Chapitre 6 : Le poisson lune

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Cela faisait maintenant des jours.

Des jours que nous traquions une cible du BingoBook. Telle était notre première mission ensemble.

J’avais bien compris son sens du travail d’équipe, et avait bien vite comprit que cela lui tenait à cœur. J’avais même l’impression que cela cachait quelque chose de plus profond, que je m’étonnais à vouloir découvrir. La moindre petite chose devait se faire en équipe. J’avais remarqué que c’est à peine s’il supportait que je ne parte chasser le diner toute seule. J’avais presque l’impression d’être maternée, et cela contrastait bien avec le personnage qui m’avait froidement plaquée au mur. Plus j’essayais de le comprendre, moins je le comprenais. C’était un peu comme nager à contrecourant. On nage, on nage, mais l’on ne fait que reculer en risquant de se noyer. Et c’est ce qui était en train d’arriver alors que je m’étais laissé emporter ces derniers jours. Il semblait savoir où aller, disposait de plusieurs flairs à sa disposition. Si bien que je me demandais à quoi je servais. Je ne faisais que le suivre comme un chien, hormis le fait que nous suivions les siens. Et plus les jours passaient, plus je remarquais qu’à défaut d’aller à contrecourant de ma personnalité, je me laissais en revanche complètement emporter par le courant que laissait derrière lui le Kraken.  

Jamais encore je ne m’étais intéressée à quelqu’un, mais il fallait bien s’avouer que son indifférence était en train de noyer la mienne. Je ne savais pas réellement quoi en penser. J’essayais vainement de ne pas me poser trop de questions, et me contentait de vivre avec ce nouveau sentiment d’intérêt qui semblait arriver tout droit des abysses. Intérêt qui n’était pas partagé. Et c’était la raison pour laquelle je me débâtais dans ce courant qui m’emportait toujours plus loin de mon indifférence. 

Nous parlions peu depuis ce soir là. Il me semblait différent sans l'être pour autant, paradoxe du putain de cliché du ninja mystérieux qu'il était. Nous nous levions dès l’aurore pour garder l’avance que nous avions envers cette cible. Nous partagions les gardes de façon à être tout les deux en forme le matin. Je le soupçonnais à ne pas réellement dormir lorsque j’étais de garde. Peut-être ne me faisait-il pas véritablement confiance. Et le cerne que je voyais apparaitre toujours plus imposant chaque jour, me le confirmait. Comment pouvait-il me bassiner avec son fichu travail d’équipe si lui-même ne me faisait pas confiance ?

Cela m’agaçait. 

Je ne pensais depuis lors qu’à cela. Je voulais mériter sa confiance et me demandais bien comment je devais m’y prendre pour l’obtenir. Je m’étonnais moi-même désirer qu’il ne me porte ne serait-ce qu’un quelconque intérêt. Je pourrais me montrer insolente pour me faire une nouvelle fois plaquée contre un arbre ? C’était plutôt surprenant, peut-être même que j’avais apprécié quitter la mer ainsi. Mais ne risquais-je pas plutôt de lui inspirer du dédain ?

Cela m’agaçait.

Et m’agacer de quelque chose qui ne devrait pas m’agacer, m’agaçait encore plus. Je ne devrais que me concentrer sur notre mission, mais là encore, j’avais l’impression de ne servir à rien d’autre que de monter la garde la nuit alors même qu’il n’en prenait pas le temps de se reposer. Je n’avais alors comme unique occupation, que de suivre cette silhouette infatigable à travers les branches, en me demandant sans arrêt comment lui inspirer le même intérêt que je portais sur lui.

Perdue dans mes pensées, j’avais même oublié d’être un Shinobi. Analyser le terrain est l’une des choses que l’on apprend en premier à l’Académie. C’est quelque chose d’assez facile et sous peu que nous ayons un professeur pédagogue, cela est même amusant. J’étais plutôt bonne dans cette matière. Je dirais sans aucun doute qu’au milieu de cette indifférence, c’était peut-être la seule qui m’intéressait. J’aimais par-dessous tout quitter ces quatre murs et partir en extérieur analyser les effets de la météo sur l’environnement. Pourtant, voilà que le craquement d’une branche sous mes pieds m’avertit qu’elle était peut-être trop abimée par la sécheresse pour soutenir mon poids additionné à la force de mon chakra.

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