Chapitre 2 : SOREN

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Liam est insupportable aujourd'hui. S'il continue à tourner en rond comme ça, je vais finir par creuser une tombe et l'y enterrer avec son cuir sur le dos. Je comprends son impatience, bien sûr : Abby revient enfin à Cheyenne. Ça fait des années qu'il n'a pas eu sa fille près de lui, et il agit comme un gamin à l'approche de Noël. Mais pour moi, c'est une journée qui s'annonce interminable.

Je n'ai pas vu Abby depuis que nous étions mômes, à l'époque où sa mère l'a embarquée et a disparu dans la nature. Liam m'a montré des photos d'elle récemment. Et franchement ? La gamine est devenue une sacrée belle femme. Mais, d'après ce qu'il m'a raconté, elle a aussi un sale caractère et une langue acérée. Parfait. Juste ce qu'il faut pour allumer une mèche dans cette poudrière qu'est notre club.

Dix heures avant son arrivée, et voilà déjà Liam planté devant le club, un sourire large comme un pare-chocs, tapotant nerveusement le garde-boue de sa Harley. Il me rejoint, l'air plus excité qu'un môme à qui on a promis un tour en manège, et me balance une tape sur l'épaule.

— Bon, tu sais quoi ? Je vais aller récupérer les clés de son appart. Ça me casse les couilles de tourner en rond.

Je hausse les épaules, déjà agacé par son énergie débordante.

— Fais donc ça. Avec un peu de chance, ça m'évitera de te voir piétiner comme un vieux clébard. Allez, file, papy.

Je lui adresse un clin d'œil, mais il se retourne, un sourire en coin.

— Gamin, tu te souviens à qui tu parles ?

— Bien sûr. À un vieillard nostalgique, toujours en train de mordre dans le passé.

Il éclate de rire, mais son regard devient plus sérieux.

— Très bien, Soren. En mon absence, appelle Abby et dis-lui de venir directement ici, au club.

Un ordre. Venant de n'importe qui d'autre, j'aurais ri et envoyé paître. Mais c'est Liam. L'homme qui m'a pris sous son aile après la mort de mon père. Celui qui m'a élevé comme un fils. C'est aussi lui qui m'a passé les rênes du club, après des années à m'entraîner et à m'endurcir. Il a beau être grincheux, boiteux, et couvert de cicatrices qui font frémir les gamins dans la rue, je lui dois tout.

Quand il part enfin, je sors mon téléphone et compose le numéro d'Abby. Les tonalités défilent, et je m'attends à une voix polie, peut-être hésitante. Mais ce qui arrive me coupe net.

— QUOI ?!

Je reste figé un instant, surpris. Sa voix est à la fois douce et furieuse, un mélange déconcertant. Un sourire se dessine lentement sur mes lèvres. Alors, c'est ça, Abby Carter ? Chaton, va falloir te calmer.

— Charmant accueil, je réponds en traînant sur les mots. Tu traites toujours les inconnus comme ça ?

Un silence. Puis elle reprend, plus sèche encore :

— Qui c'est ?

Je ris doucement. Elle a du répondant, c'est clair. Ça va être amusant.

— Hunter. Ton père m'a demandé de t'appeler. Il a récupéré les clés de ton appart. Tu dois venir directement au club.

— Hunter ? C'est censé me dire quelque chose ?

Cette fois, c'est un rire franc qui s'échappe de mes lèvres.

— Pas encore. Mais ça viendra, chaton.

— Ne m'appelle pas chaton.

— Pourquoi ? Ça te va bien. Sauvage, mais mignon.

Skull Of Death [RÉÉCRITURE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant