Chapitre 2: Une noyade à Vaitunanaa

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« - Kaplaan , on va à Vaitunanaa, un autre 10-109
- Putain ils se sont donné le mot ou quoi ? S'étonna-t-il. »
Le lieutenant Johann Kaplaan était un Tahitien d'origine allemande, il avait les cheveux d'un blond foncé, presque châtain, un nez droit et pointu avec un visage comme taillé à la serpe. Il regardait Annie de ses yeux bleus océan, avec une façon bien peu professionnelle, même s'il essayait de le cacher. Il avait tout juste trente ans. Normalement c'était à lui de reprendre le poste de capitaine, mais un mauvais résultat sur une enquête lui avait fait rater sa promotion et il avait de temps à autre du mal à accepter le fait que sa supérieure soit une belle nana de 26 ans venant de la métropole qui plus est, mais il ne lui en tenait pas rigueur, tout simplement car il avait eu un coup de cœur pour elle dès qu'il l'avait vue. Jamais leur relation n'avait été autre chose que professionnelle, et si on le lui demandait, il dirait que ça ne pourrait jamais aller plus loin. Mais tout le monde savait y compris Annie, ce qu'il ressentait pour elle.
Ils arrivèrent à Vaitunanaa, qui était situé à 46 kilomètres de Papeete. Ville située en bord de mer, très touristique, la baie était remplie d'hôtel de luxe. Annie observa la scène, il n'y avait aucun touriste aujourd'hui, bizarre. Quoique vu le temps, rien d'anormal. Même le drapeau de baignade, teinté de rouge, confirmait le temps orageux qui profilait. Annie sortie de ses contemplations au moment où les gardes-côtes, qui venaient de repêcher le corps, étaient en train de le déposer sur la plage, fermée aux touristes vu les circonstances. Annie se dirigea vers le chef des maîtres nageurs sauveteurs qui avait alerté les policiers.
Elle apprit d'Aidan, qu'il avait vu la victime rentrer dans l'eau et marcher avec conviction vers les énormes vagues, il était en costume et ne prit même pas le temps d'enlever ses chaussures, bien que le maître nageur lui hurlât de sortir de l'eau à l'aide de son mégaphone, le nageur n'en fit rien et continua d'avancer, jusqu'à ce qu'il ne soit plus visible, le sauveteur, appela donc les secours, en sachant que, vu les vagues, il ne s'en sortirait jamais. L'océan est tout aussi meurtrier qu'une arme à feu. Il avait tout tenté pour le sauver, mais il ne pouvait pas entrer dans l'eau, il savait qu'il n'aurait pas pu en ressortir. Il se sentit coupable mais Annie comprenait, personne n'aurait pu l'aider.
Elle s'approcha du corps, Johann avait déjà commencé à fouiller le costume trois-pièces de la victime, d'une belle qualité, costume de marque, sans doute avait-il couté une fortune. Sa fouille ne fut pas veine, il venait de trouver le portefeuille de la victime. Il s'appelait John Ahiri, avait une quarantaine d'années, et était avocat. Il avait son propre cabinet dans le centre de Papeete, à en juger par la carte de visite trouvée aux côtés de sa carte d'identité.
« -Que t'as dit monsieur muscles là-bas ? Demanda Johann.
- Il confirme le suicide. Personne aux alentours, et même avec les interdictions de se baigner, la victime est quand même rentré dans l'eau, en costume qui coute une année de travail et chaussé. Il était donc bien décidé à en finir. Expliqua-t-elle, sans relever la pointe de jalousie dans la question de son collègue. »
Mais que faisait-il sur cette plage, à plus d'une heure de route de la capitale et habillé comme pour un mariage? Y avait-il un lien avec les suicidés du café ? Même si le suicide n'est pas si rare sur l'île, trois en une journée, ne peut pas être une coïncidence.
Quand le médecin légiste arriva, il déposa le corps dans le sac mortuaire et l'emmena à la morgue du centre hospitalier de Taaone, la même morgue des victimes de Papeete. Annie savait que le médecin légiste l'appellerait dès qu'il aurait pratiqué l'autopsie, pour faire son compte rendu.
Non loin de là, quelqu'un observait la scène.
C'était un homme d'une trentaine d'années, il faisait semblant de se promener, tout en pensant aux lumières bleues et rouges qui tournoyaient, au remu ménage du bord de mer, près du cadavre, et à cette femme, cette belle rousse, qui parlait à Aidan, le sauveteur. Cet homme mystérieux pensait au nombre de pots de vin qu'il avait fallu verser à Aidan pour qu'il quitte la plage pendant 20 min, et qu'il revienne comme s'il avait été témoin de la scène. Mais tous ces sacrifices, toutes ces mascarades auraient bientôt un dénouement, il serait libre.

Les Témoins de PapeeteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant