Freya

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          Elle avait fait un rêve. Un rêve si merveilleux qu'elle ne voulait pas ouvrir les yeux de nouveau. Elle n'éprouvait aucune douleur, seulement de la joie. Elle ne pouvait s'empêcher de sourire à pleines dents. Tout était si extraordinaire ici. Tout était si parfait. Dans ce rêve, la fillette pouvait faire tout ce dont elle désirait tant. Elle pouvait jouer avec les créatures sorties tout droit de son imagination. Elle pouvait gravir les plus hautes montagnes sans n'éprouver aucune fatigue. Elle pouvait gribouiller sur une feuille de papier sans fin toutes les choses les plus folles qui lui passaient par la tête. Elle pouvait voir des paysages qui n'existaient nulle part ailleurs. Elle pouvait sentir la chaleur d'un autre corps qui venait l'enlacer tendrement. Elle pouvait courir dans de vastes plaines ensoleillées et en l'espace d'un instant courir dans une petite rue enneigée.

          Elle savait que rien de mauvais ne pouvait lui arriver ici. C'était son monde à elle et rien qu'à elle. La fillette, répondant au nom de Freya, l'avait inventé de toute pièce. Chaque chose avait son importance et créait un cadre propice à l'épanouissement de sa créatrice. Et ce que la fillette aimait le plus faire dans ce monde magique, c'était sauter dans des flaques d'eau. Et ici, elle pouvait le faire infiniment sans ne jamais être éclaboussée ou ressentir le froid glacial d'une eau qui manquait de soleil. Elle avait même construit un endroit où il lui était possible de vivre comme elle l'entendait son souvenir.

          C'était dans une petite boîte à chaussures violette, posée sur une magnifique console en bois. Cette boîte ne payait pas de mine à l'extérieur, pourtant elle était aussi précieuse qu'un collier de diamants aux yeux de la fillette qui l'avait soigneusement enfermée dans un coffre fort à la porte qui aurait pu paraître gigantesque pour n'importe quel enfant, mais pas pour elle. Sa taille représentait simplement tout l'amour qu'elle lui accordait. Et encore, elle n'était même pas assez grande pour tout exprimer.

          Les vastes montagnes avaient laissé place aux rues étroites mais ensoleillées d'une charmante petite ville qui, elles-mêmes, avaient cédé leur place à un vaste champs de tournesols, illuminés par les faibles lueurs d'une pleine lune qui prenait tout l'espace dans le ciel étoilé. Cette lune était si grande que Freya aurait pu la toucher de ses maigres doigts si elle en éprouvait le simple désir, mais elle ne prêta aucune attention à ce magnifique spectacle. Elle avait un seul et unique objectif : s'enfoncer un peu plus dans ce champs de tournesols dont ces derniers paraissaient si immenses par rapport à elle. La fillette voulait rejoindre son centre, cette étendue sur laquelle aucune végétation ne poussait. Uniquement un grand arbre se tenait fièrement comme pour imposer la puissance d'avoir réussi à survivre dans un endroit aussi infertile.

          Plus Freya se rapprochait de cet arbre et plus elle voyait une drôle de forme se dessiner sur l'écorce brune du tronc imposant. Lorsqu'elle arriva enfin à destination, elle réalisa que cette forme n'était ni plus ni moins qu'une porte qui faisait exactement sa taille et qui n'attendait plus qu'elle pour s'ouvrir et révéler tous ses secrets. Sans hésiter un seul instant, la fillette l'ouvrit d'un coup sec. Elle pénétra alors dans une salle d'un blanc si éclatant que ses yeux eurent besoin d'un petit temps pour s'habituer à cette nouvelle luminosité. La pièce était vide, à l'exception d'un coffre qui trônait en son milieu. Elle rentra le code instinctivement et, aussi tôt, la porte s'ouvrit d'elle-même. Une console en bois sur laquelle était posée une petite boîte à chaussures violette se dressait en face de la fillette, comme pour l'inviter à s'approcher. Elle accepta l'invitation et la salle blanche laissa place à une atmosphère beaucoup plus obscure. Seule la console en bois était éclairée d'une faible lumière et, comme si elle avait reconnu sa propriétaire, la boîte s'ouvrit d'un seul coup laissant échapper de fines particules jaunes et vertes dans l'espace sombre, redonnant un peu d'éclat à la pièce si inquiétante. La fillette se rapprocha un peu plus de cette boîte et regarda l'intérieur qui, comme un écran de télévision, projetait des images d'elle en train de s'amuser. Elle les admira en silence et se sentit comme aspirée par elles.

Le premier rôleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant