Chapitre trois ― Guillaume

36 4 0
                                    

Il y a quinze ans

« Guillaume, fais ci ».

« Guillaume, fais ça ».

« Dis, Guillaume, tu peux m'aider ? »

« Je te laisse t'occuper de l'accueil Guillaume ».

« Dis-moi Guillaume, tu n'aurais pas dépassé ton temps de pause ? »

Je peste contre mon patron, ne supportant plus de l'entendre m'alpaguer toutes les douze secondes. Il n'est pas méchant, juste empoté et mauvais dans ce qu'il fait. Il ne sait pas se débrouiller sans moi et estime que je suis son « homme à tout faire ». Je travaille dans son camping pour l'été et je pense que je vais devoir lui payer une thérapie lorsque je serai parti.

Après avoir accueilli les derniers vacanciers, et donc expliqué une bonne vingtaine de fois le plan du camping, Bruno veut que j'aille vérifier que le pot d'accueil de ce soir sera prêt à l'heure. Je n'ai jamais compris le principe de faire un pot d'accueil le samedi soir, personne ne sympathise jamais et on se regarde tous dans le blanc des yeux comme des crevettes dans une poissonnerie.

Je me balade dans les allées et croise le groupe d'amis qui est venu récupérer ses clés tout à l'heure. Je reconnais vaguement des cheveux blonds mais surtout la jeune femme qui a fini par remplacer son pote lorsqu'il a détalé comme un lapin. J'ai rarement vu un gars aussi timide.

― Kim, putain, viens nous aider à monter les tentes au lieu de chanter, grogne un mec baraqué qui doit faire deux fois mon poids.

Il s'adresse à la jeune fille que j'ai reconnue ‒ Kim donc ‒ et vu leur ressemblance, je ne pense pas me tromper en disant qu'ils sont frère et sœur. Elle ne l'écoute pas et chante un peu plus fort. Finalement, mon métier consiste aussi à venir en aide aux vacanciers, alors je m'avance en trottinant vers eux. La dénommée Kim se redresse d'un coup et me sert son deuxième plus beau sourire.

― Je peux vous aider si vous voulez ! proposé-je.

Des regards emplis d'espoir se tournent vers moi et je rigole doucement. Je me sens comme le Père Noël un vingt-cinq décembre.

― Elio, tu peux lui donner la notice pour monter les tentes s'il te plaît ?

C'est une jeune fille blonde qui vient de parler mais je n'ai aucune idée de la personne à qui elle s'adresse. Parce que là, personne ne se sent concerné. Et puis, le premier petit blondinet de l'accueil me tend la notice et repart dans l'autre sens. Je n'ai toujours pas vu son regard mais visiblement, discuter c'est pas trop son truc.

Il m'a fallu une dizaine de minutes pour monter les tentes. En échange, ils m'ont promis une bière pour me remercier. Après ça, je suis retourné au bar du camping, vérifier l'avancée du pot d'accueil.

Mes collègues sont en train de faire des pyramides de gobelets, comme si c'était l'élément essentiel pour une soirée réussie. On vérifie ensemble que toutes les boissons sont bien maintenues au frais et qu'il y aura assez de trucs à manger si jamais tous les nouveaux vacanciers se pointent. Qu'on se le dise, ça n'arrivera jamais.

J'accroche ensuite l'énorme banderole où est écrit « bienvenue ! ». C'est Bruno qui a insisté pour qu'on la mette. Perso, je la trouve horriblement laide mais encore une fois, je ne suis là que pour l'été donc mon avis, on s'en fout.

Apparemment, il y a un spectacle de prévu et je suis bien content de ne pas en faire partie. Je danse comme un balai-brosse et je ne sais pas improviser. Et puis avoir tous ces regards braqués sur moi, non merci. Autant m'enterrer dans un trou.

Après la vagueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant