Chapitre 2 : Le doux rêveur

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A quelques lieux de là, au centre du pays, un garçon lit dans son lit en attendant le sommeil. Il a sur lui une accumulation de couvertures en laine recouvertes par une fourrure animale brune. Le feu qui crépite dans la cheminée maintient la pièce à une température agréable. Un serviteur passe régulièrement pour ajouter des bûches avec un pas qui se veut le plus discret possible. Mais l'enfant trop absorbé par sa lecture n'y prête gère attention. C'est un rêveur. Il aime les romans de capes et d'épées. En réalité, il ne fait que s'en servir pour diluer son intérêt. Il sait que ces écrits ne sont que fictions.

Un jour, on lui a raconté l'histoire d'une ombre mystérieuse errant comme un fantôme dans la forêt de pin du nord. Cette légende est devenue la cause de sa fascination. Depuis, il ne rêve que de s'y rendre. Loin d'être poltron, il ne songe qu'à l'aventure. Plus jeune, il avait exposé son désir à sa mère. Celle-ci ne l'avait pas pris au sérieux. C'est pourquoi dès qu'il eut dépassé la barre des dix ans, il fit mine d'avoir renoncé. Seul son cadet, trop jeune pour le critiquer, connaissait ses projets.

Des années durant, il se renseigna habilement sur diverses choses comme l'orientation ou encore l'exploration. Il recueilli progressivement tout le matériel et les informations qu'il souhaitait. Mais quand il eut terminé il ne put se résoudre à s'en aller à l'insu de tous. Il resta donc presque 10 ans jusqu'à ce que, malheureusement pour lui, il devienne orphelin de ses deux parents. Tous deux étaient morts à quelques années d'écart de raisons différentes mais tout aussi saugrenues. Il fit son deuil et rétablit l'ordre autour de lui, mais devant la pression de son entourage qui voulait sacrer au plus vite le prochain monarque, il ne tînt plus. Il confia à son frère les pleins pouvoirs et signa un parchemin qui promettait son abdication dans le cas où il ne reviendrait pas d'ici deux mois. Presque dans la foulée, et sans consulter personne, il sella son cheval et franchit le pont levis.

Quand il se retrouva enfin seul, il se laissa enfin aller et lâcha quelques larmes qui gelèrent emportées par le vent. Il repensa à tout ce qu'il s'était passé ces derniers mois, puis, soulagé, il profita du paysage et galopa pendant des heures le soleil dans le dos.

Son voyage dura plusieurs jours, bien que les conditions ne soient pas des plus plaisantes, il ne s'en plaint pas. Peut-être même n'en était-il pas conscient tant il était déterminé. Peu importe le froid, il ne frissonna pas de tout son périple, excepté une fois. En effet, malgré tout ce qu'il avait imaginé, l'entrée de la forêt lui fit une forte impression et il tressaillit avant de s'y engager. Le cheval agitait les oreilles dans toutes les directions, mais avançait bravement. Il sinua ainsi, au pas, dans la forêt pendant plusieurs heures. L'animal était attentif au moindre son. Il écoutait les oiseaux chanter, la neige dégringoler des arbres, le bruit de ses propres pas qui crissent dans la neige ... Soudain, une brindille craqua et le cheval partit au triple galop. Au même instant trois loups de la taille d'un homme surgirent pour le courser. Le cavalier n'avait plus aucun contrôle sur sa monture, aussi bien dans sa vitesse que dans sa trajectoire. Tout ce qu'il pouvait faire c'était se mettre en levée pour lui faciliter le travail. C'était peine perdue. Un loup mordit le postérieur de l'étalon qui trébucha. Le jeune homme fit un vol plané et atterrit au sol en se frappant la tête contre une racine. Il s'évanouit.

Il reprit connaissance une dizaine de minutes plus tard. Son visage était froid, gelé même. A quelques mètres, on entendait des bêtes manger goulument. Sa tête lui faisait mal. Il se redressa péniblement et se tourna vers la meute. C'est là qu'il la vit. Elle se trouvait debout devant lui. Elle aussi l'observait silencieusement. Elle était belle. Elle s'avança un peu, s'accroupit et observa les traits du garçon. Elle était fascinée, il n'y avait aucun doute.

- Comment t'appelles-tu ? demanda-t-il en sentant son cœur s'emballer.

Il regretta immédiatement la question qu'il venait de poser. Il la pensait vaine puisqu'elle ne pouvait pas être comprise. Mais contre toute attente il obtint une réponse :

- Ivy.

- Pardon ? répliqua-il confus.

- Je m'appelle Ivy, et toi ?

- Thomas.

Il sembla ne voir qu'elle jusqu'à ce qu'un animal passe près de lui, la gueule dégoulinant de sang. Thomas se crispa, mais le prédateur l'ignora et alla s'allonger un peu plus loin. Après s'être rassasiés, tous les autres firent de même. Alors Thomas se leva et observa la carcasse de celui qui avait été son compagnon. Il savait que c'était la loi de la nature, et fit de son mieux pour ne pas s'en attrister. Il chassa tant qu'il pût ces pensées de son esprit et se considéra plutôt chanceux d'être toujours en vie.

Au Milieu Des Loups Du Nord Où les histoires vivent. Découvrez maintenant