Chapitre 2 - Cassiopée

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Je me trouvais encore assise sur l'une des branches hautes de l'arbre où je m'étais réfugiée, et j'essayais de me faire la plus discrète possible. Malheureusement, ma respiration était encore haletante à cause de la course que je venais de faire, ce qui ne me rendait pas la tâche aisée. Mes yeux suivaient le Téra qui venait de m'attaquer et qui s'éloignait à présent, sa démarche gauche me fit de la peine. Il avait beau avoir essayé de me tuer quelques minutes plus tôt, il était certainement le plus à plaindre de nous deux. " Téra " était le nom que je donnais aux personnes infectées lors de l'épidémie du sixième jour, ça signifiait " monstre " en grec. Ils avaient perdu bien plus que moi dans cette histoire parce qu'on leur avait pris ce qui faisait d'eux des humains. Je ne sais pas grand chose du mal qui les ronge, mis à part qu'il n'y a plus personne pour créer un remède ce qui les condamnent à une vie d'errance passée sous l'emprise de leurs hallucinations.

Je ne descendis de l'arbre qu'une fois assurée que le danger était écarté, ce qui faisait que j'avais dû rester une dizaine de minutes dans ma cachette. Cela avait été un temps suffisant pour que ma respiration reprenne un rythme normal. Alors que mes deux pieds touchaient de nouveau la terre ferme, je ne pus retenir un soupire de soulagement. Je devais bien avouer que je n'avais pas été très maligne cette fois, et il s'en était fallu de peu. Mais mon soulagement fut de courte durée puisqu'un cri déchira le silence, me faisant sursauter.

J'étais pétrifiée, incapable de faire un seul mouvement à cause de la peur qui s'était emparée de moi et, pendant ce temps, un dilemme s'était imposé à moi ; est-ce que je devais y aller ? Ou bien devais-je fuir ? Je ne savais pas sur quoi je pouvais tomber si jamais je m'y rendais. La personne qui venait de pousser ce cri pouvait être encore en vie, ou bien morte, mais dans ce second cas les Téras seraient probablement réunis autour de son corps et cela ne me laisserait pas beaucoup de perspectives de survie. Cette situation était similaire à la boîte de Schrödinger : on ne peut pas si savoir le chat est vivant ou mort avant d'avoir ouvert le carton dans lequel il était. Je décidais finalement de faire ce que mon humanité me disait et je me dirigeais vers l'origine du cri. Je me connaissais, et je savais que je m'en serais terriblement voulu si je n'avais pas fait tout ce que j'avais pu pour cette personne. La culpabilité était un sentiment traître et meurtrier.

Je marchais alors jusqu'à être proche d'une rivière, c'est seulement là que je stoppais mes pas et même si j'étais sûre que le cri venait de ce coin-là, je ne vis rien. Å la plus grande de mes surprises, je n'étais pas tombée sur une scène macabre digne des plus grands films. Mais ce constat ne suffisait pas à me soulager complètement ; la personne qui avait crié était certainement encore en danger. Je faisais en sorte de balayer du regard toute la zone lorsque mes yeux se posèrent finalement sur une masse dans l'eau. Il s'agissait d'une fille, et j'étais sûre que c'était elle qui avait été à l'origine du cri.

J'étais en train de me demander comment cette jeune fille s'était retrouvée dans l'eau, et comment je pouvais la sortir de là, quand des bruits étranges se firent entendre non loin de moi. Il s'agissait des échos de voix, ou plutôt des babultiements sans sens. Il ne me fallut pas plus de temps pour prendre conscience qu'il s'agissait de Téras, et ils étaient cinq. À ce simple constat, mon corps ne répondait plus qu'à la peur et à l'adrénaline. Des injures m'échappèrent parce que je n'avais pas beaucoup d'options si je voulais survivre et encore moins de temps pour me décider. Je m'élançais finalement en direction de la rivière, n'attendant pas plus pour sauter dans l'eau parce qu'il s'agissait de la seule solution. La seule en tous cas qui nous sauverait toutes les deux. Mais notre survie était basée sur une simple supposition ; que les Téras n'aiment pas l'eau ou ne savent pas nager.

J'attrape alors la jeune fille comme j'avais appris à le faire lors de mes stages de secourisme, et je vérifiais son pouls. À mon plus grand soulagement, elle était encore en vie et elle me semblait consciente, cependant elle était faible et j'allais devoir nager pour deux. J'avais remarqué une cavité sous la roche bordant la rivière, et je fis en sorte que nous puissions nous y réfugier le temps que le danger soit écarté. Je vis que la jeune fille était sur le point de parler et, pour l'en empêcher, je posais mon doigt sur sa bouche, lui intimant ainsi le silence sans le rompre. Je n'étais pas sûre qu'on soit complètement à l'abri des Téras alors autant faire en sorte qu'ils ne nous remarquent pas ; je préfère ne pas tester la véracité de mon hypothèse. Une fois assurée qu'elle avait compris mon message silencieux, je posais ma main sur la paroi parce que je voulais économiser mes forces. Mon autre bras entourait la taille de la jeune fille pour la soutenir, je ne voudrais pas qu'elle se noie parce qu'elle n'a plus assez de force pour nager.

J'étais à l'affut du moindre bruit, tendant ma tête et me tordant le cou comme si cela aurait pu m'aider à mieux entendre les bruits des Téras. Mais bientôt je n'entendais plus rien que le clapotis de l'eau. Ils n'étaient peut-être pas complètement partis, mais au moins ils étaient maintenant assez loin pour que je puisse prendre la parole sans trop de risques. Je restais cependant prudente, et je pris le soin de parler à voix basse. Puisque la fin du monde n'était pas une raison pour que je perde mes bonnes manières, je tournais la tête pour regarder mon interlocutrice.

— Je crois qu'ils sont assez éloignés pour qu'on puisse sortir, mais je préfère ne pas prendre de risques ; on va attendre encore un peu ici. T'imagines pas la chance qu'on a eu,.. à deux contre cinq.., malgré moi, j'avais laissé un rire nerveux m'échapper. Je n'avais pu m'empêcher d'imaginer la scène en même temps que j'avais prononcé ces dernières paroles.

Seul survit l'AmourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant