II

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Pas un seul homme n'osait prendre la parole. Ils préféraient sans doute croire qu'il ne s'agissait que d'une mise en scène, trop bien réalisée. Ce silence persista, rendant l'atmosphère lourde. Puis une femme trop curieuse se pencha sur une lampe, et poussa un cri qui fit frémir la salle.

– Il y a des plantes étranges à l'intérieur !

Cette soudaine révélation éveilla une panique totale. Un premier homme se redressa et clama vouloir quitter ce lieu. Puis un deuxième. Troisième. Quatrième. Laissant surgir une foule incontrôlable, seulement dominée par la peur de l'inconnu.

Harry n'attendit pas plus longtemps et traina Ivory dans les escaliers, afin d'atteindre au plus vite la sortie. Le couple se retrouva plongé au cœur du chaos. Certains hommes devenaient fous, poussant et écrasant cruellement des femmes, trop faibles face à leur carrure imposante. Une jeune fille s'écroula durement contre le sol, pleurant à chaudes larmes. Ivory se détacha de son amant et se précipita pour lui venir en aide. Mais cette masse dense l'emporta loin d'elle et d'Harry, la laissant se noyer dans cette mer d'hommes.

Vénus se tenait dans sa bulle, les yeux fermés, pour réduire la panique qui grandissait en elle. Les cris sonnaient telle une puissante gifle, et le noir l'empêchait de mieux comprendre cet affolement soudain. Cette méconnaissance au goût amer rongeait durement ses entrailles. Il n'y avait que cette couche en verre pour la protéger du potentiel danger. Une barrière qui, à son plus grand dam, l'enchainait tout autant.

Soudainement la jeune femme sentit l'objet s'affaisser, et terminer lentement sa descente au sol. Les rideaux de scène se fermèrent à leur tour, créant un cocon qui recouvrait les voix trop agressives pour elle. Vénus plissa les yeux, pour mieux apercevoir la silhouette qui se mouvait devant elle. Une silhouette qui lui semblait tant familière.

C'est quand deux grands yeux verts – qu'elle aurait pu reconnaitre entre mille – se posèrent sur elle, qu'elle fondit en larme, estomaquée. Elle posa ses paumes tremblantes sur sa cage invisible. C'est quand celles d'en face se joignirent aux siennes, de l'autre côté, que Vénus se sentit enfin entière.

La jeune femme aux boucles d'or essuyait son visage, lui aussi inondé par les pleurs. Elle chuchota d'une voix presque inaudible.

– Je vais te sortir de là.

Ses mains dessinèrent de sublimes arabesques, semblables à celles de Vénus, qui firent pousser un arbuste sous la bulle. Les racines percèrent rapidement le verre, qui céda en créant une faible ouverture. La dernière digue venait d'être rompue, laissant s'écouler les retrouvailles de deux sœurs, séparées depuis leur enfance. Vénus observa tout d'abord la jeune femme, se tenant là, devant elle. La magie d'Ivory bien plus destructrice que la sienne l'avait toujours fascinée. Ses fleurs bien trop douces, n'avaient rien pu faire pour la sauver des mains de ces hommes. La jeune femme rousse se jeta sur sa sœur, l'enlaçant de toutes ses forces, sa liberté enfin retrouvée. Ivory plongea son visage dans ses cheveux soyeux, qui sentaient la tendre odeur du printemps.

Tout à coup une voix perçante les firent sursauter, anéantissant cette osmose entre elles.

– Mais qu'est-ce que vous faites ?!

Un homme à l'aura menaçante les fixait à l'arrière de la scène, ayant entendu le bruit du verre se briser. Ivory se précipita devant sa sœur et leva les bras vers le ciel. Des lianes jaillissaient du sol et s'enroulaient autour de l'homme, le paralysant. Les deux jeunes femmes s'enfuirent de scène et se jetèrent dans la mer agitée. Se laissant n'être que quelques perles dans ce flot incessant.

Malheureusement, la force pure ne suffisait pas pour se frayer un chemin. Vénus vacillait dangereusement à chaque seconde et le temps pressait. De nombreux individus se joignirent dans cet embarquement risqué pour les récupérer, aveuglés par la haine. Ivory n'eut alors pas d'autre choix que de laisser les lianes envahirent la foule. Les plantes poussèrent le public en laissant ainsi aux sœurs un chemin menant vers la sortie. Mais avant qu'elles ne l'atteignent, Ivory croisa par hasard celui qui l'avait invité dans ce lieu.

Harry la fixait, paralysé par l'incompréhension qui retournait son être. Elle ne lui adressa qu'un regard désolé, emplit d'une tristesse déchirante. Le jeune homme sentit son cœur se noyer et couler lentement, au plus profond des abysses. C'était la première fois qu'il découvrait ses yeux, dégageant une émotion si puissante. Il grava cette vision à jamais dans sa mémoire, sachant avec désespoir qu'il n'y en aurait pas d'autre.

L'Ascension de VenusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant