Chapitre XV

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Chapitre XIV
L'orchestre jouait une triste symphonie. Les notes légères se dispersaient dans l'air en se mêlant aux cris de l'assistance. Les deux cercueils fermés, étaient posés juste devant nos yeux. J'aurais voulu admirer le visage de ma soeur encore une fois et le toucher. L'embrasser, mais...Ma gorge était nouée pourtant je ne pouvais pas pleurer. J'avais si mal que je n'avais plus la force de pousser un cri. Il y avait trop de bruit. J'avais besoin de silence. 
Il y avait beaucoup de personnes aux funérailles. Ils pleuraient tous. Je ne saurais dire ce qui les faisait pleurer le plus entre les cris de la famille et le manque que provoquent les défunts dans leurs coeurs. Je sais juste que dans quelque minutes environ, ils vont oublier Mario et ma soeur. Ils seront oublier par plus de la moitié de ces gens qui crient et pleurent.
Je suis rentrée à la maison plus fatiguée que jamais. La cérémonie a duré moins de temps que prévu. Je n'ai pas participé à la phase où on allait les mettre six pieds sous terre. Je ne pourrais jamais supporter de la voir partir pour de bon ;  pourtant je sais qu'elle est partie. Pour de bon ! 
J'ai une forte nausée !  Est-ce le poids de mon chagrin qui écrase à ce point mon estomac ? Je respire mal. J'étouffe. Me retrouver dans ce silence m'est presque mortel. J'ai mal au coeur. La douleur siège dans mes entrailles. Mes larmes explosent et mes cris avec. Je ne cesserai jamais de pleurer cette soeur ! Jamais!
Les filles sont allées chez mon père. On rentre à Port-au-Prince, ce soir. Elles ont insisté pour passer l'après-midi avec la famille. Mon père avait voulu que je vienne mais j'ai préféré revenir ici pour préparer le voyage. J'aurais aimé rester plus longtemps mais demain, j'ai un rendez-vous important au bureau et j'ai beaucoup de choses à régler. Déjà deux semaines d'abscence et mes chiffres ne font que chuter. Il faut que je parte. Même à contre-coeur.
Mes retrouvailles avec ma ville natale a été la plus belle chose qui me soit arrivée pendant ces dix dernières années. J'ai réalisé à quel point j'étais attaché à cette ville. Ma maison est ici, ma famille également. Mon cordon ombilical vibre sous cette terre, mon coeur ne saurait être nulle part d'autre qu'ici même si j'adore également Port-au-Prince.
Je me reposais dans ma chambre quand j'entendis frapper à la porte. Je me suis levée paresseusement pour ouvrir. Le visage que je voyais dans l'entrebaillement de la porte me laissait sans voix.
- Bonsoir Mélody ! Comment vas-tu ? Tout à l'heure, je n'ai pas eu le temps de te parler.
- Que veux-tu?
- Te parler clairement sur tout ce qui s'est passé.
- Je ne veux rien savoir, Edouard. Je ne suis pas vraiment d'humeur à te parler.
- Mel...C'est important pour moi.
- Pas pour moi! Ai-je crier en fermant la porte.
- Je quitte Port-au-Prince demain. Je ne pense pas y revenir. Je veux juste te dire au revoir. Je ne veux plus commettre les erreurs du passé. A-t-il dit en se collant à la porte.
- Je te connais bien Edouard! Tu me dis cela juste pour atteindre ton but! Juste pour que j'ouvre la porte.
- Non, je dis la vérité Mel. Tu ne veux pas m'ouvrir juste parce que tu as peur de ne pas pouvoir me résister. Tu as peur de ce que nous ressentons.
- Peur de quoi?! Tu me fais rire! Je ne ressens plus rien pour toi! Tu es un homme marié. "Pwa bouyi pa donnen!"
- Si réellement tu ne ressens rien, ouvres moi et dis-le-moi en face!
-Edouard, pars. L'heure de jouer est écoulée! Va retrouver ta femme!
Je n'avais même pas eu le temps de fermer la bouche qu'il avait ouvert la porte et pénétré dans le salon. Il a collé son front au mien et me regardait dans les yeux, son souffle était très court et ses paupières semblait mouiller. Il me provoquait ouvertement mais je le résistais fermement jusqu'à ce que je me suis dégagée de mon étreinte.
- C'est fini ton jeu. Tu es démasqué. "Ou foure de pye ou nan on grenn soulye, fò ou te atann ou ke zòtèy ou ka kase". Va-t-en!
- Je suis désolée mais je ne me résoudrai pas à te perdre. Je ne peux plus. Tu es tout ce que j'ai rêvé d'avoir. Je t'...
- Tais-toi! Tu es un menteur! Tu as encore trahi notre amour. Tu m'as encore blessé. Je te deteste. Tu m'as caché la vérité. Tu m'as fait croire que tu m'aimais, qu'il y avait une chance qu'on soit ensemble alors que tu es marié et Peut-être que tu es père.
- Ecoutes...Je suis d'accord. J'ai été stupide mais je n'ai pas d'enfant. Cela ne veut pas dire que je ne t'aime pas. Je suis fou de toi depuis toujours et je regrette tellement que cela soit ainsi. Je t'aime Mel même si tu ne me crois pas.
- Laisse-moi seule. Je ne veux plus rien savoir de toi. Je me fiche de ton amour.
-Mel, Pardonne-moi. Je t'en supplie. Je refuse de te perdre encore une fois.
- Edouard, tu m'as perdu depuis le jour de ton mariage. C'est moi, qui te perd à présent parce qu'au fond de mon coeur je pensais que tu étais à moi.
- Mel...
-  Pars! À présent, tes mots ne servent plus à rien. Je n'y croirai plus.
- Je te les dirai quand même car ils sont vrais. Je t'aime et mes sentiments pour toi vont au-delà de la pression familiale, au-delà d'un acte de mariage, au-delà des jugements de la société. L'amour n'a ni barrières ni frontières. Je t'aime d'un amour aussi libre que ton imagination. Il n'y a rien qui puisse m'empêcher de t'aimer. Je t'aime même contre ma volonté.
- Je t'interdis de m'aimer. Le destin t'interdit de le faire. C'est impossible, toi et moi. Peu importe l'intensité et la véracité de nos sentiments, toi et moi c'est une histoire interdite. D'être racontée. D'être vécue. Tout comme, le feu ne peut brûler la mer, qu'importe son intensité, nous deux c'est impossible qu'importe à quel point c'est réel.
- Je refuse d'accepter la réalité. Elle est trop brutale. Elle fait trop mal. Je ne veux pas te perdre... Dit-il en pleurant à chaudes larmes.
- Gardons les meilleurs souvenirs de notre amour perdu et avançons. Je ne veux que cela cesse.
- Tu vivras toujours dans mes souvenirs et sans toi dans ma vie, je serai malheureux. Je ne t'oublierai jamais. Je n'oublierai jamais notre complicité parfaite, notre enfant jamais né, nos disputes, nos chagrins, nos folies, notre histoire interdite. Je t'aimerai toujours, Mel. Et je reviendrai, un jour, pour te retrouver. Ce n'est qu'un au revoir.
Sur ces mots, il déposa un baiser sur mes lèvres et nous avons fait l'amour comme jamais auparavant. Nous étions silencieux alors que nos corps s'exprimaient. Je savais que c'était la dernière fois qu'on se voyait et ça fait encore plus mal de le savoir. Il est impossible pour nous de nous aimer librement dans cette vie. Mon Dieu, si seulement, il existe une autre vie, puisses tu dans ton amour nous y réunir.
Je l'ai regardé partir à travers le bruit. J'ai vu son dos s'éloigner de moi en emportant mon être avec lui. Dix ans de cela, il a effectué le même chemin. Aujourd'hui encore, il part sans  jetez un regard vers moi. Et ça fait tout aussi mal.
Une bonne demi heure s'est écoulée depuis le départ d'Edouard. Le chauffeur est venu me chercher pour le voyage. Je vais encore partir sans savoir quand est-ce que je vais revenir. Et ça fait toujours très mal.
Arrivée chez mon père, j'entendais plein de bruit! Comme s'il y avait une grande dispute. Je suis montée doucement vers la chambre de mon père, je n'ai pas l'habitude d'écouter aux portes mais une fois ne me tuera pas:
- Tu es un monstre Armand! C'est toi qui m'a forcé à faire tout ça et aujourd'hui tu me reproches de t'avoir séparer de ta fille alors que tu as tout fait tout seul!
C'était Katianne.
- C'est de ta faute !
- Ma faute ?  Est-ce moi qui reprochais sans cesse à Melody la mort de Mélaïna alors qu'elle n'était qu'une enfant ?  Est-ce moi qui lui privais de sortie en vue de ne pas voir son amoureux ? Est-ce moi qui lui interdisais de voir ce garçon, son grand amour en sachant qu'elle était ta fille légitime ?  En sachant que sa mère ne te trompais pas mais que la fameuse relation entre le père du jeune homme était un mensonge d'Arielle, ta belle-soeur en guise de couvrir la fructueuse relation qu'elle entretenait avec le père d'Edouard ?  Est-ce moi qui l'ai mise à la porte et l'ai envoyée à Port-au-Prince juste pour passer ton manque de ta première femme ?  Dis-moi, est-ce moi qui ai déchiré les lettres qu'Edouard lui envoyait fréquemment  ?  Est-ce moi qui lui ai donnée cette pilule abortive pour qu'elle croit que c'était une fausse couche alors que tu as tué son bébé, juste parce que tu n'aimes pas la famille d'Edouard ?  Tu lui as fait beaucoup de mal alors tu espérais recevoir quoi en retour ?
Je ne pouvais pas assimiler les nouvelles que je venais d'apprendre. J'ouvris brusquement, la porte en poussant un effroyable cri.
- Melody !  Ma chérie... Tu es déjà rentrée !
- Dites-moi que ce que je viens d'entendre sont faux ! Papa, tu n'as pas fait ça ? Dis-moi que tu n'as pas tué mon enfant !
Un Silence lourd s'installe dans la pièce. En mon coeur, je prie qu'il nie les accusations que vient de porter ma belle-mère mais rien. Silence. Insupportable silence.
-Dis quelque chose papa !  Criai-je comme une folle.
Toujours rien. Il restait tête baissée et ne disait rien. Le genre de silence qui traduit que ma belle-mère avait raison.
Alors sans rien dire de plus, j'ai pris les filles et j'ai quitté la maison.
- Chauffeur, on y va. Emmenez-moi vite. Loin de cette ville. Je ne veux pas rester une seconde de plus...




L'interdit à Fleur de PeauOù les histoires vivent. Découvrez maintenant