La paix

De Ma Tête À Ta Gueule

Dans la chambre, Yolker profitait du calme. Il regardait les affaires de bureau qui n'étaient pas comme les siennent, le lit de fille sur lequel gisaient quelques peluches, les bouquins qui n'avaient rien à voir avec ses lectures... Une chambre différente. Et il se demandait comment vivait la personne qui vivait là. Pas que ça l'intéresse vraiment, c'était juste une pensée qui traversait son esprit, comme beaucoup d'autres pensées qui se bousculaient dans sa tête, et qu'il n'aimait pas. À tout ce a quoi il pouvait penser là, maintenant, il préférait penser à ce genre de bêtises. Il regardait l'escargot qui glissait lentement sur le rebord de l'autre côté de la fenêtre, se remémorant la conversation sur les gastéropodes complètement allumée qu'ils venaient d'avoir, et il rit doucement.
Et puis soudain il entendit la porte. Il se retourna d'un bond, un peu coupable d'être dans une pièce où, sans doute, il n'était pas censé se trouver.
Il se détendit tout de suite en voyant Gibsou, entrer et fermer silencieusement derrière lui.

- Ha, c'est toi ! Dit Yolker sans trop élever la voix. Tu m'as fais flipper, sérieux ! J'ai crû qu'c'etait-

- Graph? Le coupa Gibsou.

- Non, Yura. Objecta Yolker piqué au vif. Pourquoi j'aurais eu peur que Graph me prenne en flag de matter par la f'netre de la chambre de j'sais pas qui ?

- Laisse, laisse, pour rien. Répondit-il dans un léger rire. Pour rien j'te jure.

Yolker se détendit et se retourna pour regarder l'escargot suivre son bonhomme de chemin. Pourquoi trouvait-il ça si passionnant, allez savoir.

- Tu t'isole ? Demanda-t-il. Ils sont crevant hein !

- Hm.

- Sérieux, j'les r'tiens avec leur réunions là, d'ja, Lara, Charlie et Thanatos qu'est-ce qu'ils font là ?

- Hm.

"Hm."? C'est quoi ces réponses à la con. Yolker aimait le calme quand il était seul. Mais avec Gibsou seul avec lui, le silence l'agaçait. Il fallait combler le vide. Alors il se mit à râler sans y croire.

- Ouais, j'veux dire, ils font pas partit du staff ! C'est censé être une réu de staff ! On a fait que d'parler d'truc à la con, des gastéropodes de merde là, alors que j'croyais qu'on d'vait taffer, mes couilles ouais ! C'comme ton énigme à deux balles, j'ai pas compris, j'ai cherché, he. J'ai cherché, vraiment, j'ai pas trouvé, et ça m'pête les c-

Il s'interromput en voyant les mains de Gibsou se poser sur le rebord de la fenêtre, de part et d'autre de lui, et en sentant sa chaleur dans son dos. Puis il sentit son souffle près de son oreille.

- Toi. Dit Gibsou. Celui qui est rouge qu'il voit Graphnir ou moi...

Yolker se retourna aussitôt.

- Qu'est-ce tu fout ? Haaa, c'est encore ce truc de Graph et moi. Ha Ha. Hilarant. Génial. Non mais en plus t'es même pas crédible, t'es plus p'tit qu'moi ! Mate ! T'es ridicule ! On dirait un minimoys ! Bon aller, c'est bon. Dégage...

Yolker repoussa Gibsou, et celui-ci se laissa faire.

- Faut arrêter avec Graph et moi là. J'sais qu'c'est pour déconner et tout mais plus ça va, moins c'est drôle.

- Je disais pas ça pour rire. Répondit Gibsou.

- Hein ?

Yolker regarda Gibsou. Celui-ci regardait ses pieds d'un air las et sérieux, une main toujours en suspens sur le bord de fenêtre.

- Tu t'en rends pas compte, poursuivit-il, de ta tête. La gueule que tu fais.

- Hé ba ? Quoi ma gueule ? Nan, t'sais quoi ? Ferme la tienne.

Yolker commença à partir, mais Gibsou continua.

- J'voulais qu'tu l'sache. Ça crève les yeux, tout l'monde l' a vu !

- Mais vu quoi ! S'enerva Yolker. Y'a rien à voir, ferme ta gueule !

- Quand tu vois Graph-

- J'ai envie d'lui pêter les dents !

- Tu rougit comme une crevette chaude et tes yeux brillent !

- Pas du tout !

- Si, arête ton char, j'te dis qu'tu trompe personne !

- Putain...

Yolker se passa une main tremblante sur le visage. Il n'était pas du genre à "vraiment" s'énerver. Il avait le sang chaud, il était crû et insultant dans la deconnade, il faisait le mec vénère la plupart du temps mais il ne s'enervait jamais "vraiment".
Là, il en a avait juste marre.

- Vous pouvez pas juste me foutre la paix..?

- Ouais bah... Pardon hein. Dit Gibsou. J'me casse.

- j'ai rien pour personne, le retint Yolker, pas le moindre sentiment.

Gibsou prit un air grave. Voir même... Contrarié ? Yolker s'en fichait bien, et il enchaîna.

-J'aime même pas vraiment tout ces gens avec qui j'viens d'bouffer, deconner, échanger... J'les connais pas. J'parlais avec vous par écrans interposés d'puis longtemps mais vous etes pas mes "amis" pour autant. De quels droit vous vous permettez de définir qui j'aime ? De quel droit tu m'dis tout ça ? Tu t'es pris pour qui ? J'te connais pas. Et tu m'connais pas alors viens pas m'dire que t'as vu quoi qu'ce soit. Foutez moi juste la paix.

Après tous ces mots durs, que Yolker lui même ignorait s'il les pensait tous, le silence parru assourdissant.
Ses oreilles bourdonnaient. Un réveil pausé sur le bureau tiquait en égrainant les secondes. Il entendait un avion qui passait dehors.
Mais il n'entendait pas Gibsou.
Et finalement, ça ne lui plaisait pas non plus.