Tome 1: Jusqu'à ce que la mort nous sépare

Chapitre 24

Je m'attends à ressentir quelque chose, peut-être à me sentir partir. Retrouver un autre endroit ou tout simplement le néant. Mais il n'y a rien de tout cela. J'ose ouvrir un œil et constate que je suis toujours étendue au sol de la Salle du Trône, blessée. Pourtant, je remarque deux choses. La première, la luminosité. Tout est devenu plus clair, trop clair. La seconde, le temps s'est figé.

« Bonjour Lucrétia, intervient une voix familière. Je suis heureux de voir que tu as réussi ta mission. Je n'en ai jamais douté ».

Dès l'instant où il a parlé, mon corps s'est raidi. La douleur m'empêche de me redresser mais je parviens à tourner la tête. Il n'arbore plus cet aspect négligé qu'il avait la dernière fois que je l'ai vu. Aujourd'hui, il se tient devant moi, l'allure fière dans son costume blanc. Sa barbe est taillée, ses cheveux parfaitement coiffés, même ses traits semblent différents. Ses vêtements sont totalement immaculés et il fait presque tâche dans ce décor sanglant.

Face à lui, j'ai piètre allure. Mes vêtements sont déchirés et tachés de sang. Mes cheveux ont pris une teinte grisonnante à cause de la poussière et mon visage est noirci. Pour compléter le tout, j'ai une blessure mortelle dont le sang continue à s'écouler. Malgré tout cela, je ne suis pas morte. Ce constat me désarçonne complètement. Comment cela est-il possible ? J'étais censée disparaître en même temps que Lucifer.

« Pourquoi suis-je encore en vie ? je souffle. Je ne comprends pas...Lucifer est mort...je devrais...

- Tu es blessée Lucretia mais tu ne vas pas mourir, me répond mon créateur en souriant. »

Je le regarde d'un air perdu. Comment ça je ne vais pas mourir ? Il avait pourtant affirmé le contraire la dernière fois. Mon créateur m'a avoué qu'il savait que je devais mourir avec son fils, que s'il avait créé ce lien, ce n'est pas pour qu'il soit brisé. Je devais me sacrifier pour sauver le monde. Depuis tout ce temps, il me fait croire que je suis censée mourir pour tuer le Diable alors que c'est faux !? Une colère sourde commence à monter lentement en moi.

« Vous vous êtes moqué de moi ! je m'exclame.

- Disons plutôt que j'ai dissimulé une partie de la vérité. Tu aurais pu le deviner toute seule, tu sais.

- Comment ça ?

- Mon fils est mort car tu as utilisé la Dague des Archanges contre lui. Il me semble que tu n'es pas un Archange, rétorque Dieu avec un petit sourire moqueur ».

En cet instant, j'ai envie de lui arracher ce sourire de son visage, et peut-être les yeux. Tout chez mon créateur m'horripile à un point que j'ai envie d'hurler de rage. Je réfléchis à toute vitesse et comprends que ce qu'il dit est tout à fait logique. J'ai utilisé une arme qui tue les Archanges, ce que je ne suis pas. Pourtant, quelque chose m'échappe encore...

« Mais le lien, je reprends, il faisait que je ressentais tout ce que Lucifer ressentait et inversement.

- C'est exact. Je t'ai créé avec ce lien pour que tu puisses toujours retrouver mon fils. En vérité, je n'ai fait que le créer. Par la suite, il s'est développé tout seul. Cette connexion ne devait pas être aussi forte, m'avoue mon créateur.

- Mais pourquoi m'avoir fait croire que j'allais mourir ?

- Parce que c'était une possibilité. Deux scénarios pouvaient se présenter. Dans le premier, la destruction du lien t'emportait avec mon fils dans la mort. Dans le second, tu survivais. Moi qui ai l'habitude de contrôler les choses, je ne pouvais pas admettre que sur ce coup, je ne connaissais pas le dénouement de cette histoire. »