Le temps était devenu maussade, en une fraction de seconde. Il avait l'air triste. La pluie faisait mine de tomber mais n'avait pas l'audace de s'exécuter. Les nuages se débattaient intérieurement pour ne pas exploser, tout comme moi. Assise sur le siège de la voiture, l'angoisse me paralysait progressivement. L'anxiété s'accaparait totalement de mon être. Mes larmes ne tenaient qu'à un fil, mais je faisais de mon mieux pour ne pas éclater en sanglot. Je devais être forte. Je me donnais du courage en me répétant toutes les deux secondes, qu'en ce moment, mon père avait besoin de ma force pour s'en sortir et que je devais conserver mon énergie pour l'aider à se battre contre sa maladie.
J'avais l'esprit complètement ailleurs, quand je sentis les mains d'Edouard se poser sur mes genoux.
- Ne t'inquiète pas. Tout va bien se passer chérie.
Cela ne suffisait pas pour me rassurer néanmoins, le contact de ses fines doigts sur ma peau a reussi à me calmer.
Nous étions arrivés à l'hopital. J'étais plus inquiète que jamais quand je voyais tous ces gens qui étaient à l'article de la mort sortir de l'hopital profondément endormis sous ce traditionel drap blanc. Je ne pouvais plus tenir debout quand je voyais les familles de ces derniers pleurer leurs bien-aimés qui auraient dûs retourner soulagés à leurs demeures se rendrent à la morgue privée de l'établissement. Ce qui m'intrigue cepandant, c'est le fait que l'hopital possédait une morgue bien plus équipée et mieux entretenue que les soins d'urgences. Il manquait tout à l'hopital: matériels, médicaments, et même les personnels médicaux étaient parfois en grève. On aurait dit qu'en Haïti, il est beaucoup plus facile de sortir ici endormi que sur pieds. Les hopitaux qui sont soit disant sous le contrôle étatique semblent être plus dangereux qu'une bonne balade à village de Dieu ou à Bel-Air. Quant aux hopitaux privés, il faut un porte-feuille rempli et un compte bancaire bien gras pour pouvoir pénétrer dans le hall; et cela ne saurait même pas vous garantir le maintient de votre vie car même les hopitaux privés sont en manque de matériels.
Je suis en sueur malgré la climatisation de la salle, et je réalise à ce moment que la santé reste en dépit de tout, notre bien le plus précieux. Mon angoisse me fait trembloter et je prie que mon père se rétablisse vite. Je n'ai pas vraiment d'autres choix que de prier. Ici la science est limitée, la médecine est en retard de quelques décénies par rapport aux autres pays, et les médecins s'inquiètent plus de l'origine des bruits de balle que de la santé des patients. Oui, je prie. Une chose que je fais très rarement. Je prie silencieusement de peur que Dieu n'ait oublier la tonalité de ma voix. Je prie en mon coeur car je m'adresse à la vie. À la vie qui vit là-haut et qui vit en chacun de nous. Je m'adresse à cette vie qui apparemment retient mon bonheur et ma paix en ôtage. Oui, je prie en utilisant des mots sourd-muets. Je prie sans mots, mes larmes innocentes s'expriment à leur place. Sans en avoir l'habitude, je prie car ici, même les athés prient.
Quand enfin, j'ai eu accès au comptoir. J'ai demandé à la demoiselle de voir mon père:
- Patientez un moment, madame. Monsieur Armand Castra est aux urgences. Vous pourrez le voir après. M-a-t-elle dit avec gentillesse.
- Je veux le voir , tout de suite! Je veux savoir comment va mon père!Est-ce qu'il va s'en sortir?! Ai-je crier pendant que mes chaudes larmes explosaient mes paupières.
- Je comprends votre angoisse, madame. Mais, je ne suis pas médecin. Je ne peux rien vous dire de plus. Je peux simplememt vous assurer que nos médecins font de leurs mieux pour le maintenir en vie.
-Calme-toi, ma Mélody. Edouard prit mon visage entre ses deux mains. Regarde-moi. Il va s'en sortir. Et il me prit dans ses bras.
Je pleurais à chaude larmes. Je me suis fortement accrochée à ses bras quand soudainement une voix féminine nous fit sursauter:
- Edouard ! Que fais-tu ici avec cette femme?!! Demanda la femme avec autorité.
Nous nous sommes retournés tous les deux stupéfaits de voir cette femme ici. Elle nous hante même à l'hopital. Cette sorcière ne manque jamais l'occasion de faire de scandale!
- Maman, que fais-tu ici?
- Toi, que fais-tu ici?!! Et vous que faites-vous avec mon fils? Ne vous approchez plus jamais de lui, vipère!!A-t-elle crié à mon intention.
- Premièrement, je n'ai pas forcé votre bébé chéri à me suivre. Il est venu seul, comme un grand. Deuxièmement, il n'y a qu'une vipère ici et ce n'est sûrement pas moi! Lui crachai-je au visage.
- Espèce de garce ! Insolente ! Argua-t-elle.
- La garce c'est vous , madame ! Lui dis-je calmement en la foudroyant du regard.
- Heeeee! Qu'est-ce qui vous prend toutes les deux?! Calmez-vous, bon sang! On est dans un hopital ! Mélody, un peu de respect ! Cria Edouard à nous observant tour à tour.
- Adresse-toi à ta mère, Edouard ! C'est elle qui dépasse toujours ses limites!
- Mon fils, fais-la taire! Je ne la supporte pas! Je ne supporte pas de la voir si près de toi! Elle ressemble trop à ...
- Je vous interdit de prononcer le nom de ma mère, madame. Criai-je avec le peu de force qui me restait.
Suite à ce dernier cris, la sécurité à dû intervenir. Étant donné que j'étais parent d'un malade, ils ont mis à la porte la mère d'Edouard. En sortant, elle chuchotait des phrases que je n'arrivais pas à comprendre; des phrases qui ne m'interressaient pas le moins du monde.
- Mélody, si tu ne respectes pas ma mère, je...
- Quoi?! Ta mère insolente se croit tout permis et tu espérais quoi? Dis-moi, que vas-tu faire? Retourner à New-York et couper les ponts avec moi? C'est ce que tu vas faire? Laisse-moi te dire que ce n'est pas nouveau! C'est une habitude avec toi ! Ça ne me ferait même pas mal ! Pars si tu veux!
- Laisse-moi t'expliquer...
- Tu n'as rien à m'expliquer. Tu as toujours été ainsi. Si on en est là aujourd'hui, c'est entièrement de ta faute. Tu ne m'as jamais défendu devant ta mère. Pas une fois, tu lui as dit que c'est moi que tu voulais. Pas une fois, tu lui as dit que tu m'aimais. Tu n'es qu'un lâche! Un vulgaire lâche! Un bébé qui ne fait que se plier aux exigences de sa mère stupide. Tu n'es pas un homme!
- Tu dis n'importe quoi! Je t'ai toujours défendu devant tout le monde! Et je ne suis pas un lâche!
- Tu es tellement courageux que tu es parti en me laissant dans un état que je n'ose évoquer. Tu as fui tes responsabilités. Tu n'as même pas lever le petit doigt pour sauver notre amour.
- Nous sommes deux! Toi aussi tu es parti, je te rappelle.
- Pas pour les mêmes raisons que toi! J'étais parti pour toi. Au nom de notre amour. Contrairement à toi, je suis partie parce que mon père m'a chassé. Il m'a demandé de choisir entre mon amour et ma famille. Je t'ai choisi. Mais quand je suis allé sur cette plage où nous avions rendez-vous, je ne t'ai pas trouvé. Tu n'as même pas pris la peine de me laisser un petit mot. Mon père m'a coupé les vivres à cause de toi. De toute façon, je j'étais pas aussi importante que tu l'étais pour moi. J'ai dû me rendre à Port-au-Prince me réfugier chez mon oncle. De là, j'ai connu la maltraitance sous toutes les formes que ton cerveau égoïste puisse imaginer. J'ai été vi..o..lée...et j'ai vécu des choses immondes, au nom de notre amour. J'aurais pû revenir mais je suis restée parce que quelque part dans mon coeur, je gardais l'espoir de recevoir au moins une réponse à mes nombreuses lettres, mais rien. J'ai souffert, moi. J'ai tout enduré. Aujourd'hui, j'ai fait les mêmes erreurs en croyant que tu allais changer mais en fait tu ne changeras jamais. Tu seras à jamais le fils à maman, un lâche. Tu partiras encore. Alors, va-t-en et ne reviens plus. Conclus-je en tournant le dos.
- Mel... Tu...
- Je ne veux plus te voir. Ne m'appelle plus. C'est fini, cette fois. Et ceci, pour de bon.
-Écoutes au moins ce que j'ai à te dire... Donne-moi une chance de t'expliquer les raisons de mon départ.
- Va-t-en! Je ne veux plus te voir! Restes loin de moi. Criai-je à contre coeur.
- Je ne ferai pas deux fois l'erreur de te perdre. Je te retrouvrai où que tu ailles. Cette fois, je vais me battre pour t'avoir près de moi et je t'aurai qu'importe le prix à payer.
Sur ces mots, il sortit doucement. Me laissant debout comme une idiote, brisée comme un morceau de crystal qui a obtenu un mauvais attérissage.
- Mademoiselle Castra?
La voix du docteur me ramena à la brutale réalité.
- Oui, docteur. Comment va mon père. M'empressai-je de lui demander.
- Soyez calme, mademoiselle. Votre père a eu une crise d'hypertension sévère, heureusement qu'il est arrivé ici à temps. Pour l'instant, son état est stable. On va le garder quelques jours de plus pour voir comment il évolu.
- Merci, docteur. Je suis soulagée. Je peux le voir?
- Attendez un moment. Pour la crise d'hypertension ça ira mais... Il prit une pause.
- Mais quoi? Demandai-je avec inquiétude.
- Mais...nous avons pu constater que son cancer du foie est à présent à la dernière phase. Nous sommes vraiment désolés mais nous ne pouvons plus rien faire pour le sauver. Il lui reste peu de temps à vivre. Profitez bien de ces derniers jours.
Cancer, foie, dernière phase, papa... Ces mots jouent dans ma tête une symphonie amère. Je n'y comprends rien. Je ne pourrai pas vivre sans lui. Malgré tout le mal qu'il m'a fait, je l'aime! Je ne veux pas le perdre. Je ne le supporterai pas. Pas cette fois.
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L'interdit à Fleur de Peau
RomanceL'interdit à Fleur de Peau, une histoire intrigante comportant un mélange mystérieux de passion,de nostalgie, de tristesse, d'injustice. Une histoire imprégnée d'interdictions, de blocages, de "barikad", de regrets, de recommencements. Une his...