SILVÅ । BTS

XVI. OMBRE.

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PLUIE PROVIDENTIELLE
KIM SEOKJIN

Juillet 2011
Séoul, CORÉE DU SUD

⠀Min JinHyuk avait compris à un très jeune âge que, pour bien des gens, la confiance naissait souvent de l'affection, et que beaucoup d'individus étaient intimement convaincus qu'un cœur pur mais incapable était plus digne de confiance qu'un esprit malhonnête et compétant.

⠀Cette prise de conscience l'avait frappé alors qu'il n'était qu'un enfant baissé au niveau d'un petit labrador blessé. La patte cassée, les yeux tombants, celui-ci tremblotait comme une feuille d'automne emportée par le vent. Le garçon l'avait soulevé avec douceur pour le glisser dans son parka et avait pédalé en priant pour que la petite bête ne souffrît pas trop longtemps sur le trajet. En rentrant, ses parents avaient couru dans toute la maison pour sauver le nouvel arrivant. Il avait alors fallu choisir un vétérinaire d'urgence : le Docteur B., quinquagénaire renfermé qui s'était occupé dans le silence de leur vieux chat quand celui-ci était malade, ou bien l'amie de sa mère qui venait d'ouvrir son cabinet et avait dorloté JinHyuk depuis sa naissance. Pour le petit garçon, le choix avait été évident : l'expérience du Docteur B. était parfaite pour cette délicate opération. Quelle ne fut donc pas sa surprise quand ses parents l'emmenèrent voir l'amie de sa mère.

⠀Ce jour-là, JinHyuk avait découvert que la raison et la logique, pour beaucoup, étaient rapidement balayées par les risées de l'affection lorsqu'une décision importante devait être prise. L'être humain n'accordait pas autant d'importance à qui était quelqu'un qu'à comment était quelqu'un ; bon ou médiocre, patient ou nerveux, vif ou lent, peu importaient les qualités d'une personne du moment que la relation que l'on entretenait avec elle nous convenait. Peut-être était-ce un moyen intuitif d'éloigner la discorde : mettre de côté son individualisme et ses exigences personnelles au profit d'un courant déjà existant. Ou peut-être était-ce une question d'ego ? Entretenue par le fait que nous préférions que l'autre nous renvoyât un reflet embelli plutôt qu'un reflet juste de nous-mêmes. Ou était-ce plus simplement par instinct de survie — aimer à condition d'être aimé, protéger à condition d'être protégé, croire à condition d'être cru ? Après tout, il est si naturel d'éprouver de l'affection pour quelqu'un qui vous admire. Il est si facile d'approuver les dires de ceux qui croient en vous. Chanceux sont ceux qui sont dupés, comparés à ceux qui se dupent eux-mêmes.
⠀Cela rendait le concept de confiance aisé à manier ; il n'était plus question d'être capable, de répondre à certaines attentes, de se surpasser — il suffisait de faire sonner sa corde au diapason de son interlocuteur, de se montrer amène, un peu crédule pour avaler la salade qu'il nous servait, de lui signifier que ce que l'on mâchait finissait toujours digéré, en sécurité dans le creux d'un estomac silencieux. Alors, un beau jour, le garçon décida de tourner cette faiblesse à son avantage. Mais pour comprendre comment, il fallait tout d'abord faire quelques pas dans son passé.

⠀La vie de Min JinHyuk avait toujours basculé les jours de pluie.
⠀La première fois qu'il avait manipulé un ordinateur, un extraordinaire orage avait grondé dans le ciel d'été, ouvrant avec fracas la saison humide de son bras lumineux. Lorsque sa mère avait chuté dans les escaliers en sortant de leur appartement, il avait pu être à ses côtés pour téléphoner aux urgences grâce à la pluie qui l'avait rendu malade. Par une nuit bruineuse, il avait trouvé, abrité près d'un conduit d'aération, ce chiot qui était plus tard devenu son meilleur ami. Et cela avait été en se réfugiant de l'averse dans une librairie qu'il avait découvert les travaux du mathématicien et ingénieur Claude Shannon*.
⠀À chaque fois que le jeune homme repensait à une journée dont l'impact avait été suffisant pour marquer à jamais ses courtes années sur Terre, ce souvenir était toujours mêlé de nuages, de vents et de larmes célestes. Sa naissance elle-même avait été accompagnée d'une pluie soudaine et torrentielle dont la puissance avait fait la une des journaux.