps, le nôtre ou la maison, si elle n'avait pas, dans son dernier cri de flamme indicible, mis le feu au ciel, au monde, au soleil en lui-même.
Je voyais tout sous le prisme de cette rage de feu, et j'entendais plus que jamais la plage crier.

Lorsque j'essayai, après des heures, de me lever, de m'éloigner de la plage, de papa, de l'incendie qui me collait à la peau, je ne pus passer la barrière. À chaque fois que je mettais un pied sur les pavés qui marquent le début de la ville, de la vie, je me sentais marcher sur des braises criardes et tombais en arrière, tenant mes jambes à des kilomètres de moi.

Je voulus voir Papa, lui demander de l'aide, lui demander qu'il noie le monstre vorace et redoutable qui lui avait explosé dans le ventre et me sorte de l'eau mais ne le trouvai pas. Je crus qu'il n'était plus, que je n'étais plus; il me semblait qu'il n'y avait plus rien que la mer, la mer qui embrasait le sable sous l'œil du ciel cramoisi.

Enfin, j'ébauchai sa silhouette au loin, entre deux vagues, me levai, trébuchai jusqu'à lui.

Il avait enterré sa chemise sur le bord, la mer commençant déjà à l'avaler.

Je l'appelai mais ma voix est brûlée, je ne parlais plus la langue de l'air ou du monde, je parle les flammes. Il se retourna, me regarda, le visage calciné par la culpabilité.

"Ta Maman est là-bas!"

Et je ne sais pas à qui il parle.

Il regarde quelque chose dans les vagues, fixement, il regarde la lumière bleue qui apaise ses yeux et ses mains rouges, comme il l'avait fait tout à l'heure, le point focal où se joignent sa vie et sa mort et sa peur et sa rage, l'espace où la violence du monde absout la sienne; il regarde ma mère qui nage, ma mère lorsqu'elle est belle.

"Je vais la chercher. Je suis désolé."

Et il répète ses excuses en boucle, comme une prière ou un testament, jusqu'à ce qu'il s'enfonce dans l'eau et que l'eau s'enfonce en lui. Les rayons du soleil le flamboient et il nage à corps perdu. Je ne dis rien; j'hoquète, je regarde mes parents s'unir dans l'onde, je regarde la mer qui noie mon père d'une mort nouvelle.

Mon corps tombe contre le sable et mon esprit s'endort.

Maman est morte une nuit de JuilletOù les histoires vivent. Découvrez maintenant