Dans les jeux de société, on peut sauter son tour quand on n'est pas prêt ou bloqué. J'aimerai bien faire pareil avec les jours. Comme ça, je pourrais sauter cette journée.
La femme qui sois disant s'occupe de moi et ne veut que mon bien mais qui m'a envoyé ici pour faciliter sa vie sans perdre d'argent, doit me rendre visite. C'est juste une visite pour ne pas paraitre une mauvaise mère aux yeux du monde exterieur. Cette femme est tellement égocentrique et manipulatrice qu'il m'est impossible de rester dans la même pièce qu'elle plus de cinq minutes. Je trouve que c'est déjà assez long. Bon j'arrête d'y penser.
C'est l'heure du petit-déjeuner. Je pense que c'est un des moments que j'adore dans mes journées, avec ceux du déjeuner et du diner. Je suis toujours la première à la cantine. La nourriture n'est pas du quatres étoiles mais je m'en contante. En générale quand j'y suis, il n'y a personne d'autre, en même temps, vu à l'heure à laquelle j'y vais, c'est compréhensible. Mais aujourd'hui annonce du changement. Alors que j'arrive dans la salle à manger, je remarque qu'il y a déjà quelqu'un. Mais qui se reveille à cette heure-ci ? Je m'approche pour voir qui a les même habitudes que moi.
Il est en train de se servir des céréales, mes préférées. Je continu de m'approcher doucement. Je pense qu'il m'a entendu parce qu'il a arrêté de bouger. Je réalise que ça ne peut être qu'une personne : le nouveau.
C'est évident, après tout, personne avant lui ne petit-déjeunait à cette heure-ci.
Je m'approche du self comme s'il n'était pas là. Seul le bruit des céréales dans le bol comble le silence de la salle. Je trouve même ce bruit gênant.
Je m'assois à une table près d'une fenêtre. La cantine donne sur un petit jardin délaissé. Cette vu m'hypnotise. Je trouve ce jardin magnifique comme il est. J'aimerai tellement m'y promener.
-J'aime bien !
Je sors de mes pensées et vois que le nouveau se dresse devant moi, son plateau en main, regardant en direction du jardin.
-Je peux m'asseoir ?
Je ne parle pas beaucoup aux gens de cet hôpital, ils ne sont pas comme moi. Je veux dire, je ne les comprends pas et vice-versa. C'est dur de parler à des personnes qui ne vous comprenne pas, très dur. Mais lui ne me parait pas comme les autres. Il me parait ... différent.
Bon je m'arrête là, on dirait un début de film romantique.
-Bien sur, dis-je avec un petit sourire.
Les minutes passent dans un lourd silence. Je n'ose pas lui parler. Que devrais-je lui dire ? Ici, quand on ne connait pas les gens, on ne leur parle pas, c'est une règle que je me suis inventé mais qui me semble vrai. Ici, chaque personne a un passé et une simple question peut les blesser.
-Tu t'appelles comment ? me demanda-t-il.
-Séa, et toi ?
-Théo. Tu es ici depuis combien de temps ?
-Hum ... assez longtemps je pense.
Le silence reprit sa place. Je ne sais pas quoi lui dire.
-On peut y aller ? me dit-il en regardant le jardin
- Non, on a pas le droit de sortir de l'hôpital
-Ca craint !
Il me fait sourire. Voilà sa différence. Personne ne m'a fait sourire depuis longtemps.
-Je parie que tu es déjà sortie, pas vrai ?
- Eh bien je n'aime pas rester enfermée
-Gagné !
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