3. Vérité

158 16 4
                                    

3. Vérité

11 :12, Fin mars 2015, Banque d'Amérique, Sacramento.

Pour Max, les choses commençaient à peine à rentrer dans l'ordre. Plus le temps passait, plus ses rencontres avec Juliette s'avéraient fructueuses. Ils tissaient ensemble les liens que le véritable tueur aux camélias avait brutalement coupés. Juliette et Max reprenaient à zéro. Tout le monde espérait revoir le bonheur refaire surface un jour où l'autre dans la vie du jeune-homme. Quelque part au plus profond d'elle, Madame Stryder espérait même une nouvelle belle-fille un de ces jours. Une femme qui serait capable de fermer les yeux sur les suspicions au nom de l'amour et accepterait de contribuer à la reconstruction de son fils. Max méritait son bonheur. Il faisait beaucoup d'effort pour y arriver. On lui avait acheté de nouveaux vêtements, une nouvelle voiture. Il était régulièrement visité par des psychologues et s'apprêtait même à déménager dans une ville voisine grâce à la somme astronomique que la justice américaine lui avait versé en dédommagements pour les trois années d'emprisonnement injustifiées. Voilà qu'il se retrouvait maintenant sur l'un des sièges d'une salle d'attente de l'une des banques les plus prestigieuses du pays pour y ouvrir un compte épargne et faire dégeler les anciens. Le fait de reproduire les gestes du quotidien était une « démarche nécessaire à sa nouvelle vie de citoyen américain et à sa reconstruction mentale », avaient affirmé les spécialistes tout en gribouillant sur leurs carnets à chaque fois qu'il avait eu l'occasion de leur parler. Selon eux, il devait être « libre de reprendre sa vie où il l'avait laissé et faire table rase sur le passé. ». Que de paroles bienveillantes qui pourtant paraissaient plus simples à dire qu'à appliquer. Devait-il se contenter d'oublier l'atroce souffrance qui l'avait atrophié de l'intérieur et pardonner à l'homme si inconnu qu'il soit, qui l'avait mis à l'ombre pendant tant de jours pour un crime qu'il n'avait pas commis ? Devait-il simplement oublier que le meurtrier sa femme pouvait à tout moment ressurgir dans sa vie et s'en prendre au reste de ses proches ? À Juliette? Vivre dans la peur et « laisser le travail à la justice » ? Ça, ce n'était pas de la justice. La justice, Max n'y croyait plus. Ce genre de choses n'arrivait que dans les films et Max n'appréciait que très peu de fictions. Max pensait simplement à ce qu'on lui avait appris en prison, un proverbe sur lequel il avait longuement médité pour ne pas tomber dans la folie et qui n'avait jamais eu plus de sens qu'aujourd'hui : « Chaque homme a sa passion qui le mord au fond du coeur, comme chaque fruit son ver. »*.

-Monsieur Stryder ?

Brusquement tiré de ses rêveries, le trentenaire releva la tête. Une jeune-femme flageolante et peu rassurée lui faisait face. Elle l'avait sans nuls doutes reconnu dans l'un des nombreux flashs infos que les principales chaînes d'infos du pays diffusaient en boucle depuis des semaines. Ils étaient d'autant plus fréquents depuis la réouverture de l'enquête.

-Monsieur Braun vous attend.

Il se surprit à lui sourire et déclara d'une voix hypocrite dont il n'avait jamais soupçonné l'existence :

-Je vous remercie, Mademoiselle.

Il se leva puis traversa le couloir tout en balayant les bureaux du coin de l'œil. Son attention fût attirée par une couverture brillante qui trônait sur un bureau déserté. La jeune-femme qui l'accompagnait s'empourpra.

-C'est...

-Ne vous inquiétez pas, je suis au courant de l'existence de cet ouvrage, je suis même convié à la soirée promotionnelle du prochain tome. L'auteur est un ami. C'est le vôtre ?

-Le mien, balbutia-t-elle honteusement avant de poser la main sur le volume.

-Très bon choix de lecture. J'espère que la version littéraire est aussi bonne que la réelle. Le principal c'est qu'elle vous ait plu, Mademoiselle... Linda, déclara-t-il en lisant le nom inscrit sur le badge clipsé à sa chemise. Puis-je vous l'emprunter ? J'ai laissé mon exemplaire personnel en prison.

Intimidée, Linda n'eut d'autre choix que de lui tendre celui qui se trouvait en sa possession et lui indiqua piteusement la direction à prendre vers le bureau de son supérieur.

-A bientôt Mademoiselle Linda. Peut-être aurons-nous l'occasion de nous revoir à cette fameuse soirée, qui sait ce que nous réserve demain, après tout

Et à cela intérieurement il rajouta : « Les amis d'aujourd'hui sont les ennemis de demain. »*

Le tueur aux caméliasOù les histoires vivent. Découvrez maintenant