Chapitre 3 - Les grands esprits se rencontrent

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Publié le 14 février 2021

1621 mots

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Je m'étais attardé un long moment au bar de l'opéra, après la représentation. Ce n'était pas très raisonnable, en vérité : il commençait à être tard, et nous étions en plein milieu de la semaine. Mais ça faisait aussi un moment que je ne m'étais pas sentie aussi bien – entourée de gens que j'aimais, une coupe de champagne à la main, et toute la pression de mes épaules enfin dissipée.

J'étais reconnaissante envers ma tante de m'avoir convaincue de venir ce soir. Il y avait des tas de bons côtés à connaître la directrice de l'opéra, et l'un d'entre eux était qu'elle me conseillait toujours les meilleurs spectacles. J'étais venue avec mon amie Marika, et nous avions passé une excellente soirée, qui était malgré tout sur le point de se terminer.

Bien sûr, au moment de saluer mon oncle, je n'avais pas pu m'empêcher de repenser à Cassandra – cette idiote de nerd avait tendance à envahir régulièrement mes pensées, ces derniers temps.

Depuis notre premier échange, elle avait essayé plusieurs fois d'engager la discussion, allant même jusqu'à m'envoyer son CV par mail. Mais j'avais pris une décision et je m'y étais tenue : hors de question de lui accorder de l'attention. Ça ne servirait qu'à l'encourager.

Enfin, ça, c'était la théorie. En pratique, Cassandra était d'une diabolique ingéniosité, et elle apparaissait toujours à des endroits inattendus. La semaine qui venait de s'écouler avait pris les allures d'un immense jeu du chat et de la souris, avec, des rebondissements si incongrus que je m'en amusais malgré moi. J'avais presque apprécié la voir surgir dramatiquement du box de ma jument avec plusieurs brins de paille dans les cheveux.

Presque, parce que notre relation reposait tout de même sur une histoire de chantage.

Certes, Cassandra occupait une place importante dans mes pensées, mais ce n'était rien à côté du pétrin dans dans lequel j'étais. La perspective d'assumer publiquement mon identité d'autrice érotique me terrifiait.

J'avais même hésité à en parler à Grand-Père.

Je ne tenais pas vraiment à lui dire à quoi étaient consacrés mes loisirs, mais de toute ma famille, c'était celui qui était le moins susceptible de les condamner. Après tout, ses frasques sexuelles étaient de notoriété publique, depuis son premier divorce. Il fallait remercier son ex-épouse à ce sujet. Prise d'un désir de revanche, elle n'avait pas hésité à dévoiler tous ses écarts à la presse à scandale – ça avait bien été la peine d'acheter le silence des syndicalistes !

Je fus arrachée à mes pensées par ma tante, qui était sur le point de partir.

« Je vais y aller, fit-elle en m'enlaçant, mais on se voit dimanche chez ton Grand-Père ?

– Évidemment, tantine, je ne manque jamais son brunch dominical. »

Marika tira légèrement sur mon coude, tandis que les au revoir se prolongeaient.

« Tu crois que je pourrais me faire inviter au brunch, moi aussi ? Chuchota-t-elle.

– Il faudra que je te briefe avant, alors. »

Je n'arrivais même plus à croiser son regard : elle avait les yeux englués à la silhouette athlétique de mon cousin – ou, pour être plus précise, elle était absolument fascinée par la façon dont son pantalon lui moulait les fesses.

Elle s'en détacha à regret, pour m'adresser un regard de reproche.

« Tu trouves que je ferais tâche dans ta famille ?

Piégée par la nerd [terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant