Chapitre 1

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— Non... Ne vous inquiétez pas, madame Scallario. Il n'est pas question de renvoyer aujourd'hui même votre fille... Oui... Oui, en effet ses notes ont augmenté mais elle est toujours sous la moyenne... Bien entendu, ce sera pris en compte, cependant ce n'est pas assez pour masquer ce qu'elle a fait... Elle est en état d'ébriété.

Le proviseur Samson retire son téléphone de son oreille. C'est le genre gros combiné noir rutilant qu'on voit dans les vieux films d'action. Tout dans ce bureau fait vieillot. Le mobilier en bois vernis, le tapis persan, les chaises en osier, on ne peut pas dire que Samson vit avec son époque. Il me lance un regard derrière ses sourcils broussailleux alors que ma mère lui brise les tympans :

— J'arrive tout de suite !" Hurle-t-elle.

Les rougeurs montent à mes joues et ce n'est pas à cause de l'alcool que j'ai ingurgité. Je le trouve d'ailleurs déraisonnable de m'avoir convoquée seule. Comme s'il avait lu dans mes pensées, il lance à ma mère en me regardant dans les yeux :

— Alexia Dumont et Valentine Lambert ont également été prises en faute. Leurs parents sont déjà venues les rechercher... Bien madame.

Il repose le combiné en soupirant et croise les mains sur son bureau en bois. Le regard qui me lance était autant emprunté de colère que de résignation. Je n'arrive pas à le soutenir. Déjà parce que je le vois double et puis, il faut bien avouer que Samson n'est pas un mauvais bougre. Si j'avais déjà été à sa place, je ne me serai pas encombrée et je me serais virée :

— Nous allons attendre ici ta mère, Cora. Tu connais la procédure.

Avant qu'il ne me la rappelle, je sors des feuilles et ma trousse. J'entreprends d'écrire une dissertation sur mes erreurs, mes bêtises et mes excuses. Je m'applique parce que j'ai entendu les hurlements de ma mère et j'ai un peu peur. Mais, je ne suis vraiment pas en condition. Mes idées sont floues et je ne sais pas trop comment tenir mon stylo.

Tout ça, c'est la faute de Val. Elle a décrété qu'elle avait besoin d'un verre de rosé après qu'un de ses plans culs l'ait plaquée. Je ne savais même pas qu'un plan cul pouvait plaquer. Finalement, on a sifflé toute la bouteille.

Lorsque j'entends ma mère arriver, je tremble au point que mon stylo tombe par terre. Ses escarpins résonnent dans le couloir en marbre. J'entends la voix fluette de Marie-Josée, la secrétaire du proviseur, qui l'accompagne. Quand la porte s'ouvre, je tombe des nues. Ma mère a encore de la farine dans les cheveux et de la pâte à gâteaux sur les mains. Elle est cheffe traiteur. Son regard brun, semblable au mien, me fusille. Je me rapetisse sur ma place :

— Inutile de faire des esclandres ici. Entreprend Samson sachant de quoi elle est capable. Cora est encore un peu...

— Tu as de la chance que je sache ce que c'est de recevoir des coups de ses parents parce que je t'aurais bien giflée ! Me menace-t-elle.

Je frémis. Je sais bien que ma mère ne portera jamais la main sur moi. C'est une promesse qu'elle s'est faite dès qu'elle a appris qu'elle était enceinte. Elle l'a dit elle-même : elle sait ce que c'est :

— Installez-vous, Josepha. Propose Samson en désignant la chaise vide à mes côtés.

Je roule des yeux au ciel. Ma mère a tellement été convoquée qu'il a fini par l'appeler par son prénom. Je pense aussi qu'il est sous le charme. Ce n'est pas juste une artiste culinaire reconnue. Ma mère est une vraie beauté méditerranéenne avec sa peau halée, ses formes pulpeuses, ses yeux de biche et sa crinière de jais. J'ai hérité de ses yeux et de sa chevelure, mais j'ai la peau blanche et des tâches de rousseur comme mon père. Même s'il me manque chaque jour de ma vie, j'aurais préféré avoir une autre trace de notre filiation. Ses magnifiques yeux bleus par exemple ou son sens de l'humour :

— Vous... vous allez la renvoyer combien de temps ?" Demanda ma mère en contenant sa rage.

Samson me jauge de bas en haut. Je me recroqueville. Le regard de ma mère sur le côté ne me met pas plus à l'aise. Le proviseur passe la main sur ses cheveux blancs et éparses en soupirant :

— J'ai une autre idée. Propose-t-il. Nous avions convenu lors du passage en première de Cora qu'elle ne risquait pas l'exclusion si ses notes progressaient. Elle a tenu son cap mais ce n'est pas encore assez. Nous sommes un établissement d'exception et sa réputation entache la nôtre. Vous payez les frais d'inscription comptant, ce n'est plus suffisant.

Ma mère retire les morceaux de pâte sur ses doigts de manière frénétique. Je regrette mon comportement. Je l'ai mise en état de stress alors qu'elle en a suffisamment avec le travail. Samson prend une profonde inspiration en annonçant :

— Si Cora n'est pas majorée pour le prochain trimestre, elle sera renvoyée définitivement.

— C'est une blague ?! M'indigné-je.

— Cora !" M'arrête ma mère.

Je me calme mais je continue quand même :

— Ce n'est pas possible ! Vous voulez que je passe devant les premiers ? Devant Silvia, Ethan ? Vous savez que c'est impossible. Je n'ai pas 140 de Q.I. moi et puis...

Samson m'arrête avec un doigt. Je parviens enfin à retrouver un peu de tranquillité mais ma mère prend conscience du piège dans lequel il me fourre. Elle connait Silvia. Elle est première depuis la maternelle. Les études, c'est toute sa vie alors que moi, moins j'en fais, mieux je m'en porte. Samson répond :

— Je ne vais te jeter comme ça. Je te propose de participer à un système de tutorat.

— Vous pouvez m'en dire plus ? Demande ma mère, intéressée.

— J'ai l'intention de demander à un élève de terminale d'aider Cora dans ses révisions.

— Ce serait qui ? Fis-je méfiante.

— Ian Feller."

J'explose de rire. Il est hors de question que je passe plus de dix minutes en présence de Ian Feller. Je ne supporte pas son ton condescendant, ses manières puritaines et son arrogance.

Ian Feller, ce n'est pas seulement le premier dans toutes les matières et sur tout l'établissement. C'est aussi le président du conseil des élèves et il ne prend jamais le parti de ses camarades. Et bien entendu, Ian est le capitaine du club de lacrosse. Je vois que ma mère essaye de se rappeler quelque chose que je lui aurais dit à propos de Ian. Mais, je l'ignore beaucoup trop pour lui en parler. Samson lui explique alors qui il est. Les yeux de ma mère se mettent à briller :

— Ce serait merveilleux ! Je suis certaine que Cora peut y arriver.

— Maman, je...

— Ce n'est pas comme si je te laissais le choix. Ce garçon semble sérieux. Si monsieur Samson croit en lui, alors moi aussi.

— Je ne suis pas une...

— Si vous mettiez autant d'ardeur dans vos études que dans vos frasques, vous pourriez y arriver, Cora. Soutint Samson.

Mon regard passe de l'un à l'autre. Hagarde, je tente un énième argument mais, le visage de mon père apparaît dans ma tête. C'est lui qui voulait que j'intègre cet établissement. Il aurait adoré me voir à la cérémonie de remise de diplôme. Il a tout fait pour que nous puissions nous payer ce lycée. Je hoche la tête en regrettant mon choix.

*

Bonjour à tout.e.s  ! Me revoilà avec une nouvelle histoire ! Il s'agit d'une romance de lycée ! J'espère qu'elle vous plaira ! Likez et laissez un commentaire pour me dire ce que vous en pensez :) 

Bises Silver

Sweet TeacherOù les histoires vivent. Découvrez maintenant