— C'est vraiment dégueulasse qu'il t'oblige à faire ça ! S'indigne Valentine.
— Nous, on a juste une semaine de renvoie ! La soutient Alexia.
J'observe leurs têtes dans mon cellulaire. Mes deux meilleures amies sont punies aussi chez elle. Sauf que ceux sont des immenses villas avec un complexe spa pour l'une et une piscine à vague pour l'autre. Je hausse les épaules alors qu'elles proposent d'interpeller le conseil des élèves sur l'injustice que je subis.
Je ne leur ai pas dit que Ian Feller doit être mon tuteur. Et puis, Alexia et Valentin ne savent pas combien mon dossier scolaire est plus rempli que le leur. Alexia n'a jamais eu ce genre de problème d'ailleurs, elle n'a pas bu une goutte et c'est grâce à elle qu'on a retrouvé le chemin du lycée.
Quant à Valentine, elle fait partie du top 10 des élèves de notre promotion. Elle a déjà été repérée par des supers universités. Je comprend que Samson ne leur ai pas portées autant d'attention qu'à moi. Et je devais bien dire qu'un cas comme le mien méritait le renvoi définitif depuis longtemps.
Alors que j'ouvre la bouche pour répliquer, ma mère entre en trombe dans ma chambre. Je déteste quand elle fait ça sans toquer. Je veux répliquer mais Lolita est entre ses jambes. Je refuse de donner le mauvais exemple à ma petite sœur. Elle serre sa peluche lapin contre elle en se dandinant. Ma mère tend la main en me fusillant du regard :
— Portable, ordinateur, tout ça dans le coffre-fort de ma chambre. Ordonne-t-elle.
— Et pour réviser...
— Tu utiliseras mon ordinateur et ceux du lycée. De toute façon, les livres favorisent la concentration.
Elle a ce sourire de peste que je déteste. Je n'ose pas imaginer quel genre d'adolescente elle a été mais sûrement une pire que moi. Les yeux larmoyants de Loli passe de l'une à l'autre. Ma mère a encore de la chance qu'elle soit présente. Je soupçonne même qu'elle l'ait amenée exprès pour m'empêcher de parler.
Je lui tends mon portable sans faire l'effort de me déplacer. Loli gambade jusqu'à moi. Elle aborde un grand sourire en prenant mon portable. Alors qu'elle le rapporte à notre mère, elle fait mine de téléphoner à sa grande amie Kitty ce qui nous tire à chacune un sourire :
— Bien. Conclut ma mère. Tu peux venir manger.
— Je suppose que ce n'est pas un plat de ton entreprise. Répliqué-je.
— Tu crois que tu le mérites ? Pâtes au beurre et si tu n'es pas contente, tu iras dormir le vendre vide.
Elle sort en reine de ma chambre avant de revenir avec un grand sourire :
— Bien entendu, tu es privée de sortie.
— Maman ! M'indigné-je en sautant sur place.
— Il y a un problème ? Demande Loli de sa petite voix me calmant immédiatement.
— Aucun trésor. Tu vas être contente : Cora va passer ce samedi soir avec toi. Ça faisait longtemps ! S'émerveille ma mère.
— Trop biiiiien ! S'exclame Loli en courant pour m'embrasser.
Je n'ai pas le courage de la décevoir. Elle s'est déjà beaucoup trop plainte de mes sorties. Mais, ce n'est pas de ma faute. J'ai besoin de ma vie sociale. Et ce samedi soir justement, c'était la soirée de début d'année de Dom. Ce devait être le début d'un marathon de fêtes jusqu'à la fin de l'année :
— Viens manger ! Hurle ma mère.
Nous vivons dans un grand loft en plein centre-ville. Tout comme mon inscription au lycée, mon père s'est arrangé pour que l'on ait toujours un toit sur nos têtes. Je prends mon assiette sans masquer mon dégoût et vais m'installer devant la télévision. Mais, ma mère a pris aussi la télécommande et s'empresse de mettre un documentaire ennuyeux sur les gnous du Botswana.
Heureusement que nous avons une vue unique sur l'upper East Side de Manhattan, encore en effervescence à cette heure. J'admire les buildings, les gratte-ciels en verre qui cohabitent avec ceux en fer noir et d'autres plus anciens en briques rouges, l'immense parc qui s'étend au-delà alors que Loli me raconte en détails sa journée en maternelle :
— C'est bon les pâtes. Conclut ma soeur. J'aime beaucoup et toi, Cora ?
— C'est dégueulasse.
— Cora. Une sortie en moins. Lance notre mère depuis le comptoir de la cuisine où elle est vissée à son portable.
— Ah ! M'exclamé-je faisant sursauter Lolita. Parce que tu comptais m'en accorder une ?
— Plus maintenant.
— Après, lancé-je en reprenant ma place sur le canapé, c'est pas de ma faute si tu ne fais d'effort pour ta famille.
Je sens son regard qui me foudroie mais ne me retourne pas. Cette discussion, on l'a déjà eue mille fois. Mais, vous réagiriez comment, vous, si votre mère était l'une des cheffes cuisiniers les plus reconnues du pays et que vous n'aviez que des pâtes au beurre pour le soir ? Je sais qu'elle est beaucoup trop fatiguée pour nous refaire les plats incroyables qu'elle fait au travail. Mais, elle pourrait penser à nous prendre des restes avant de partir.
Je finis mon assiette et la mets quand même dans le lave-vaisselle. Si je ne le fais, je risque de déclencher une guerre nucléaire :
— Tu devrais commencer à réviser. M'annonce ma mère. Tu rencontreras Ian demain. J'ai déjà vu avec lui et il te prendra une à trois heures par jour.
— Mon cerveau va exploser !
— Pour une fois !
Je roule des yeux au ciel. C'est toujours ainsi avec ma mère. On s'aime du plus profond de notre cœur. Mais, on n'arrête pas de se disputer. En fait, ceux sont plutôt des piques en permanence. La plupart du temps, c'est juste des petites blagues entre nous. Sauf que là, je sais que je dépasse ses limites.
En soi, c'est une mère plutôt cool. Jusqu'à cette année, elle me laissait faire tout ce que je voulais. Et, j'en étais heureuse. C'est sa façon de compenser la perte de mon père. Mais, je suppose que je suis allée trop loin. Elle m'a déjà dit qu'elle ne voulait pas entendre parler d'alcool et de stupéfiants. Même si je ne me refuse jamais un petit verre en soirée, je fais toujours en sorte qu'elle ne le sache pas.
Assez honteuse, je prends ma douche. J'ai l'impression que l'eau lave aussi ma bêtise. Mais, je tombe des nues quand j'aperçois le portable de ma mère sur la vasque. Elle me l'a laissé pour que je regarde le message.
de Ian Feller à 21h05 : D'accord, madame. Dites-lui bien d'apporter son manuel de biologie. Nous commencerons par cette partie du programme. En vous souhaitant une agréable soirée. Ian F.
Je soupire en roulant des yeux au ciel. Ian Feller n'est pas seulement protocolaire. C'est un vrai lèche-botte. Je sais qu'il est capable de dénoncer ses camarades pour se faire bien voir du corps enseignant. Mais, ce n'est pas la peine de faire de la lèche à ma mère. Elle ne pourra rien pour son dossier.
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Sweet Teacher
Teen FictionCora, 16 ans, déteste l'école. Elle est pourtant élève dans un prestigieux lycée. Après un énième rappel à l'ordre, elle fait un pacte avec le proviseur : si elle devient première de sa promotion pour le prochain trimestre, elle n'est pas virée. Po...