L'ordre du Chaos

2. L'enfant du Soleil.

Cela faisait déjà quinze jours qu'Abaeze était en Izhio avec sa fille et ses hommes. Les jours défilaient et il n'arrivait toujours pas à situer le lac dont Teh lui avait parlé.

— Ce lac est mouvant, mon roi, lui avait dit le vielle homme. Son accès n'est possible que pour ceux qui le nécessitent dans la pureté de leur cœur.

Abaeze avait réfléchi un instant. C'est sa fille qui a besoin de ce lac, pas lui. Mais la petite est si jeune, le roi du royaume de Neesimā n'est pas sûr qu'elle soit consciente à cet âge car ce n'est pas sûr que son sang soit noir.

— Comment puis-je m'y rendre si mon cœur est indécis ?

— Vous pouvez toujours passé par la forêt semayawī (céleste), dit Teh en levant les épaules.

— Gare à toi, vielle homme ! Pourquoi ne l'as-tu pas dit plus tôt ?!

— Parce qu'elle est dangereuse, mon roi !

Abaeze n'avait que faire des mises en garde de Teh. Aucune créature ne pourrait l'effrayer assez pour abandonner sa fille. Selon les cartes, la forêt se trouvait au nord d'Izhio vers Adwa. Ils se trouvaient actuellement au sud du pays. Cela devait donc leur prendre trois jours pour s'y rendre. Au bout de deux jours de repos, Abaeze avec Nadjela sur son dos prend la route pour la forêt semayawī. Les hommes habitués au voyage ne semblaient pas s'inquiéter. Munis les uns de dagues et de lances et les autres d'arches et de flèches, ils étaient prêts à faire face à n'importe quel ennemi. Après avoir traversé le dernier village, leur assurance commençait à se dissiper. Devant ce qui ressemblait à un grand désert, les trois hommes firent tomber leurs armes. Le roi Abaeze, lui, voyait une forêt qu'il identifia comme étant celle de semayawī. Les trois hommes, eux, voyaient un désert infini.

— Mon roi, nous nous arrêtons là, dit l'un des hommes.

Le chef du royaume de Neesima était surpris mais trop impatient de trouver le lac sans nom.

— Très bien, bande de lâches. Qui suis-je pour vous forcer ?

Les trois hommes prirent la position d'attente à genoux pendant qu'Abaeze pénétra dans la forêt. Les rayons du soleil qui frappaient la peau du souverain et de sa fille disparaissent instantanément. La forêt semayawī contrairement à son nom n'avait rien de céleste. Abaeze avait plutôt l'impression d'être dans les entrailles de l'Enfer. Il avait l'impression d'halluciner. Les arbres avaient des bouches sans fin frappées d'un rictus, les feuilles avaient des yeux et le sol semblait se dérober sous les pieds de sa monture. Nadjela appelait son père mais celui-ci ne semblait pas l'entendre. La petite dégagea ses mains et pointa l'une d'elle vers une source de lumière. Le roi reprit ses esprits et fonça à vive allure vers la lumière. Plus il avançait, plus le point de lumière reculait. Après un moment qui lui parut une éternité, il eut enfin accès au lieu où la source de lumière émanait. Abaeze se trouvait devant des collines qui formaient un cercle et dans leur centre, il y avait la concentration d'un fleuve de couleur verte. Cela devait être le fleuve ārenigwadē.

— Merci, ô grand Si !

Abaeze détacha Nadjela de son dos. La petite était enfin libre de marcher. Elle prit la main de son père et lui sourit tendrement. Ses yeux sans pupille d'habitude toujours aussi gris, parfois blancs étaient de la couleur d'un début de crépuscule. Le roi remarqua ce changement et fut traversé d'une joie intense. La princesse et son père commencèrent à marcher le long du fleuve. Nadjela avançait en chantonnant un chant traditionnel que sa mère a pour habitude de chanter le soir. Un pas, puis deux pas et trois pas, arrivait un moment où Nana ne comptait plus. Lorsqu'elle lève les yeux vers son père, un bruit sourd retentit. Un objet avait percuté le corps de son père. L'homme s'était retrouvé à terre, incapable de bouger. La petite se retourne dans une tentative de comprendre ce qu'il s'était passé. Deux hommes à la couleur de la peau qu'elle n'avait jamais vu se tenaient à une certaine distance d'elle. Alors que Nana tente de se rapprocher de son père, il lui crie :