Chapitre 28 - Cassiopée

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— Eh, tentais-je une première fois pour attirer son attention, eh, blondie ? Regarde-moi dans les yeux, continuais-je devant son absence de réponse.

Je n'étais même pas certaine que la blonde me voit réellement, que mes mots lui parviennent : un voile semblait s'être installé entre nous. Mais je décidais de répéter mes paroles une nouvelle fois, et alors j'en eus la réponse : oui. Je l'avais vu lorsque ses yeux s'étaient figés dans les miens et que j'y avais aperçu cette lueur qui animait ses pupilles bleues, celle qui me disait sans un mot que, oui, elle était là, qu'elle entendait, celle qui me suppliait de l'aider. Alors, je continue. Parce que je vois bien que, chacun de mes mots, chacun de mes gestes, avaient l'effet désiré : ils calmaient ma blonde. Même si mes mains tremblaient sans que je ne le réalise vraiment, même si j'avais les pensées embrouillées et que ma voix était fébrile, je prenais sur moi pour ne pas m'arrêter, pour continuer de lui murmurer des paroles rassurantes, de lui offrir un point d'ancrage dans la réalité alors qu'elle semblait s'éloigner un peu plus à chaque seconde.

En un murmure je lui intime de caler sa respiration sur la mienne, forçant alors mon rythme à être plus lent qu'habituellement. Je me retrouvais à prendre des inspirations exagérément longues et à pousser des expirations qui l'étaient tout autant. C'était un exercice difficile pour moi et je sentais mes poumons commencer à souffrir de cette respiration certes régulière mais pas du tout adaptée. Seulement, je ne m'arrêtais pas pour autant parce que je voyais bien que ça aidait la blonde à mes côtés, que ça l'aidait à se calmer : je le sentais à sa respiration qui se raprochait petit à petit de son rythme habituel. C'était littéralement un mal pour un bien : c'était Cassiopée qui s'éloignait de son rythme de respiration pour que Zoey retrouve le sien.

— Je.. elle m'a.. où..

— Chut,.. je t'ai pas demandé de me raconter ta vie, mais de te taire et de te calmer, compris ? elle marque une pause avant de reprendre, tu pourras me raconter tout ce que tu voudras quand tu ne seras plus en train de mourir, ok ?

Je ne comprenais pas ce qu'elle essayait de me dire et encore moins ce qui la poussait à vouloir prendre la parole alors qu'elle ne parvenait même plus à exécuter une tâche aussi simple que celle de respirer : ça me dépassait. Et j'étais dépassée par la situation. Alors, je continue de faire ce que je faisais parce que, jusqu'à présent et jusqu'à preuve du contraire, c'était une méthode efficace. C'était moi qui lui montrait l'exemple, c'était elle qui me suivait, c'était nous qui respirions ensemble comme si nous n'étions qu'une.

Un, deux. Un, deux. Dans ma tête, c'était un compte militaire qui s'écoulait, un compte des secondes aussi régulier que les tics et les tacs d'un métronome. Un, et j'inspirais, deux et j'expirais, suivie par la blonde. Il arrivait, par moment, que je m'éloigne de ce compte le temps de quelques secondes, le temps de rappeler à l'ordre la blonde qui laissait parfois sa respiration s'emballer de nouveau, qui laissait parfois ses se perdre et ses démons la gagner. Je n'avais aucune idée du cauchemer qu'elle avait pu faire, mais ça me semblait évident que c'en était un qui était à l'origine de son trouble, à l'origine de notre réveil brusque. Et, à en croire la terreur qui habitait ses pupilles bleues, celui-ci avait été terrible.

Alors que je sentais enfin qu'elle se calmait, alors que mes pensées affolantes me quittaient, je pris conscience que nos visages n'étaient qu'à quelques centimètres l'un de l'autre. C'est un constat qui me faisait sourire. Et, elle aussi, elle me souriait à son tour, certainement qu'elle en était venue à la même conclusion. Mais, dans ce monde, on n'avait jamais vraiment le temps d'être soulagé ou d'être un peu heureux, n'est-ce pas ? Alors imaginez quand c'est la fin du monde : c'est encore pire. Si je pense à ça, c'est parce que mes yeux se posent sur ces petites choses qui nous entourent. Ces quelques particules aux couleurs sombres qui volètent autour de nous, qui s'imiscent entre nos visages. Elles étaient comme entraînées dans une danse, soutenues et guidées par une brise trop légère pour qu'on puisse la sentir.

Particules grisâtres, noires pour certaines, qui vinrent se poser sur les cheveux de la blonde. Immédiatement, je levais ma main pour venir chasser les indésirées qui ternissaient la couleur de ses cheveux. Mais, en même temps que je faisais ce geste, mon cerveau, lui, sembla se réveiller et tout mon corps le suivit : tout en moi s'affola. En un instant, je m'étais retrouvée, avec regret, loin de ce moment de paix si rare pour moi ces derniers temps, loin de ce moment auquel je cherchais à accéder depuis si longtemps, mais qui faisait partis de ces choses qui me semblaient désormais trop belles, ces choses que j'avais arrêté de chercher. Pourtant, je devais bien l'avouer, depuis que Zoey avait rejoint mon voyage, ces moments étaient devenus plus nombreux : c'était comme si sa simple présence me suffisait. Elle avait brisé les barreaux de la solitude, m'avait sortie de cette prison infernale dans laquelle la fin du monde m'avait enfermée.

Mais, maintenant que j'avais été tirée de force hors de cet instant, mes yeux purent se poser sur un trou qui perçait le mur juste derrière nous, une ancienne fenêtre qui avait été dépouillée de son vitrage. Et ils se posèrent sur le paysage, sur ce que je ne pouvais pas voir avant que je ne me sois écartée précipitamment de celle qui me faisait face. Mes yeux s'écarquillent en même temps que les informations finissaient d'atteindre mon cerveau. Dehors, je ne pouvais même pas dire que le ciel était sombre parce que ça aurait été un euphémisme, celui-ci était complètement noir. Il n'y avait plus de soleil, plus de ciel, plus de nuages : tout se confondait, tout ne formait plus qu'un. Il n'y avait plus qu'un voile sombre qui était celui des mardis, celui qui me donnait vraiment l'impression que c'était la fin du monde. Et puis il y avait aussi ces particules, les mêmes que celles qui s'étaient coincées dans les mèches blondes de Zoey, et elles étaient partout à l'extérieur, volant elles aussi dans le paysage. C'était un énorme ballet qui s'offrait à moi et il était accompagné par un brouillard tout aussi sombre que le reste. Le jour des volcans venait de débuter.

Alors, je me penche doucement vers elle et, malgré l'empressement qui était nécessaire à notre situation actuelle, je pris le temps de déposer un baiser sur son front. Mes gestes se voulaient doux, lents, et étaient le résultat de ma tentative de cammoufler ma panique à ses yeux. Nous nous étions levées trop tard, c'était indéniable, mais en nous dépéchant nous pourrions certainement nous en sortir sans problème. Mais je ne voulais pas non plus que ma propre peur l'atteigne parce que je sentais qu'elle était encore fragilisée par sa récente crise d'angoisse.

— On bouge, l'informai-je simplement.

Seul survit l'AmourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant