"le déclin et la déchéance„ [dazai, atsushi]

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Le jour déclinait sur la ville portuaire de Yokohama. Les rayons du soleil embrasaient les bâtiments de leur lumière orangée tandis qu'au sol, les ombres s'agrandissaient, se propageaient. Dans moins d'une heure, il ferait nuit sur la ville de Yokohama. La nuit, le territoire de la mafia.

Dazai Osamu fixait le soleil qui disparaissait lentement au loin, laissant ses pensées divaguer. Le monde de la nuit. Ce monde qu'il avait en partie quitter lorsqu'il s'était retiré de la mafia. Mais ce monde dans lequel il avait toujours un pied.

Le jour déclinait, emportant avec lui la raison de l'homme. Il devenait fou, et le pire résidait dans le fait qu'il le savait. Il sentait la folie le gagner, amenant vague de doutes, de peur, de haine et de colère refoulées, de tristesse. Son lot de regrets accompagnait ce mélange. Et tandis que tout cela le gagnait, le possédait, tout ce qu'il était devenu était emporté loin de lui.

À mesure que le jour déclinait, Dazai se sentait sombrer. Il oubliait toutes ses résolutions, toutes ses décisions, tout. Qui était-il ? Il ne savait plus. Une âme errante sans doute.

Il aurait dû mourir. Depuis longtemps déjà. Il n'était rien de plus qu'un homme malfaisant qui apportait le malheur. Il ne faisait que faire souffrir les autres. Le monde entier le détestait, et il lui rendait bien. Il détestait ce monde, il détestait cette vie dont il ne voulait pas.

Mourir. Mourir mourir mourir mourir mourir mourir mourir mourir mourir mourir mourir mourir mourir mourir mourir mourir mourir. MOURIR. Il voulait juste mourir. Il se mit à répéter ce mot, cette ambition. De plus en plus vite, de plus en plus fort. De plus en plus fou. Sa raison déclinait à mesure que ces cris s'intensifiaient. Il se mit à rire, à rire encore et encore face au soleil couchant. Un peu plus fou à chaque seconde.

Et puis il se stoppa. Sa voix se tut, son corps cessa de gesticuler au rythme de ses éclats de rire fous. Deux bras fins entouraient sa taille. Un poids contre son dos se serrait contre lui. Dazai cligna plusieurs fois des yeux. Ses bras retombèrent lourdement près de son corps. Sa bouche se referma. Lentement, une à une, les larmes se mirent à rouler sur ses joues. La folie dans son esprit déclina à son tour, laissant place à sa raison revenue.

La prise autour de sa taille se resserra. Avant de se relâcher. Le corps dans son dos s'écarta et Atsushi apparut dans son champ de vision. Le garçon s'assit à côté de Dazai avant de l'attirer contre lui. L'homme aux bandages se laissa faire. Son visage enfoui dans le cou du plus petit, il pleura, encore et encore. Ses mains serraient la chemise blanche, s'accrochant aux vêtements de son subordonné comme à une bouée de sauvetage. Il sentait les mains d'Atsushi glisser dans son dos et dans ses cheveux. D'apaisantes caresses.

Dazai pleura longtemps, ainsi serré contre le garçon. Il ne réussit à se calmer qu'au bout d'une heure. Le soleil avait disparu, la nuit était tombée sur la ville portuaire de Yokohama. L'obscurité avait gagné les rues, où seuls quelques éclairages publics permettaient de distinguer quelque chose. Dazai se redressa, sans pour autant lâcher les vêtements d'Atsushi. Il s'en voulait. Comme à chaque fois, la culpabilité le gagnait. Comment pouvait-il oser pleurer ainsi contre le garçon aux cheveux argentés. Le petit s'inquiétait toujours pour les autres, alors qu'il avait déjà bien assez de ses propres problèmes. Il n'avait pas eu une vie facile, pourtant Dazai lui ajoutait de nouveaux soucis. C'était... égoïste. Un léger sanglot le fit hoqueter. Aussitôt, la main d'Atsushi qui s'était arrêtée lui offrit une nouvelle caresse dans le dos.

- Je déteste t'inquiéter.

Sa voix était faible d'avoir trop pleurer. En plus d'être sur le point de se briser. Mais Atsushi fit comme si de rien n'était et lui offrit un sourire rassurant.

- C'est normal que je m'inquiète pour toi.

Il se souleva lentement et déposa un baiser sur les lèvres sèches de l'homme brun qui le fixaient de ses yeux rougis, avant de venir se blottir contre lui.

Depuis quand ses phases de folie étaient-elles revenues ? Il avait finalement réussi à s'en débarrasser. Dazai était un homme en déchéance. Psychologiquement comme physiquement. Ses tentatives de suicide, bien que toujours vouées à l'échec, étaient toujours plus nombreuses, toujours plus désespérées. Il perdait sa joie de vivre et l'entrain que tous lui connaissaient.

La déchéance d'un homme. C'était lui cet homme. Il se sentait tomber dans un abîme sans fond de ténèbres. Une chute bien pire que la mort.

Dieu qu'il voulait mourir ! Plus qu'il ne l'avait jamais voulu. Voir la pitié dans les yeux des membres de l'Agence, voir la mine inquiète d'Atsushi, tout ça le faisait souffrir. Tellement souffrir. Mais il ne pouvait rien faire. Il n'y arrivait pas. Alors il chutait, encore et encore. Entraînant avec lui les gens qui l'entourait et qu'il aimait.

Il était un homme déchu. À sa suite, il entraînait ceux qui comptaient tant pour lui. À commencer par Atsushi. Ce petit ange l'avait sauvé. Avait su calmer les souffrances intérieures de Dazai. Pour ça, l'homme lui en était reconnaissant. Mais à présent, il le faisait souffrir. Atsushi n'avait plus le même regard qu'avant lorsqu'il le regardait. Il était toujours plein d'amour, mais à cela s'ajoutait de la peur. Il s'inquiétait pour lui, et ça, Dazai ne pourrait jamais se le pardonner.

Il se leva. Puisqu'il était condamné à tomber, autant mettre fin à ses jours avant d'avoir atteint le plus haut point de sa déchéance.

- Atsushi. Je veux mourir. Ce soir. Maintenant. Je ne veux plus te voir souffrir. Je ne veux plus te faire souffrir.

Atsushi lui sourit et se leva à son tour. Il prit la main de l'homme dans la sienne et se hissa sur la pointe des pieds pour l'embrasser à nouveau. Une dernière fois.

- Mourrons ensemble, Dazai.
- Merci Atsushi. Merci pour tout. Merci.

even if i have to die for you || bungou stray dogsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant