Je t'aime

3 | "T'aime."

"D'accord, à tout à l'heure. T'aime."

Bellamy ne sait pas pourquoi il le dit. Les mots s'échappent littéralement de ses lèvres sans que son cerveau ne donne l'ordre distinct de les prononcer. Et après, c'est trop tard. De l'autre côté du fil, le silence règne lorsque Clarke ne répond rien. Et voilà qui veut tout dire, n'est-ce pas, sur la façon dont ses sentiments sont réciproques.

Ils ne le sont pas, et c'est tout.

Il raccroche. C'est la meilleure chose à faire, pas vrai ? Quand on vient juste de dire à sa meilleure amie depuis les dix dernières années, pour qui il éprouve des sentiments amoureux depuis deux ans déjà, qu'on l'aime.

Ensuite, il reste là, immobile et muet, ses yeux bruns fixés sur l'écran de son téléphone, attendant la prochaine catastrophe. Le message qui lui dira qu'il faut qu'ils parlent. L'emoji embarrassé qui lui montrera qu'elle n'est pas intéressée. Et si elle tweete à propos de lui sur son réseau social ? Oh seigneur, et si elle décide de le rappeler pour qu'il explique exactement ce qu'il entendait par "T'aime" ?

Ok, il a juste besoin de trouver une bonne explication. Après tout, les gens disent "t'aime" à n'importe qui ces jours-ci. Ça n'a pas besoin de vouloir dire quelque chose, non ? Non ?

Son cœur se serre douloureusement dans sa poitrine et ses doigts se serrent autour de son téléphone.

Alors, pourquoi ne se le sont-ils jamais dit l'un à l'autre ? Dix ans de "j'ai besoin de toi", "je tiens à toi", "tu es si important pour moi", "tu fais partie de ma famille, toi aussi", et jamais, ô grand jamais, ces trois mots fatidiques n'avaient été prononcés.

La réponse est évidente, ou du moins, elle l'est pour Bellamy. C'est parce que justement, il aime Clarke. Romantiquement. Il ignore quand il a commencé à tomber sous son charme. Très certainement entre la première et la troisième heure qui avait suivi leur première rencontre. En revanche, il sait exactement à quel moment il a compris qu'il était amoureux d'elle.

Ils avaient été séparés pendant quelques mois à cause du travail de Clarke. Elle s'était envolée pour la Thaïlande pour aider une association à construire une école, et pour apporter ses connaissances médicales aux locaux. Là-bas, aucune réception téléphonique, pas d'internet, aucun moyen de communiquer avec Bellamy. De plus, le décalage horaire était un véritable enfer. Même aux rares moments où ils auraient pu se parler, l'un d'eux était soit endormi, soit au travail.

Elle était supposée rester là-bas pendant six mois et elle manquait à Bellamy plus que tout. L'appartement qu'ils partageaient demeurait vide de rires, de plaisanteries et même de couleurs, ses jours devenant de plus en plus gris au fur et à mesure que son humeur s'assombrissait.

Jusqu'à ce qu'un jour — onze jours exactement avant la date exacte de son retour à la maison — alors qu'il sortait du travail, une petite boule d'énergie le percuta de plein fouet et sauta dans ses bras. Des mains s'enroulèrent autour de son cou, le serrant contre lui, et des cheveux éparses vinrent chatouiller son nez.

Cela lui prit quelques secondes, mais quand un soulagement incomparable emplit ses poumons et qu'un bien-être profond s'insinua dans ses veines, il comprit. Clarke était de retour à la maison. Elle était sa maison.

Il resserra ses bras autour d'elle pour la serrer davantage contre lui, la soulevant ainsi du sol et inhala son parfum sucré.

"Tu es vraiment là," murmura-t-il dans son cou. Elle acquiesça et se fondit dans son étreinte.

La chaleur présente dans son cœur explosa soudain pour envahir son être tout entier de joie et d'excitation. Il aurait pu crier de bonheur, tellement il se sentait heureux à cet instant. À la place, il tourna sur lui-même en riant. Elle gloussa et— Seigneur, il fallait qu'il voie son visage, qu'il puisse discerner son sourire et plonge dans ses grands yeux bleus pour se prouver à lui-même qu'elle n'était pas que le fruit de son imagination.